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I. Historique
A. Avant 1978
1La question de l’attestation de la qualité d’électeur s’est posée dès l’introduction des droits de référendum et d’initiative au XIXème siècle. L’art. 5 de la loi fédérale concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux du 17 juin 1874
2En matière d’initiative, la loi fédérale concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la révision de la constitution fédérale du 27 janvier 1892 (ci-après : la loi de 1892) précisait, à son art. 4 ch. 3, que pour être valable, la liste devait « renfermer à la fin, l'attestation, datée, du président de commune (syndic, maire) ou de son remplaçant, constatant que les signataires [étaient] aptes à voter en matière fédérale et qu'ils [exerçaient] leurs droits politiques dans cette commune. Cette attestation est délivrée gratuitement »
3Constatant que les irrégularités qui se produisaient dans les attestations conduisaient à l’annulation d’un grand nombre de signatures, le Conseil fédéral a cherché à remédier à cet inconvénient en édictant le règlement concernant les demandes de votation populaire sur les lois et les arrêtés fédéraux et de révision de la constitution fédérale du 23 février 1897 (ci-après : le règlement de 1897)
4Lors de la révision de la loi de 1892 en 1963, la formulation de l’art. 4 a été légèrement modifiée et complétée dans le but de faciliter la tâche des autorités communales chargées de délivrer l’attestation exigée par la loi
B. Entrée en vigueur de la LDP en 1978
5L’art. 62 LDP, entré en vigueur en 1978, a repris, à ses alinéas 1 à 3, les exigences relatives à l’attestation de la qualité d’électeur prévues à l’art. 5 de la loi de 1874 et à l’art. 4 de la loi de 1892
6La première nouveauté, ancrée à l’art. 62 al. 4 LDP, est la possibilité d’attester collectivement plusieurs listes de signatures « pour donner suite à des demandes répétées »
7La LDP a encore introduit la possibilité de corriger les défauts affectant l’attestation si l’aboutissement du référendum en dépend (art. 65 aLDP
C. Révision de 1997
8En 1996, une révision partielle de la législation fédérale sur les droits politiques a été proposée à la suite du constat que « l’usage ponctuellement énorme et imprévisible qu’une partie des citoyens faisaient de leurs droits politiques » depuis le début des années 1990 (notamment pour les demandes de référendum et les initiatives populaires) avait placé les communes et les cantons (surtout les plus peuplés) mais aussi les autorités fédérales « dans une situation qui frisait parfois la limite de leurs capacités »
9L’exemple le plus marquant est la demande de référendum contre l'arrêté fédéral relatif à la construction de la ligne ferroviaire suisse à travers les Alpes du 4 octobre 1991 (NLFA)
10 Dans ce contexte, l’art. 65 aLDP
11 Cette solution a été préférée à diverses propositions visant à imposer aux autorités la tâche d’aller chercher les attestations de la qualité d’électeur des signataires ; une telle règle aurait eu pour effet, vu la cadence de l’exercice des droits populaires, de surcharger et de paralyser le service concerné, peu doté en personnel, sans parler des problèmes posés par la mise en place des contrôles et des voies de recours, des erreurs étant inévitables vu la masse de documents à traiter
En 1960, le Conseil fédéral avait déjà plaidé contre la possibilité que les autorités fédérales soient tenues de renvoyer aux auteurs de l’initiative ou aux autorités communales les listes dont l’attestation était défectueuse ; il avait déjà mentionné qu’il appartenait aux auteurs de l’initiative de veiller à ce que les attestations soient suffisantes, ce d'autant plus que les autorités communales restituaient les listes au comité d'initiative qui, lui, les remettait à la Chancellerie fédérale
12 En 2005, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser qu’il résultait de l’art. 62 al. 1 aLDP qu’en matière d’initiative populaire les attestations de qualité d’électeur devaient être recueillies par les initiants auprès des services compétents avant l’expiration du délai pour la récolte des signatures et qu’il n’y avait plus de possibilité de contrôle a posteriori
La Chancellerie fédérale avait rejeté la requête d’un membre de comité d’initiative lui demandant de lui assurer qu’aucune signature ne soit déclarée invalide en raison de lacunes dans les attestations de la qualité d’électeur et de se charger de faire réparer de telles lacunes. Le membre du comité avait alors déposé un recours au Tribunal fédéral contre la décision de la Chancellerie fédérale. Il faisait valoir que de nombreuses communes avaient renvoyé des attestations défectueuses et que le comité d’initiative n’avait pas les moyens financiers et en personnel de pourvoir à la réparation de ces défauts. Les juges fédéraux ont rappelé que la possibilité de fournir après coup les attestations de la qualité d’électeur, telle qu’elle résultait de l’art. 65 aLDP dans sa teneur du 17 décembre 1976 avait été abrogée en 1997 ; il résultait de l’art. 62 al. 1 aLDP (en relation avec l’art. 71 al. 1 et l’art. 72 al. 2 let. b LDP) et de sa genèse que l’obtention des attestations de la qualité d’électeur incombait aux initiants
D. Révision de 2015
13 La rédaction de l’alinéa 1 de l’art. 62 LDP a été modifiée lors de la révision du 24 septembre 2014, entrée en vigueur le 1er novembre 2015. La version initiale prévoyait que les listes de signatures devaient être adressées « suffisamment tôt » avant l’expiration du délai référendaire, alors que selon la version actuelle les listes de signatures doivent être adressées « au fur et à mesure mais en tout cas suffisamment tôt ».
