Un commentaire de Miro Dangubic / Cyrill Purtscheller
Edité par Maria Ludwiczak Glassey / Lukas Staffler
Art. 80a Entrée en matière et exécution
1 L’autorité d’exécution rend une décision d’entrée en matière sommairement motivée et procède aux actes d’entraide admis.
2 Elle exécute les actes d’entraide conformément à son propre droit de procédure.
I. Généralités
1 La disposition procédurale de l'art. 80a EIMP s'adresse à l'autorité d'exécution et s'applique lorsque l'examen préliminaire au sens de l'art. 80, al. 1, EIMP a abouti à un résultat positif. L'art. 80a al. 1 EIMP prévoit que le résultat de l'examen préliminaire doit être consigné dans une décision d'entrée en matière, motivée sommairement, et que les actes d'entraide judiciaire nécessaires doivent être ordonnés. Le droit procédural applicable à ces actes d'entraide judiciaire est réglé à l'art. 80a al. 2 EIMP.
2 Par la notion très générale d'acte d'entraide, l'art. 80a EIMP vise en particulier les actes de procédure pénale au sens des art. 63 ss EIMP.
3 L'autorité d'exécution au sens de l'art. 80a EIMP est l'autorité qui a effectué l'examen préliminaire, à savoir en particulier les ministères publics cantonaux (art. 55 al. 1 CPP), le Ministère public de la Confédération ou les autorités pénales administratives (art. 17 al. 4 et art. 79 al. 2 EIMP) ainsi que l'OFJ dans les cas visés à l'art. 79a EIMP.
4 En ce qui concerne l'entraide judiciaire avec les États-Unis, l'art. 10 LF-EIMP s'applique à la décision d'entrer en matière et à l'exécution.
II. La décision d'entrer en matière
5 La décision d'entrer en matière est rendue à la suite d'un examen préliminaire positif au sens de l'art. 80 EIMP. Elle constate en particulier que les conditions matérielles et formelles requises pour l'octroi de l'entraide judiciaire sont remplies.
6 Hormis les cas prévus à l'art. 18, al. 2, EIMP, la décision d'entrer en matière est en principe une condition formelle pour l'exécution des actes d'entraide judiciaire dans le cadre de la petite entraide judiciaire. Contrairement à la décision d'ouverture dans la procédure pénale, elle n'a donc pas seulement un effet déclaratoire.
A. Contenu et forme
7 La décision d'entrer en matière est en principe rendue par écrit. Elle doit être désignée comme telle et contenir une indication des voies de recours ainsi qu'une motivation sommaire. La motivation sommaire peut notamment comprendre les éléments suivants :
les informations relatives à la demande d'entraide judiciaire (date de la demande, désignation de l'autorité requérante, numéro de procédure de l'enquête pénale étrangère, infractions pénales au centre de cette enquête et noms des personnes mises en cause) ;
un résumé des faits décrits dans la demande ;
le motif de la demande ;
les bases légales de la procédure d'entraide judiciaire, en particulier les traités internationaux pertinents ;
le résultat de l'examen formel et matériel des conditions de l'entraide judiciaire ;
le résultat de l'examen de la double incrimination, si des mesures de contrainte doivent être exécutées ;
un dispositif ; et
la formule d'ouverture.
B. Combinaison avec d'autres décisions
8 La décision d'entrée en matière peut être combinée avec d'autres décisions d'entraide judiciaire. Si les conditions sont réunies, les décisions suivantes peuvent notamment être rendues en même temps que la décision d'entrée en matière :
décision incidente ordonnant des actes d'entraide judiciaire ;
décision incidente concernant la présence de personnes participant à la procédure étrangère (art. 65a EIMP) ;
décision incidente autorisant l'audition par vidéoconférence ;
décision incidente concernant les conditions de l'entraide judiciaire dite dynamique (art. 18b et 80dbis EIMP) ;
décision finaleau sens de l'art. 80d EIMP.
C. En cas de demandes d'entraide judiciaire complémentaires
9 Si l'autorité de poursuite pénale étrangère émet, dans le cadre de la même procédure pénale, d'autres demandes d'entraide judiciaire concernant le même ensemble de faits, on parle alors de demandes d'entraide judiciaire complémentaires. Pour ces demandes dites complémentaires, l'autorité d'exécution n'est pas tenue de rendre une nouvelle décision d'entrée en matière, mais peut ordonner immédiatement des actes d'entraide judiciaire sur la base de la décision initiale.
III. Actes d'entraide judiciaire
A. Généralités
10 Les actes d'entraide judiciaire sont les actes de procédure qui nécessitent l'octroi éventuel de l'entraide judiciaire, notamment les actes de procédure pénale tels que :
les perquisitions (art. 244 s. CPP) ;
les auditions (art. 142 ss CPP) ;
l'obtention de rapports écrits (art. 145 CPP) ;
mesures de surveillance secrètes (art. 269 ss CPP) ;
ordonnances de remise (art. 265 CPP) et
saisies (art. 263 ss CPP).
11 Il n'existe pas de numerus clausus pour les éventuels actes d'entraide judiciaire – la liste des art. 63 ss EIMP n'est donc pas exhaustive.
