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- Introduction à la liberté d'expression et d'information
- II. Liberté d'expression (art. 16 al. 1 et 2 Cst.)
- III. Liberté d'information (art. 16 al. 1 et 3 Cst.)
- Lectures complémentaires recommandées
- Bibliographie
- Matériaux
Introduction à la liberté d'expression et d'information
A. Histoire de l'émergence
1 L'exigence de liberté de parole et d'expression peut être retracée dans l'histoire des idées jusqu'à l'Antiquité. Les garanties actuelles de la liberté d'expression remontent toutefois à l'époque des Lumières et constituent une réaction à l'introduction de systèmes de censure et de licence par lesquels différents gouvernements, et notamment l'Eglise, ont réagi à la révolution de l'imprimerie au 16e siècle et à la possibilité qui en résultait de diffuser rapidement des opinions auprès de nombreuses personnes.
2 La liberté d'expression a été inscrite pour la première fois dans le droit positif dans les catalogues des droits fondamentaux et les déclarations des droits de l'homme de la fin du 18e siècle. Ainsi, la liberté d'expression a été inscrite dans le Virginia Bill of Rights (1776) (mais uniquement en tant que liberté de la presse) et a été garantie peu après dans le Premier amendement à la Constitution des États-Unis (1787), inséré en 1791, et dans la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen (1789).
3 En Suisse, la liberté d'expression n'était inscrite ni dans le texte de la Constitution fédérale de 1848 ni dans celui de la Constitution de 1874 ; les deux constitutions antérieures garantissaient toutefois la liberté de la presse à l'article 45 aCst(1848) et à l'article 55 aCst(1874). En revanche, la liberté d'expression était déjà partiellement garantie dans le droit cantonal au 19e siècle. De même, les idées de la liberté d'expression ont trouvé leur place dans la jurisprudence du Tribunal fédéral dès les années 1930. Ainsi, le Tribunal fédéral a fondé son jugement sur une interdiction cantonale de la propagande communiste essentiellement sur l'argument selon lequel les principes de la démocratie obligent le citoyen à accepter l'expression de théories qui contredisent l'ordre établi. La tolérance et l'admissibilité d'opinions même fondamentalement différentes est un principe central de la liberté d'expression - mais le Tribunal fédéral n'a pas encore classé l'idée dans ce droit fondamental à ce moment-là.
4 La liberté d'expression a finalement acquis son statut de droit fondamental de la Constitution fédérale dans les années 1960 : Dans une décision de 1961, le Tribunal fédéral a qualifié la liberté d'expression de « principe fondamental » du droit fédéral et cantonal et, quatre ans plus tard, a finalement reconnu la liberté d'expression comme un droit fondamental non écrit de la Constitution fédérale. Par la suite, le tribunal a retenu que l'article 55a Cst. de l'époque, la liberté de la presse, était un domaine partiel d'un droit fondamental non écrit global de la liberté d'expression, et a constamment développé ce droit fondamental au cours des années suivantes. Ce faisant, après la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) par la Suisse, le Tribunal fédéral s'est inspiré de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) relative à l'article 10 de la CEDH, elle aussi en constante évolution.
5 Dans le contexte de cette évolution du droit fondamental non écrit de la liberté d'expression, le Tribunal fédéral s'est demandé en 1978 si la liberté d'information - en tant que droit d'accès aux informations des autorités - devait également être reconnue comme un droit fondamental non écrit de la Constitution fédérale. Le Tribunal fédéral a retenu à ce sujet que « la liberté d'information, en tant que composante de la liberté d'expression et de la liberté de la presse, garantit le droit de recevoir des nouvelles et des opinions [...] sans ingérence des autorités et de s'informer aux sources généralement accessibles ». Toutefois, la liberté d'information dans ce sens ne comprend pas un droit à l'information active par les autorités. Le tribunal a rejeté une reconnaissance plus large en tant que droit fondamental autonome, notamment en raison de l'absence de reconnaissance en tant que droit fondamental autonome dans les cantons. Ainsi, la liberté d'information, en tant que droit fondamental non écrit, est restée limitée avant 1999 à la protection contre les interventions de l'Etat dans la collecte d'informations et à un droit d'accès aux « sources généralement accessibles ».
6 Lors de la révision totale de la Constitution fédérale en 1999, la liberté d'opinion et la liberté d'information ont été inscrites à l'art. 16 Cst. Suivant l'idée de la mise à jour, le constituant s'est limité à une mise par écrit de la jurisprudence du Tribunal fédéral ; on a donc renoncé à ancrer des garanties plus larges, comme la liberté d'information.