14 Recueillir les attestations de la qualité d’électeur au fur et à mesure permet d’éviter dans une large mesure le risque d’un dépassement du délai de remise des signatures attestées et présente en outre l’avantage de réduire les pics de travail auprès des autorités compétentes en la matière
15 Cette modification trouve son origine dans le fait qu’en 2012, l’exercice des droits populaires avait été particulièrement fréquent : 50 requêtes populaires (demandes de référendum et initiatives) avaient été déposées.
16 Dans ce contexte, le 19 octobre 2012, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) a déposé une motion (motion 12.3975)
17 Le Conseil fédéral avait en effet mis en consultation du 8 mars au 30 juin 2013 une proposition de modification de l’art. 62 al. 2 LDP prévoyant que le service renvoie avant le 95ème jour du délai référendaire toutes les listes qui lui ont été transmises avant le 81ème jour. Il avait aussi proposé d’ajouter un alinéa 2 à l’art. 70 LDP selon lequel le service renvoie avant le premier jour du 17ème mois du délai imparti pour la récolte des signatures toutes les listes de signatures à l’appui d’une initiative populaire qui lui ont été remises avant le premier jour du 14ème mois pour l’attestation de la qualité d’électeur
18 Cette proposition se fondait sur l’idée que la plus grande partie des signatures pourrait ainsi être déposée pour l’attestation de la qualité d’électeur avant l’échéance des quatre premiers cinquièmes du délai et que les surcharges de travail que connaissent les communes en cas de multiplication des référendums et des initiatives ou à l’occasion de jours fériés pourraient être évitées, ce qui aurait automatiquement augmenté les chances de voir les signatures soumises en dernière minute être néanmoins prises en compte pour l’attestation. Les comités responsables d’une initiative ou d’un référendum, notamment, auraient de ce fait bénéficié d’une sécurité nettement meilleure pour la planification de leur entreprise. Cette proposition a toutefois reçu un accueil mitigé lors de la procédure de consultation : alors que la réglementation proposée allait beaucoup trop loin pour les cantons, les villes et les communes, certains utilisateurs l’ont critiquée comme étant trop timide
19 Par conséquent, le Conseil fédéral a renoncé à sa proposition de modification, en novembre 2013. Il a privilégié une approche globale des procédures d’organisation et d’information, fondée sur l’intention première du législateur, qui exigeait à la fois que les signatures soient remises pour attestation suffisamment tôt avant l’échéance du délai et que les signatures attestées soient renvoyées sans retard à l’expéditeur (art. 62 al. 2 et 70 LDP).
20 En définitive, le législateur s’est sciemment abstenu de fixer un délai précis pour l’établissement des attestations de la qualité d’électeur. Il a cependant prévu que les listes de signatures attestées doivent être renvoyées sans retard aux expéditeurs. Il a ainsi tenu compte du fait que le nombre de signatures à attester peut varier fortement d’un service compétent à l’autre. De longues années d’expérience ont permis d’établir qu’une personne expérimentée est en mesure de délivrer 350 à 400 attestations par jour
21 En 2015 toujours, en réponse à une forte demande exprimée lors de la procédure de consultation, la Chancellerie fédérale, en collaboration avec la Conférence suisse des chanceliers d’Etat, a élaboré un aide-mémoire destiné aux autorités responsables des registres électoraux. Elle a refondu les directives destinées aux auteurs de référendums ou d’initiatives populaires fédéraux, de manière à les rendre plus aisées à comprendre. Ce vade-mecum vise à inciter les comités de requêtes populaires à faire preuve de diligence et à réduire les pics d’activité auxquels les autorités compétentes sont confrontées, de même qu’à clarifier le traitement des éléments de preuve
II. Importance de la disposition
A. Généralités
22 L’art. 62 LDP, intitulé « Attestation de la qualité d’électeur », compte quatre alinéas depuis son origine. Les alinéas 2, 3 et 4 de l’art. 62 LDP ont toujours la teneur initiale.