12 Les actes d'entraide judiciaire sont, au sens formel, des décisions incidentes.
B. Application du droit de procédure pénale
1. Sources du droit de l'entraide judiciaire
13 Les procédures d'entraide judiciaire relevant du champ d'application de l'EIMP sont régies en premier lieu par les traités internationaux déterminants et, à titre subsidiaire, par l'EIMP et l'OEIMP (art. 1, al. 1, EIMP), étant précisé que, conformément au principe de la clémence, les dispositions nationales s'appliquent également lorsqu'elles prévoient des exigences moins strictes en matière d'entraide judiciaire. Étant donné que les traités internationaux ne contiennent généralement pas de dispositions procédurales et que l'EIMP et l'OEIMP ne régissent pas complètement la procédure en matière de petite entraide judiciaire, d'autres dispositions nationales s'appliquent à titre subsidiaire, à savoir le CPP et la PPA pour les actes de procédure pénale et la PA pour le reste (cf. art. 12, al. 1, EIMP).
2. CPP/PPA
14 L'art. 80a, al. 2, EIMP stipule que l'autorité d'exécution exécute les actes d'entraide judiciaire conformément à son droit procédural interne, reprenant ainsi la règle de l'art. 12, al. 1, EIMP, selon laquelle le CPP ou le DPA s'appliquent par analogie aux actes de procédure pénale.
15 Le droit de procédure pénale n'est toutefois applicable que dans la mesure où il régit l'exécution ou les modalités de l'acte d'entraide. Par exemple, l'art. 244 s. CPP s'applique aux perquisitions, l'art. 266 CPP aux saisies et les art. 269 ss CPP à la surveillance des télécommunications. CPP et, pour les auditions, l'art. 142 ss CPP.
16 Le droit de procédure pénale ne joue pas un rôle plus important en vertu de l'art. 80a al. 2 EIMP. Il n'est notamment pas applicable aux questions relatives à la notification des décisions et à la voie de droit.
3. Droit procédural étranger
17 Certains traités internationaux ainsi que l'art. 65 EIMP prévoient que certaines règles de preuve de l'État requis peuvent être appliquées lors de l'exécution d'actes de procédure pénale.Cela n'est en principe possible qu'à la demande expresse de l'autorité étrangère et si cela est compatible avec le droit suisse. Dans la pratique, cette disposition s'applique notamment aux auditions, par exemple lorsque le témoin est également informé selon le droit étranger.
IV. Droits des parties et voies de recours
A. Droits des parties
18 Avant la décision d'entrée en matière et les actes d'entraide judiciaire, les parties potentielles ne disposent en principe ni d'un droit de consulter le dossier ni d'un droit de prendre position au préalable (art. 80b al. 1 EIMP et art. 30 al. 1 PA). Elles n'ont pas non plus le droit d'être informées directement de la décision d'entrée en matière. En principe, le droit d'être entendu est garanti si les droits des parties sont accordés avant la décision finale.
B. Voies de recours
19 La décision d'entrée en matière n'est pas susceptible de recours indépendant. La possibilité de recours indépendant contre les décisions incidentes (y compris les actes d'entraide judiciaire) est régie par l'art. 80e al. 2 EIMP. Selon cette disposition, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours autonome lorsqu'elles causent un préjudice direct et irréparable par la saisie de valeurs patrimoniales et d'objets de valeur (let. a) ou par la présence de personnes participant à la procédure étrangère (let. b). Les irrégularités de la procédure d'entraide judiciaire (y compris les décisions d'entrée en matière ou les décisions incidentes erronées) peuvent être invoquées dans le cadre du recours contre la décision finale (art. 80e al. 2 EIMP).
V. Questions de procédure
A. Délais
20 Les procédures d'entraide judiciaire doivent être menées avec diligence (art. 17a EIMP). Il n'existe toutefois aucun délai légal pour l'examen préliminaire, la décision d'entrée en matière et l'ordonnance des actes de procédure pénale.
21 Dans un obiter dictum dans RR.2013.236-249, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a estimé que la question de l'entrée en matière devait en principe être tranchée en quelques jours et ne pouvait prendre plusieurs semaines que dans des cas complexes. Cette considération ne s'est toutefois pas imposée dans la pratique jusqu'à présent.
B. Refus de l'entraide judiciaire
22 Il est possible de donner suite à une demande d'entraide judiciaire même si toutes les mesures d'entraide demandées ne sont pas admissibles. Dans ce cas, les actes de procédure pénale admissibles sont exécutés et l'autorité requérante est informée des mesures qui ne peuvent être exécutées en Suisse.
23 L'autorité d'exécution peut également refuser l'entraide judiciaire si elle a donné suite à la demande d'entraide et exécuté divers actes d'entraide. En principe, cela ne nécessite pas de décision formelle de l'autorité d'exécution, mais simplement une communication à l'autorité requérante.
Remarque
Les termes utilisés dans le texte qui se réfèrent à des personnes s'appliquent indifféremment aux femmes et aux hommes.
À propos des auteurs
L'auteur est procureur de la Confédération dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale. Son opinion juridique est indépendante de celle de son employeur. Le coauteur est assistant du procureur de la Confédération dans le domaine de la cybercriminalité. Son opinion juridique est indépendante de celle de son employeur.
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