B. Indications de droit comparé et droit international public
7 Au niveau du droit international, la liberté d'opinion et la liberté d'information sont garanties entre autres par l'art. 10 CEDH et les art. 19 et 20 du Pacte II de l'ONU. Les cantons garantissent également - explicitement ou par le biais d'un renvoi intégral aux droits fondamentaux de la Cst. - dans leurs constitutions respectives des garanties de la liberté d'opinion et, en règle générale, de la liberté d'information.
8 La jurisprudence de la CEDH relative à l'art. 10 CEDH est particulièrement importante pour l'interprétation et la concrétisation de l'art. 16 Cst. Depuis la ratification de la Convention par la Suisse, la jurisprudence du Tribunal fédéral s'oriente de manière déterminante sur la jurisprudence dynamique relative à l'art. 10 CEDH, qui contribue donc aujourd'hui de manière décisive à la structure et à l'expression de l'art. 16 Cst. Cela se traduit par exemple par la protection des déclarations qui « blessent, choquent et inquiètent » ou par la protection particulièrement intensive des déclarations sur des thèmes d'intérêt social.
9 Les garanties des articles 19 et 20 du Pacte II de l'ONU offrent également une protection parallèle des opinions exprimées. Même si ces dispositions marquent comparativement moins la jurisprudence relative à la liberté d'expression et d'information, elles sont également déterminantes pour l'interprétation des garanties en Suisse.
10 Toutes les constitutions contenant des catalogues de droits fondamentaux garantissent aujourd'hui explicitement un droit fondamental de la liberté d'expression ; souvent, la liberté d'information est également garantie explicitement. Un regard sur les pays voisins de la Suisse montre que les garanties de la liberté d'opinion et d'information peuvent être aménagées de manière très différente. Ainsi, la Constitution italienne garantit la liberté d'opinion à l'article 21 ; la liberté d'information n'est pas explicitement mentionnée et, selon la doctrine, elle ne s'inscrit pas non plus dans le cadre de l'article 21, mais découle implicitement des exigences de l'exercice des droits démocratiques. En Autriche, l'article 13 al. 1 de la Staatsgrundgesetz (StGG) garantit la liberté d'expression, mais sans ancrer explicitement la liberté d'information. La liberté d'information n'est pas non plus explicitement ancrée dans le droit constitutionnel du Liechtenstein, mais elle est reconnue comme un élément nécessaire de la liberté d'expression selon l'article 40 de la constitution. La Constitution de la Vème République en France ne contient pas de catalogue des droits fondamentaux dans le texte constitutionnel écrit de 1958. La liberté d'expression est cependant reconnue par la jurisprudence comme faisant partie du droit constitutionnel matériel (bloc de constitutionnalité). Le droit constitutionnel allemand garantit ensuite aussi bien la liberté d'expression que la liberté d'information à l'article 5 al. 1 de la Loi fondamentale (GG), et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale s'est prononcée depuis 1949 de manière différenciée sur différents aspects de ce droit fondamental. Enfin, il convient de mentionner la diversité de la jurisprudence et de la dogmatique aux États-Unis, qui influence également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'article 10 CEDH, notamment en ce qui concerne la protection particulière des expressions politiques.
C. Relation avec d'autres dispositions de la Constitution fédérale
11 Dans la structure des droits fondamentaux de la communication, la liberté d'opinion est souvent qualifiée de « droit fondamental subsidiaire » ; cela ne tient toutefois que partiellement compte de l'importance de la garantie dans ce contexte. La liberté d'opinion est tout d'abord une disposition fondamentale dans le cadre des droits fondamentaux de la communication : les structures dogmatiques développées sous la liberté d'opinion, les réflexions sur les objectifs de protection, les intensités de protection et les restrictions du droit fondamental s'appliquent donc en principe aussi aux autres droits fondamentaux de la communication. Cependant, en raison des besoins de protection spécifiques, certains aspects et questions s'y accentuent particulièrement, tandis que d'autres sont plutôt relégués à l'arrière-plan.