23 L’art. 62 LDP se situe au Titre 4 de la LDP, consacré au référendum. Il s’applique toutefois aussi aux initiatives populaires, par renvoi de l’art. 70 LDP. De même, l’art. 26 ODP consacré aux initiatives populaires renvoie aussi aux art. 19 et 20 ODP (figurant dans le chapitre relatif au référendum).
24 L’art. 62 LDP concrétise les modalités à respecter pour l’attestation de la qualité d’électeur. La phase de l’attestation des signatures figurant sur les listes se situe après la récolte des signatures (art. 61 LDP) et avant la décision d’aboutissement (art. 66 et 67b LDP pour le référendum et art. 72 LDP pour l’initiative).
25 La Confédération délègue aux cantons la tâche d’attester la qualité d’électeur des signataires de demandes de référendum ou d’initiative populaire fédérales
26 Les prescriptions relatives à l’attestation d’électeur s’appliquent tant à l’initiative fédérale constitutionnelle demandant la révision totale (art. 138 Cst.) qu’à celle demandant une révision partielle (art. 139 Cst.). Elles sont aussi valables pour tous les types de demandes de référendum énumérés à l’art. 141 Cst. (référendum portant sur les lois fédérales, les lois fédérales déclarées urgentes dont la durée de validité dépasse un an, les arrêtés fédéraux dans la mesure où la Constitution ou la loi le prévoient, certains traités internationaux).
27 La portée de l’art. 62 LDP est considérable car l’octroi de l’attestation des signatures est une condition procédurale permettant à la demande de référendum ou à l’initiative d’aboutir. Pour établir si une demande de référendum ou une initiative a abouti, la Chancellerie fédérale s’assure notamment que l’attestation de la qualité d’électeur est présentée en bonne et due forme (art. 21 ODP). L’aboutissement lui-même est une condition pour la soumission au vote populaire.
28 L’art. 62 LDP en tant que règle qui organise les droits politiques bénéficie de la protection offerte par la garantie des droits politiques (art. 34 al. 1 Cst.). La crédibilité des droits politiques dépend de la manière dont les attestations de la qualité d’électeur sont traitées. Il s’agit d’une condition de procédure centrale pour l’exercice et la garantie des droits politiques en Suisse. Cela en fait un enjeu pour le fonctionnement de la démocratie directe.
L’attestation d’électeur en ce qu’elle assure que seuls les membres du corps électoral signent des initiatives ou des demandes de référendum (et qu’ils ne les signent qu’une fois) est aussi protégée par l’art. 34 al. 2 Cst. qui comprend le droit à la composition exacte du corps électoral (qui a signé la demande de référendum ou d’initiative). Elle est une condition de base pour garantir un résultat de votation qui reflète la volonté libre et non faussée des électeurs. Elle crée la confiance et sert par conséquent à faire accepter le résultat de la votation.
29 Un recours touchant le droit de vote (Stimmrechtsbeschwerde) peut être déposé au gouvernement cantonal pour violation de l’art. 62 LDP (art. 77 al. 1 let. a LDP). Le recours doit être déposé dans les 3 jours suivant la découverte du motif du recours mais au plus tard le 3ème jour après la publication des résultats dans la feuille officielle du canton (art. 77 al. 2 LDP). Un recours au Tribunal fédéral est ouvert contre la décision du gouvernement cantonal (art. 80 al. 1 LDP et art. 82 let. c LTF
Un grief en lien avec l’attestation des électeurs peut aussi être invoqué dans le cadre d’un recours au Tribunal fédéral contre la décision de la Chancellerie fédérale relative au non-aboutissement d’une initiative ou d’un référendum (art. 80 al. 2 LDP et art. 82 let. c LTF). Ainsi si la Chancellerie fédérale déclare une initiative populaire ou un référendum non abouti en raison d’un nombre insuffisant de signatures valables, le comité organisateur peut faire recours auprès du Tribunal fédéral. Il peut en effet se plaindre de ce que les listes de signatures munies de l’attestation d’électeur ont été renvoyées trop tardivement ou que la nullité de certaines signatures n’a pas été indiquée clairement.
30 Sous l’angle pénal, l’autorité compétente pour attester les signatures agit en une qualité officielle et tombe sous le coup de l’infraction qualifiée de l’art. 282 ch. 2 CP, à teneur duquel celui qui aura falsifié le chiffre des signatures recueillies à l’appui d’une demande de référendum ou d’initiative, notamment en ajoutant, modifiant, retranchant ou rayant des signatures, en comptant inexactement des signatures sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende au moins. Le refus d’authentifier les signatures de même que l’utilisation consciente de liste de signatures non valables tombent aussi sous le coup de l’art. 282 ch.1 III CP
31 La récolte de signatures par des moyens électroniques (E-Collecting) a été discutée à plusieurs reprises mais n’est pas autorisée
B. Droit cantonal comparé
32 La notion d’attestation de la qualité d’électeur se retrouve dans toutes les législations cantonales. Les cantons ont édicté des dispositions analogues à celle de l’art. 62 LDP avec toutefois des particularités. La titularité des droits politiques en matière cantonale et communale peut être différente de celle en matière fédérale
33 Tous les cantons ont délégué aux communes la tâche d’attester des signatures en lien avec les droits populaires cantonaux aux communes, à l’exception du canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures (dont la Chancellerie d’Etat se charge en principe de fournir les attestations de la qualité d’électeur)
34 Comme sur le plan fédéral, l’attestation est gratuite
35 Le motif pour lequel une signature est déclarée non valable doit être indiqué
36 Dans la plupart des cantons, l’attestation doit être faite avant l’expiration du délai de récolte des signatures
37 Dans certains cantons (surtout dans les cantons francophones), l’attestation peut toutefois se faire après l’écoulement du délai référendaire ou de récolte. Dans le canton de Vaud par exemple dans les deux semaines au plus tard suivant l’échéance du délai de dépôt, les listes de signatures attestées doivent être retournées par la municipalité aux expéditeurs ; dans les trois semaines au plus tard suivant l’échéance du délai de dépôt, les auteurs de la demande de référendum ou d’initiative doivent remettre l’ensemble des listes de signatures au département. Dans le canton de Fribourg, les communes disposent d’un délai de 20 jours après le dépôt pour vérifier les listes de signatures d’une initiative et de 5 jours pour une demande de référendum et les renvoyer à la Chancellerie cantonale.
Dans le canton de Berne, les listes doivent être envoyées pour attestation au service responsable au plus tard trois mois après la publication de l’objet soumis au référendum
Dans le canton de Neuchâtel, il est précisé que lorsque l’attestation des signatures ne peut intervenir avant la date du dépôt de l’initiative, l’autorité communale certifie le dépôt des listes et le nombre provisoire des signatures
38 De nombreux cantons, à l’instar des cantons de Vaud
39 La possibilité de délivrer une attestation collective est prévue dans de nombreux cantons
40 Dans certains cantons, comme à Soleure
41 Dans le canton de Saint-Gall, un projet législatif est en cours afin de créer les bases légales nécessaires à la collecte de signatures électroniques pour les initiatives et les référendums cantonaux (E-Collecting). Tant la mise en œuvre technique que le projet législatif devraient être achevés d'ici début 2025. Ainsi, les essais pilotes d'E-Collecting pourraient débuter au premier semestre 2025
III. Commentaire
A. Alinéa 1 : les tâches des auteurs de la demande de référendum ou de l’initiative
42 L’alinéa 1 de l’art. 62 LDP est une disposition explicative, décrivant d’abord quand (ch. 2) et auprès de qui (ch. 3) les listes de signatures (ch. 1) doivent être adressées. Cet alinéa s’adresse aux auteurs de la demande de référendum ou de l’initiative à qui il incombe de respecter ces prescriptions. Il leur appartient d’adresser au fur et à mesure les listes de signature et à tout le moins suffisamment tôt avant l’expiration du délai référendaire.
1. « Les listes de signatures »
43 L’objet de l’attestation est la liste de signatures. Le contenu de la liste de signatures est précisé à l’art. 60 LDP pour le référendum et à l’art. 68 LDP pour l’initiative.
44 Tout citoyen (et non uniquement le comité) a la possibilité d’envoyer des listes de signatures à une administration communale en vue de leur attestation
45 L’envoi des listes de signatures à attester doit se faire par courrier postal ou être déposé en mains propres auprès de l’autorité cantonale compétente.
2. Les délais « au fur et à mesure mais en tout cas suffisamment tôt avant l’expiration du délai référendaire »
46 L’art. 62 al. 1 LDP précise que les listes de signatures doivent être adressées « au fur et à mesure, mais en tout cas suffisamment tôt avant l’expiration du délai référendaire ».