12 Alors que la liberté d'opinion, en tant que disposition fondamentale des droits fondamentaux de la communication, protège l'expression et la communication en général, les droits fondamentaux spécifiques de la liberté des médias (art. 17 Cst.), de la liberté de la langue (art. 18 Cst.), de la liberté de la science (art. 20 Cst.), de la liberté de l'art (art. 21 Cst.), de la liberté de réunion (art. 22 Cst.), de la liberté d'association (art. 23 Cst.), du droit de pétition (art. 33 Cst.) et des droits politiques (art. 34 Cst.) prévoient chacun une protection spécifique pour la communication dans un cadre concret, par des moyens ou des formes choisis ou dans un contexte concret. Par conséquent, les déclarations qui, par exemple, relèvent de la liberté artistique ou de la liberté de réunion en tant qu'art ou partie d'un rassemblement, sont protégées (en premier lieu) dans le cadre de ces droits fondamentaux respectifs ; la liberté d'expression ne s'applique en ce sens que de manière subsidiaire.
13 La liberté d'information selon l'art. 16 al. 1 et 3 Cst. se comporte de manière similaire aux droits d'accès à l'information dans le cadre des autres droits fondamentaux spécifiques à la communication. Ainsi, le Tribunal fédéral protège le droit d'accès aux informations officielles des journalistes en premier lieu dans le cadre de la liberté des médias selon l'art. 17 Cst. Il tient ainsi compte du besoin d'information spécifique des journalistes, plus important que celui des autres droits fondamentaux de la communication, et de leur rôle dans une société démocratique.
14 En ce qui concerne la publicité commerciale, le Tribunal fédéral et, avec lui, plusieurs voix dans la doctrine retiennent que ce type de communication n'est pas protégé dans le cadre de la liberté d'expression selon l'art . 16 al. 1 et 2 Cst. mais dans le cadre de la liberté économique selon l'art. 27 Cst. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les propos ayant une connotation religieuse, par exemple l'expression de convictions religieuses vers l'extérieur ou la diffusion de sa propre religion, sont protégés au titre de la liberté de religion (art. 15 Cst.).
D. Buts et fonctions de la protection
15 La garantie de la liberté d'expression remplit une fonction de protection de l'individu, mais aussi une fonction sociale ou démocratique. La garantie est tout d'abord caractérisée par le Tribunal fédéral comme « un élément indispensable à l'épanouissement de la personne humaine ». Le Tribunal fédéral reconnaît ainsi que l'expression de pensées et d'informations de toutes sortes est une composante élémentaire pour la formation et l'épanouissement de la personnalité de chaque individu. La formation de ses propres opinions et donc de sa propre personnalité présuppose la connaissance et la confrontation d'opinions différentes. L'importance de l'échange d'opinions et de pensées avec d'autres individus est ici centrale. En outre, la possibilité de former et d'exprimer des opinions sur un pied d'égalité garantit des aspects élémentaires de l'autonomie et de la dignité humaine des individus concernés. L'importance fondamentale de la liberté d'opinion pour l'épanouissement de la personnalité de l'individu permet de conclure que l'expression d'une opinion est protégée même si son « utilité » sociale est faible ou si elle n'est perçue par personne.
16 Au-delà de cette fonction de protection de l'individu, la protection de la liberté d'expression et des droits fondamentaux de la communication en général se justifie par l'importance fondamentale de la liberté d'expression comme moyen et condition de la formation de la volonté sociale et démocratique. Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre la liberté d'échange comme un moyen de se confronter à d'autres opinions et points de vue et de permettre ainsi le développement et, le cas échéant, la falsification des opinions existantes. En mettant l'accent sur le débat en tant qu'instrument de formation de l'opinion, la liberté d'expression se caractérise entre autres par la conviction que les déclarations fausses et nuisibles ne doivent pas être contrées par des interdictions, mais par des contre-discours. Cette approche est particulièrement marquée dans la jurisprudence américaine. Cette conception de la liberté d'expression et de la formation d'opinion s'appuie en outre sur la reconnaissance de la faillibilité de tous les êtres humains (et donc aussi des institutions étatiques) et sur la conviction que la « vérité » ne peut pas être le point de départ, mais toujours le résultat de débats. La méfiance qui en découle vis-à-vis de la vérification (par l'Etat) des opinions selon leur « contenu de vérité » marque également la compréhension actuelle de la liberté d'expression.
17 La caractérisation de la liberté d'expression comme « condition indispensable » pour les procédures sociales et démocratiques de formation de l'opinion renvoie en particulier à l'importance fondamentale de la libre expression de toutes les opinions et pensées, si possible, comme condition préalable aux processus libres et démocratiques de formation de la volonté ; en ce sens, la liberté d'expression et les droits fondamentaux de la communication garantissent, au niveau constitutionnel, des exigences minimales pour les procédures de formation de la volonté sociale et démocratique. La Cour européenne des droits de l'homme exprime cet aspect du droit fondamental lorsqu'elle constate qu'aucune société démocratique n'est concevable sans la liberté d'expression - comprise au sens large. Elle souligne également que la confrontation avec des opinions différentes permet aux individus, en tant que membres d'une société, d'acquérir le degré minimal de tolérance à l'égard d'autres opinions et points de vue, nécessaire à une société démocratique stable et fonctionnelle. En ce sens, l'admissibilité des opinions les plus diverses et même des opinions choquantes est considérée comme une condition nécessaire à la vie dans les sociétés diverses d'aujourd'hui.
18 L'importance démocratique de la liberté d'expression ne se limite cependant pas à son rôle de condition nécessaire aux débats sociaux et à la formation démocratique de la volonté : La liberté d'expression a également une fonction importante de contrôle du pouvoir de l'Etat par le biais de la critique et du débat public. Cette « fonction de contrôle » est particulièrement marquée chez les professionnels des médias. Dans la jurisprudence de la CEDH, elle est également reconnue à d'autres groupements ayant un rôle social similaire, comme les ONG.
19 L'importance centrale de la liberté d'expression en tant que condition préalable à la formation de la volonté démocratique et sociale ainsi qu'à l'épanouissement de la personnalité de l'individu justifie la position particulière de la liberté d'expression et des droits fondamentaux de la communication dans l'ensemble de la structure des droits fondamentaux. Les fonctions sociales et démocratiques montrent en particulier que l'expression des opinions n'est pas seulement protégée en fonction des intérêts des titulaires des droits fondamentaux, mais aussi en raison de l'importance possible et parfois même prépondérante de certaines expressions pour les processus de formation de la volonté sociale et démocratique. Il s'ensuit que la protection des expressions d'opinion est particulièrement intensive là où l'importance sociale ou démocratique de ces expressions est particulièrement marquée.
II. Liberté d'expression (art. 16 al. 1 et 2 Cst.)
A. Domaine matériel de la protection
1. Notion d'opinion
20 Sont considérées comme des opinions au sens de l'art. 16 al. 1 et 2 Cst. les informations et les idées de toute nature qui peuvent être communiquées par des personnes à des tiers. Dans le contexte de l'art. 16, al. 1 et 2, Cst., les « opinions “ ne désignent donc pas uniquement les opinions au sens strict, en tant qu'expression d'une position subjective déterminée, ” mais l'ensemble des communications de la pensée humaine et toutes les formes de communication possibles ». Ainsi, les déclarations sur des faits, par exemple des statistiques, des émissions d'information ou des nouvelles, doivent également être caractérisées comme des opinions au sens de l'art. 16 Cst.
21 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, sont considérées comme des opinions protégées « l'ensemble des communications de la pensée humaine » ; par conséquent, la question se pose de savoir dans quelle mesure les déclarations (partiellement) automatisées doivent également être incluses dans le champ de protection de la liberté d'opinion. Selon le point de vue défendu ici, les déclarations générées en partie, voire en totalité, par une intelligence artificielle doivent être considérées comme des « opinions » au sens de l'art. 16 al. 1 et 2 Cst. et, en tant que telles, être couvertes par le champ de protection de la liberté d'expression. Seraient donc considérés comme des opinions, par exemple, aussi bien les commentaires rédigés par des humains, mais multipliés par l'IA et ajoutés de manière automatisée à des posts Twitter sélectionnés, que les propos entièrement générés par l'IA de chatbots comme ChatGPT ou de services comme Siri ou Amazon Echo. Dans la mesure où, dans le cas de propos automatisés, l'utilisation de l'IA sert en premier lieu à reproduire un propos humain, la protection de tels propos partiellement automatisés devrait être incontestée - dans ce type d'utilisation, l'IA est en premier lieu un moyen ou un outil permettant de reproduire un propos humain. Les propos qui ne peuvent plus être attribués à un seul auteur humain - par exemple en tant que propos d'un chatbot (apprenant) ou d'un assistant vocal - soulèvent nettement plus de questions. L'absence d'auteur humain (direct) pourrait permettre de conclure que de telles « déclarations » ne sont donc pas des expressions d'opinion à protéger dans le cadre de la liberté d'expression. Par conséquent, les déclarations de Siri, les flux générés par les algorithmes respectifs sur les plateformes de médias sociaux et les listes de résultats des moteurs de recherche ne seraient pas des expressions d'opinion. Selon le point de vue défendu ici, cette appréciation ne doit pas être suivie sans réserve. Même les expressions non humaines de ce type sont potentiellement importantes pour le débat social et démocratique. En outre, d'éventuelles restrictions de telles expressions peuvent avoir pour conséquence une influence unilatérale sur le débat public ou être conçues dans ce but. Sur la base de ces considérations, il convient de partir du principe que les déclarations (entièrement) automatisées sont également protégées dans le cadre de la liberté d'expression. Il ne faut cependant pas déduire de cette protection des déclarations non humaines que les programmes qui génèrent des déclarations d'opinion sont porteurs de la liberté d'opinion (voir également N. 40 ci-dessous). Il faut plutôt se demander dans quelle mesure l'auteur ou le propriétaire du programme doit éventuellement encore être protégé dans le cadre de la liberté d'opinion ou plutôt, de manière judicieuse, dans le cadre de la liberté économique.