Le délai de l’art. 62 al. 1 LDP a pour but d’inciter à déposer les listes de signatures pour l’attestation de la qualité d’électeur bien avant l’échéance du délai pour éviter les surcharges de travail que connaissent les communes en cas de multiplication des référendums et des initiatives. Cela permet aux comités de référendum ou d’initiative de bénéficier d’une meilleure sécurité pour la planification de leur entreprise.
47 L’art. 62 al. 1 aLDP, dans sa version initiale en vigueur jusqu’au 1er novembre 2015, prévoyait que les listes de signatures devaient être adressées « suffisamment tôt » avant l’expiration du délai
48 Le législateur a ajouté la locution « au fur et à mesure » en 2015. Il s’agit d’une injonction de nature organisationnelle. Cet ajout trouve notamment son origine dans le fait qu’en 2012, la Chancellerie fédérale avait déclaré que la demande de référendum contre l’accord de coopération fiscale conclu avec le Royaume-Uni n’avait pas abouti, faute de signatures suffisantes. Les listes de signatures avaient été remises au service cantonal compétent pour l’attestation le 97ème jour du délai. Le service cantonal avait pris des mesures spéciales pour établir rapidement les attestations de qualité d’électeur, en ce sens que son personnel avait travaillé durant 2 jours de 7 à 22 heures. La tâche s’était achevée le 99ème jour du délai. Le service cantonal avait alors renvoyé les listes de signatures par la poste en courrier B par erreur et les attestations étaient arrivées alors que le délai référendaire était échu.
49 Le 5 juin 2013, le Tribunal fédéral a rejeté les recours déposés contre cette décision de la Chancellerie fédérale
La Haute Cour a considéré que le dépôt d’un grand nombre de signatures le 97ème jour du délai ne garantissait pas que ces signatures puissent être encore retournées avant l’échéance du délai ; les recourants n’avaient ainsi pas respecté leur obligation de les soumettre « suffisamment tôt » au sens de l’art. 62 al. 1 aLDP ; dans ces conditions, le fait qu’elles aient été envoyées en courrier B par erreur n’était pas déterminant et apparaissait comme un incident avec lequel les référendaires auraient dû compter ; il n’était d’ailleurs pas certain qu’un envoi en courrier A aurait permis de respecter le délai
50 La proposition du Conseil fédéral d’imposer un dépôt des listes de signatures pour une demande de référendum avant le 81ème jour et une obligation pour le service compétent de renvoyer les listes avant le 95ème jour du délai (pour l’initiative le renvoi par le service avant le 1er jour du 17ème mois) n’a pas été suivie (voir supra N 17 à 19).
3. L’autorité compétente
51 La qualité d'électeur des signataires d'initiatives et de demandes de référendum doit être vérifiée et formellement attestée par l'autorité compétente selon le droit cantonal.
52 La plupart des cantons ne précisent pas dans leur législation quelle est l’autorité compétente pour attester des signatures relatives à des objets fédéraux. Ils ne distinguent pas l’attestation des signatures à délivrer pour les droits politiques fédéraux en application de l’art. 62 LDP de l’attestation à fournir pour les initiatives et demandes de référendum cantonaux. Souvent, une disposition de la loi cantonale mentionne que la loi cantonale s’applique à l’exercice des droits d’initiative et de référendum en matière fédérale dans la mesure où il n’est pas régi par le droit fédéral
Seuls deux cantons ont édicté une loi cantonale d’application de la loi fédérale sur les droits politiques, le canton du Valais
53 Tous les cantons ont délégué aux communes la tâche d’attester des signatures en lien avec les droits populaires fédéraux aux communes, à l’exception du canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures (dont la Chancellerie d’Etat se charge en principe de fournir les attestations de la qualité d’électeur)
54 Dans les cantons ayant délégué le contrôle des signatures aux communes, l’autorité communale compétente est désignée par différents termes : soit le préposé au registre électoral (comme dans les cantons de Fribourg
55 Le nombre de requêtes populaires a fortement augmenté ces dernières années. Il arrive souvent que des récoltes de signatures soient organisées en même temps pour plusieurs initiatives et référendums, sur les plans fédéral, cantonal ou communal. Les communes suisses sont ainsi beaucoup sollicitées. Face à des demandes d’attestation de qualité d’électeur toujours plus nombreuses et fréquentes, elles se retrouvent souvent sous forte pression à l’approche des échéances de récolte de signatures.