22 Selon le Tribunal fédéral, le domaine de protection de la liberté d'expression selon l'art. 16 al. 1 et 2 Cst. est limité aux déclarations dites idéales. Selon une jurisprudence constante, les propos commerciaux, c'est-à-dire « les propos qui visent une transaction économique (en particulier la publicité) ou qui sont tenus exclusivement en relation avec de telles transactions », ne sont en principe pas protégés au titre de la liberté d'expression, mais au titre de la liberté économique (art. 27 Cst.). Il convient, à mon avis, de se rallier à ce point de vue. Le niveau de protection différent pour les expressions commerciales dans le cadre de l'art. 27 Cst. et pour les expressions idéales dans le cadre de l'art. 16 Cst. tient compte des intérêts de protection différents concernés ; il correspond ainsi en principe aussi à la protection différenciée que la CEDH accorde aux expressions idéales, respectivement commerciales, dans le cadre de l'art. 10 CEDH. La distinction entre les déclarations idéales protégées dans le cadre de l'art. 16 Cst. et les déclarations commerciales protégées dans le cadre de l'art. 27 Cst. est pertinente d'une part dans le traitement des déclarations non véridiques. Alors qu'un « contrôle de la vérité » par l'Etat et des restrictions basées sur ce contrôle sont considérés comme fondamentalement inadmissibles dans le cas de contenus idéaux pour les raisons décrites ci-dessus au N.16, la restriction d'indications fausses, parce que déloyales, dans le cas de déclarations commerciales est autorisée en vertu des dispositions sur la concurrence déloyale. D'autre part, cette distinction joue un rôle en particulier dans le contexte des contrôles préalables et systématiques du contenu : alors que de tels contrôles ne peuvent jamais être admis pour les déclarations idéales en tant que censure (cf. sur le contenu essentiel N. 32 ss. ci-après), les restrictions préalables du contenu (même systématiques) ne sont pas en soi contraires aux droits fondamentaux dans le cas de déclarations commerciales, car des intérêts de protection totalement différents sont en jeu. Les contrôles préalables et systématiques des indications figurant par exemple sur les récipients et les emballages de médicaments, ainsi que la possibilité de bloquer l'accès aux jeux de hasard, doivent être considérés comme admissibles. Toutefois, lorsqu'une déclaration économique a également une composante idéelle, la liberté d'expression doit à nouveau être prise en compte. C'est le cas, par exemple, lorsque des sujets d'intérêt social sont abordés dans le cadre d'une expression publicitaire (par exemple, lorsqu'une entreprise alimentaire renomme une glace en soutien à l'introduction du mariage pour tous) ou lorsque la restriction d'expressions commerciales a pour but ou pour effet d'influencer un débat sur un sujet d'intérêt social (par exemple, lorsque des restrictions sont imposées à la campagne publicitaire d'un fabricant d'articles de sport parce qu'elle montre, entre autres, un athlète trans).
23 La notion d'opinion au sens de l'art. 16 al. 1 et 2 Cst. englobe non seulement les expressions verbales écrites ou orales, mais aussi les expressions non verbales et les actes de communication, pour autant que l'acte en question ait pour but de faire connaître une expression et soit en principe compris ou puisse être compris comme tel par le public. Le Tribunal fédéral reconnaît ainsi la protection des grèves de la faim en tant qu'expression d'opinion, alors que la CEDH a par le passé notamment considéré l'étendage de linge sale devant le Parlement comme une expression non verbale relevant de la protection de l'art. 10 CEDH. En revanche, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la mendicité n'est pas protégée en tant que manifestation non verbale ou acte de communication. La question de la protection par la liberté d'expression est également soulevée lors de blocages de routes - par exemple lorsqu'un tronçon d'autoroute est bloqué à proximité d'un chantier afin d'attirer l'attention sur la revendication d'une retraite flexible dans le secteur principal de la construction ou de protester contre une exposition de matériel de guerre au moyen d'un tapis humain sous le slogan « Wer über uns geht, auch über Leichen ». Dans de tels cas, il convient de déterminer si le blocage présente un lien inhérent avec l'expression visée ; si un tel lien existe, il faut partir du principe qu'il s'agit d'un acte de communication protégé dans le cadre de la liberté d'opinion.
24 La notion constitutionnelle d'opinion doit également être comprise au sens large en ce qui concerne les contenus protégés et les protège indépendamment de leur qualité ou de leur valeur sociale. Sont également protégés les propos faux, absurdes, moralement répréhensibles ou impulsifs. Les déclarations extrémistes, racistes, discriminatoires, pornographiques et similaires sont également couvertes par la protection de la liberté d'expression en tant qu'opinions. Ainsi, la liberté d'expression protège en particulier aussi les propos qui « blessent, choquent ou inquiètent » (voir déjà N. 8 ci-dessus).
25 Dans cette mesure, la notion d'opinion selon l'art. 16 al. 1 et 2 Cst. est plus large que, par exemple, celle du droit constitutionnel allemand qui, selon la doctrine dominante, exclut du domaine de protection de l'art. 5 al. 1 GG les affirmations fausses, conscientes ou avérées, ainsi que ce que l'on appelle la « critique injurieuse ». Le domaine de protection de la liberté d'expression dans le droit constitutionnel suisse devrait également être plus large que celui de la jurisprudence de la CEDH : en application de l'article 17 CEDH, celle-ci exclut en grande partie de la protection de l'article 10 CEDH les déclarations révisionnistes et négationnistes ainsi que d'autres formes de discours de haine extrêmes ou totalitaires. Cependant, la jurisprudence relative à l'art. 17 en relation avec la CEDH n'est pas encore complète. L'article 17 CEDH est notamment utilisé à la fois comme élément de limitation du champ de protection de l'article 10 CEDH et comme élément d'appréciation de la nécessité de restreindre cette disposition, sans qu'il soit possible de distinguer les deux approches de manière rigoureusement dogmatique.
2. Contenus partiels et droits protégés
26 Selon l'art. 16 al. 2 Cst., la liberté d'opinion protège les titulaires de droits fondamentaux dans le fait de « former librementleur opinion et de l'exprimer et de la diffuser sans entrave ». L'individu est donc protégé dans son droit de se former librement une opinion, d'avoir une opinion et de la faire connaître à l'extérieur.
27 Le droit de chaque individu de se forger une opinion présuppose notamment que les titulaires des droits fondamentaux aient accès aux informations et aux opinions d'autrui. Pour cette raison, cet aspect de la liberté d'opinion est étroitement lié au droit fondamental de la liberté d'information (art. 16 al. 3 Cst.) ainsi qu'aux garanties spécifiquement protégées à l'art. 34 al. 2 Cst. en amont des élections et des votations.
28 Le droit d'avoir une opinion est « le fondement de la liberté d'exprimer une opinion ». Cette « liberté d'opinion intérieure » est une partie élémentaire de l'être humain et est donc également comprise comme le contenu central de la liberté d'opinion. Ainsi, le simple fait d'avoir une opinion ne peut jamais être le point de départ d'une sanction juridique.
29 En tant que liberté d'expression, l'art. 16 al. 1 et 2 Cst. garantit en outre au titulaire du droit fondamental le droit d'exprimer sa propre opinion, c'est-à-dire de la faire connaître à l'extérieur et de la diffuser à d'autres. Le droit protégé d'exprimer une opinion comprend notamment aussi le droit de ne pas s'exprimer ou de se taire. Il protège également les titulaires de droits fondamentaux contre le fait d'être contraints de divulguer des informations ou des opinions. Le droit d'exprimer une opinion protège en principe aussi le libre choix des moyens et des formes d'expression.