B. Alinéa 2 : les tâches de l’autorité
56 L’alinéa 2 de l’art. 62 LDP explique comment l’autorité compétente doit procéder. Il s’adresse aux autorités compétentes selon le droit cantonal. D’abord, celles-ci attestent que les signataires sont électeurs en matière fédérale dans la commune désignée sur chaque liste de signatures (ch. 1) ; ensuite, elles renvoient sans retard les listes aux expéditeurs (ch. 2).
1. « Les électeurs en matière fédérale dans la commune désignée »
57 Le rôle du service comptent est d’attester rapidement que les signataires sont bien électeurs en matière fédérale dans la commune désignée sur chaque liste de signatures. En d’autres termes, le service doit vérifier que la personne qui a signé une initiative populaire ou une demande de référendum soit bien inscrite au registre des électeurs de la commune figurant sur la liste. Toutes les personnes physiques de nationalité suisse, ayant 18 ans révolus, qui ne sont pas sous curatelle de portée générale en raison d’une incapacité durable de discernement ou qui ne sont pas représentées par un mandataire pour cause d’inaptitude sont électeurs en matière fédérale (art. 136 al. 1 Cst. cum art. 2 LDP
58 Les électeurs en matière fédérale sont inscrits au registre des électeurs de leur domicile politique (art. 4 LDP). La fixation d’un lieu d’inscription permet de garantir qu’une personne ne puisse pas signer une demande de référendum ou une initiative en même temps dans différents lieux.
59 Les Suisses de l’étranger peuvent aussi signer une initiative populaire ou un référendum. Pour ce faire, ils doivent inscrire leur adresse à l’étranger dans la colonne prévue pour l’adresse, en précisant le numéro postal, le nom de la commune et le pays avec les données de la commune politique à laquelle ils sont rattachés en Suisse. Du fait que l’adresse indiquée est à l’étranger, le préposé au registre des électeurs aura le réflexe de chercher le signataire dans le registre des électeurs établis à l’étranger. Ce registre peut, selon le canton, être géré par les communes ou être centralisé auprès de l’administration cantonale
60 La date de référence pour l’attestation de la qualité d’électeur est celle à laquelle la liste de signatures est parvenue au service compétent. L’attestation est accordée lorsque le signataire est inscrit dans le registre des électeurs le jour où la liste des signatures a été présentée pour attestation (art. 19 al. 1 ODP). C’est pourquoi il est important que le service compétent indique la date de réception sur chacune des listes.
2. Le renvoi des listes « sans retard »
61 Le service compétent est tenu de renvoyer sans retard les listes aux expéditeurs, car le délai référendaire doit être respecté. Il s’agit d’une injonction. Il a été renoncé à l’introduction d’un délai précis
62 La Chancellerie fédérale recommande de traiter les listes de signatures au fur et à mesure de leur arrivée. Les communes ont intérêt à procéder de cette façon, car, plus la date d’échéance pour le dépôt de l’initiative ou du référendum approche, plus les listes attestées doivent être renvoyées rapidement
63 Selon les recommandations de la Chancellerie fédérale, les communes devraient avoir retourné aux expéditeurs les attestations de la qualité d’électeur au plus tard trois jours avant l’expiration du délai imparti pour la récolte des signatures. Si le comité ne vient pas récupérer les listes, celles-ci doivent être expédiées en courrier A. Les envois en courrier B doivent être effectués au plus tard dix jours avant l’expiration du délai imparti pour la récolte des signatures. Il est toutefois préférable, dans la mesure du possible, de réexpédier les listes plus tôt. Moins de 3 jours avant l’échéance, il est plus prudent de remettre les attestations en mains propres.
64 La Chancellerie fédérale déclare nulle toute signature dont l’attestation aura été transmise par télécopie au comité
C. Alinéa 3 : le contenu de l’attestation
65 L’alinéa 3 de l’art. 62 LDP comprend le descriptif du contenu de l’attestation. L’attestation doit indiquer :
le nombre des signatures attestées : le service indique en toutes lettres ou en chiffres sur chaque liste ou dans l’attestation collective le nombre des signatures valables et celui des signatures non valables (art. 19 al. 3 ODP) ;
la date ;
la signature manuscrite du préposé au registre des électeurs ;
le sceau officiel du service ; la personne habilitée à donner l'attestation doit indiquer de manière adéquate ses qualités officielles (par l'apposition d'un timbre de l'office ou par une simple indication ajoutée à la main).