30 Dans sa dimension subjective et juridique, la liberté d'expression confère aux titulaires des droits fondamentaux protégés différents droits justiciables. En tant que droit de défense, la garantie protège contre les atteintes directes, indirectes, préalables, postérieures, juridiques et factuelles au droit fondamental. En outre, la liberté d'expression confère aux titulaires de droits fondamentaux protégés des droits spécifiques à la protection et à la prestation. Les autorités sont par exemple tenues de protéger les participants à des manifestations publiques contre la violence ou les tentatives de perturbation de tiers et de garantir ainsi que ces manifestations (et donc l'exercice des droits fondamentaux protégés) « puissent effectivement avoir lieu ». La CEDH reconnaît également un tel devoir de protection (justiciable) découlant de l'article 10 CEDH en ce sens que les autorités sont tenues, en cas d'attaques répétées et massives contre une rédaction de journal, de protéger les journalistes qui y travaillent. La jurisprudence reconnaît également le droit à une prestation en vertu de l'art. 16 en relation avec l'art. 22. Cst. un « droit conditionnel » à l'utilisation du domaine public à des fins de manifestation d'opinion ; en d'autres termes, « [l]es droits fondamentaux en question imposent, dans certaines limites, que le domaine public soit mis à disposition pour des manifestations ». Un droit d'accès « conditionnel » comparable, dans le sens d'une prestation de l'État, est généralement aussi supposé dans le cas de l'utilisation du patrimoine administratif à des fins de communication, mais la jurisprudence semble avoir tendance à être plus réservée, du moins dans la mesure où - contrairement au domaine public - il existe des forums de communication alternatifs.
31 Les obligations de prestation de l'Etat se concrétisent également dans la garantie des droits en matière d'organisation et de procédure. Si, par exemple, le Tribunal fédéral garantit aux individus la possibilité de recourir à l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (AIEP) en cas de suppression de leurs commentaires sur les forums en ligne et les canaux de médias sociaux de la SSR, le tribunal garantit aux différents titulaires de droits fondamentaux l'accès à une procédure judiciaire dans laquelle ils peuvent faire valoir des restrictions présumées de leur liberté d'expression. Il convient en outre de souligner que l'art. 12 Cst. (droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse) permet également d'argumenter en faveur d'un droit minimal à l'information ou à la participation aux débats de société. Ce contenu partiel de la liberté d'expression fait actuellement l'objet de discussions en rapport avec les questions de régulation de la communication via des plateformes en ligne.
3. Contenu central
32 L'interdiction de la censure, explicitement ancrée dans l'art. 17 al. 2 Cst., est considérée comme le noyau de la liberté d'opinion, c'est-à-dire comme un contenu particulièrement digne et nécessaire d'être protégé, qui ne peut en aucun cas être limité. La classification systématique en tant que contenu partiel de la liberté des médias s'explique par l'évolution historique du droit fondamental ; selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et une majorité de voix dans la doctrine, l'interdiction de la censure représente toutefois, au-delà de la liberté des médias, une limite absolue à la restriction de tous les droits fondamentaux de la communication et en particulier de la liberté d'opinion.
33 Par la notion de censure (absolument interdite) au sens de l'art. 17 al. 2 Cst. on entend en premier lieu, selon la doctrine dominante, le contrôle systématique et préalable du contenu des opinions exprimées. En revanche, les restrictions préalables basées sur le contenu dans un cas particulier, ainsi que les contrôles systématiques du contenu effectués a posteriori, ne sont pas considérés comme des mesures interdites a priori et portant atteinte à l'essence.
34 L'interdiction absolue de la censure dans ce sens se déduit de l'importance de la liberté d'expression pour la formation de l'opinion sociale : La censure au sens de l'art. 17 al. 2 Cst. a pour conséquence de limiter préventivement les opinions admises dans le débat public et de déterminer ainsi l'éventail des opinions admissibles en termes de contenu. Une telle limitation préalable de l'éventail des expressions autorisées est en contradiction avec l'idée selon laquelle la libre formation de la volonté sociale présuppose l'admissibilité de toutes les opinions et que la vérité ou l'exactitude ne priment pas sur le discours public, mais ne peuvent être que le résultat de ce discours. De même, la limitation de l'éventail des opinions autorisées par la censure a pour conséquence une réduction de la diversité des opinions exprimées et donc une atteinte au rôle de la liberté d'expression en tant que moyen pour la société de gérer cette diversité d'opinions. En réduisant l'éventail des opinions disponibles, la censure porte également atteinte à la fonction de la liberté d'expression en tant que moyen de formation de l'identité de chaque individu. La censure - en tant que contrôle préalable et systématique du contenu - va donc en fin de compte à l'encontre de plusieurs orientations de protection du droit fondamental et n'est donc jamais autorisée.