66 L’attestation est la décision officielle établissant le nombre de signatures valables par liste. C’est pourquoi elle doit porter le sceau officiel, la date de la décision et la signature manuscrite du préposé au registre des électeurs. Il s’agit d’une décision au sens de l’art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968
67 La décision d’attestation ou de non-attestation peut faire l’objet d’un recours touchant le droit de vote au gouvernement cantonal (art. 77 al. 1 let. a LDP), puis au Tribunal fédéral (art. 80 al. 1 LDP, art. 82 let. c LTF)
68 Par précaution, les services compétents peuvent garder une trace, dans le registre des électeurs, de chaque attestation renvoyée pour les différents référendums et initiatives en cours, et ce jusqu’à ce que l’aboutissement de ceux-ci soit publié dans la Feuille fédérale. Les documents tels que les extraits imprimés du registre des électeurs ou les fichiers informatiques similaires doivent être conservés sous clé, puis détruits après que l’initiative ou le référendum a abouti
69 Les services compétents doivent être particulièrement attentifs à éviter qu’une personne signe plusieurs fois la même initiative ou le même référendum, en cas de fusion de communes. Chacune des communes concernées devrait gérer une liste des électeurs sur laquelle les noms des signataires seraient biffés. Ces listes peuvent ensuite être comparées après la fusion
70 L’attestation d’électeur est gratuite. Ni frais de port, ni émoluments ne peuvent être facturés
71 Le service sauvegarde le secret du vote (art. 19 al. 6 ODP). L’attestation de la qualité d’électeur est protégée par le secret. Une fois déposées les listes ne peuvent pas être consultées (art. 64 al. 2 LDP). Les comités d’initiative ou de référendum sont aussi tenus au secret
D. Alinéa 4 : l’attestation collective
72 Si plusieurs de listes sont traitées en même temps, le préposé au registre des électeurs peut, pour gagner du temps, rendre une attestation collective. Cette possibilité a été introduite en 1978 avec l’entrée en vigueur de la LDP
73 En application de l'art. 19 al. 5 ODP, la Chancellerie fédérale a établi des instructions sur la délivrance de l’attestation collective selon l’art. 62 al. 4 LDP. Elle a édité une brochure intitulée « Attestation de la qualité d’électeur » en juin 2015
74 Pour éviter qu’un nombre important de signatures soient considérées comme nulles, l’attestation collective, à rédiger sur une lettre d’accompagnement, doit être conforme à certaines prescriptions :
elle doit prendre la forme d’une lettre d’accompagnement munie de l’en-tête de la commune ; elle ne peut être ajoutée sur la lettre du comité ;
le concerne doit contenir le titre exact de l’initiative populaire, ou du référendum, et la date de publication dans la Feuille fédérale. Les signatures électroniques et les sceaux en fac-similé sont interdits. Toutes les signatures figurant sur une liste présentant l’un de ces vices seraient considérées comme nulles ;
l’attestation doit comporter le nombre de signatures valables, la signature manuscrite du préposé au registre des électeurs, le sceau officiel du service et la date.
75 Des modèles d’attestations collectives sont disponibles à l’adresse www.bk.admin.ch. En voici un :
Commune ….. (en-tête)
Attestation collective
Concerne : initiative populaire fédérale « ................................................................................................................. » (Titre de l’initiative populaire et date de sa publication dans la Feuille fédérale)1
ou
Référendum contre la loi fédérale / contre la modification du ..... de la loi fédérale du ..... sur ..... .................................................................................................. (Choisir le type d’acte qui convient et ajouter les dates et le titre exacte)
Se fondant sur les art. 62, al. 4, et 70 de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques, sur l’art. 19, al. 3, de l’ordonnance du 24 mai 1978 sur les droits politiques, et sur les instructions de la Chancellerie fédérale du 27 mai 1978, le service ..................... (à désigner) de la commune de ..................... (numéro postal et nom) atteste que les ......... listes ci-jointes portent ......... signatures valables de citoyens qui ont qualité d’électeur en matière fédérale et exercent leurs droits politiques dans ladite commune.
Sceau du service : ……………….
Préposé au registre des électeurs : Signature manuscrite : ........................................................................................ Fonction : ........................................................................................ Lieu : ........................................................................................ Date : ........................................................................................
1 Les informations concernant l’initiative ou le référendum doivent être reprises des listes de signatures |
76 Les listes de signatures et la lettre d’accompagnement doivent être maintenues fermement ensemble. La lettre d’accompagnement doit être placée sur les listes et unie à celles-ci au moyen d’agrafes, de ficelle, de broches ou d’un sceau. Si les paquets ainsi obtenus venaient à se défaire lors du transport, des milliers de signatures pourraient être déclarées non valables.
77 La numérotation des listes traitées permet de déterminer à tout moment quelle attestation collective concerne quelle liste.
78 Il est recommandé de conserver une copie de chaque attestation collective jusqu’à l’aboutissement de l’initiative ou du référendum.
E. Le dépôt des listes attestées à la Chancellerie fédérale
79 Les listes de signatures attestées doivent être déposées à la Chancellerie fédérale et classées par canton (art. 20 al. 1 ODP).
80 Lorsque le délai imparti pour la collecte des signatures expire un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, la demande de référendum peut encore être déposée durant les heures de bureau du jour ouvrable suivant (art. 20 al. 2 ODP).
81 La Chancellerie fédérale a édité en mars 2020 un aide-mémoire à l’attention des comités pour le dépôt des initiatives, des référendums et des pétitions. Elle y expose notamment les modalités de lieu, de date et d’heure du dépôt de l’initiative et du référendum
F. Une exception à l’attestation de la qualité d’électeur lors de l’épidémie COVID 19
82 Du 26 septembre 2020 au 31 décembre 2022, lors de l’épidémie de COVID-19, afin de promouvoir l’exercice des droits politiques, une base légale a été créée pour permettre au Conseil fédéral de prévoir que les demandes de référendum ou les initiatives populaires munies du nombre de signatures requis puissent être déposées auprès de la Chancellerie fédérale avant l’expiration du délai, sans être munies des attestations de la qualité d’électeur ; au besoin, la Chancellerie fédérale transmettait les listes de signatures au service compétent selon le droit cantonal pour attester la qualité d’électeur (art. 2 de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19)
83 Sur cette base, le Conseil fédéral a d’abord édicté une ordonnance concernant l’attestation de la qualité d’électeur pour les référendums populaires (Ordonnance COVID-19 attestation de la qualité d’électeur du 7 octobre 2020)
84 Lors de sa séance du 12 mai 2021, le Conseil fédéral a abrogé l’ordonnance précitée et a adopté la révision totale de l’ordonnance COVID-19 attestation de la qualité d’électeur. La nouvelle ordonnance permettait qu’en plus des listes de signatures à l’appui des demandes de référendum, les listes de signatures à l’appui des initiatives populaires pouvaient désormais aussi être déposées avec ou sans attestation de la qualité d’électeur
Bibliographie
Bisaz Corsin, Direktdemokratische Instrumente als Anträge aus dem Volk an das Volk – Eine Systematik des direktdemokratischen Verfahrensrechts in der Schweiz, Zurich 2020.
Chancellerie fédérale, Attestation de la qualité d’électeur, 2e éd., juin 2015 disponible sous : www.bk.admin.ch (dernière consultation le 4.4.2024) (Chancellerie fédérale 2015).
Conseil fédéral, Circulaire à tous les Etats confédérés concernant le mode de procéder pour les demandes d’initiative populaire et les votations relatives à la révision de la Constitution fédérale du 27 février 1897, FF 1897 I 307 (Circulaire du Conseil fédéral de 1897)
Conseil fédéral, Message du 25.4.1960 à l’appui d’une refonte de la loi sur le mode de procéder pour les initiatives populaires et les votations relatives à la révision de la constitution, FF 1960 I p. 1491, consultable sous https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/1960/1_1431_1491_713/fr (dernière consultation le 12.3.2024) (Message de 1960).
Conseil fédéral, Message du 9.4.1975 concernant une loi fédérale sur les droits politiques, FF 1975 I p. 1337, consultable sous https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/1975/1_1317_1337_1313/fr (dernière consultation le 17.3.2024) (Message de 1975).
Conseil fédéral, Message du 1.9.1993 concernant une révision partielle de la législation fédérale sur les droits politiques, FF 1993 III p. 405, consultable sous https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/1993/3_445_405_309/fr (dernière consultation le 17.3.2024) (Message de 1993).
Conseil fédéral, Message du 29.11.2013 relatif à la modification de la loi fédérale sur les droits politiques, FF 2013 p. 8255, consultable sous https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/2013/1844/fr (dernière consultation le 17.3.2024) (Message de 2013).
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Töndury Andrea, Commentaire de l’art. 4 LDP, in : Glaser Andreas / Braun Binder Nadja / Bisaz Corsin / Tornay Schaller Bénédicte (édit.), Onlinekommentar de la loi fédérale sur les droits politiques, disponible sous : https://onlinekommentar.ch/de/kommentare/bpr4, (dernière consultation le 17.3.2024) (OK-Töndury).
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