35 Outre l'interdiction de la censure, le forum internum est également protégé en tant que contenu central. Cette protection absolue de la « détention » d'une opinion est justifiée par le fait qu'il serait contraire à la dignité de l'être humain, en tant qu'individu pensant et agissant de manière autonome, de lui interdire de détenir une opinion et donc de simplement « penser », ou de contraindre un être humain à détenir une opinion au sens de soutenir certaines opinions ou d'exprimer ses conceptions intimes.
B. La protection personnelle
36 La protection de la liberté d'expression s'applique à toutes les personnes physiques et morales, indépendamment de leur nationalité. Les enfants et les adolescents sont également protégés par la liberté d'expression, quel que soit leur âge.
37 En particulier, le droit fondamental protège également les personnes ayant des statuts spéciaux (employés de droit public, détenus, militaires, etc.). Dans le cas concret, il peut toutefois y avoir des raisons pour une restriction plus importante de la liberté d'expression en raison du statut particulier.
38 Les organes de l'Etat et les autorités ne sont pas porteurs de la liberté d'expression - ils sont en revanche tenus de respecter les droits fondamentaux. Des questions de délimitation se posent toutefois en ce qui concerne les déclarations de représentants des autorités ou de l'Etat : si ceux-ci s'expriment au nom d'une autorité - par exemple une conseillère fédérale lors d'une conférence de presse sur les décisions du Conseil fédéral - il s'agit d'une déclaration d'un organe de l'Etat. Si ces mêmes personnes s'expriment en tant que particuliers, elles relèvent, en tant que personnes physiques, du champ de protection personnel de la liberté d'expression. Il n'est cependant pas toujours possible de déterminer clairement si une personne s'exprime en tant que représentant d'une autorité ou en tant que personne privée - c'est ce que montrent par exemple les arrêts du Tribunal fédéral concernant les interventions de membres d'autorités (présumés être des personnes privées) dans des campagnes de votation. Le critère pertinent de la délimitation doit être de savoir si les destinataires ou le public de la déclaration pouvaient la comprendre comme une déclaration d'une personne privée ou comme celle d'un agent public ou d'un représentant de l'Etat.
39 En ce qui concerne la qualité de titulaire de droits fondamentaux des personnes morales particulièrement proches de l'Etat, le Tribunal fédéral considère désormais la SSR comme titulaire de droits fondamentaux dans le cadre de l'art. 17 Cst. - et non plus seulement comme protégée par l'autonomie de programmation ancrée à l'art. 93 al. 3 Cst. L'éventuelle qualité de titulaire de droits fondamentaux des communautés religieuses reconnues de droit public dans le cadre de l'art. 16 Cst. ne semble pas claire ; le Tribunal fédéral traite généralement les recours de ces communautés comme des questions d'autonomie ecclésiastique et non comme des questions de liberté religieuse.
40 Même les déclarations (partiellement) automatisées doivent en principe être protégées en tant qu'expressions d'opinion (cf. explications ci-dessus N. 21). Il n'en résulte cependant pas que les programmes qui génèrent des expressions d'opinion sont porteurs de la liberté d'opinion. Lorsque l'IA ne sert qu'à diffuser et à reproduire des déclarations, c'est-à-dire à transmettre une déclaration humaine à un public plus large en tant qu'instrument de diffusion, la personne derrière la déclaration est elle-même titulaire de droits fondamentaux. Lorsque des propos sont générés en partie ou en totalité par une intelligence artificielle, ces propos doivent être protégés en tant qu'opinions, comme expliqué au N. 21. La question se pose donc de savoir dans quelle mesure la protection de telles déclarations est reflétée par la protection d'un titulaire de droits fondamentaux au sens d'un auteur de la déclaration concernée. Selon le point de vue défendu ici, il convient de distinguer entre les auteurs ou les propriétaires des programmes et leurs utilisateurs. Une protection des auteurs ou des propriétaires des programmes concernés dans le cadre de la liberté d'expression est à rejeter, dans la mesure où ceux-ci n'exercent pas d'influence directe sur le contenu de l'expression ou ne font pas d'expression. En revanche, les utilisateurs de l'application sont protégés au titre de la liberté d'expression - par exemple l'utilisateur d'Amazon Echo qui donne des instructions orales à la « machine » ou l'utilisateur d'une application comme ChatGPT dans la génération et l'adaptation des messages-guides et des outputs. Étant donné que les différentes applications d'IA font partie du fonctionnement des programmes et des plateformes correspondants, les propriétaires ou les auteurs doivent être protégés par les droits fondamentaux, non pas au titre de la liberté d'expression, mais au titre de la liberté économique. Concrètement, cela signifie qu'une obligation de l'État d'organiser unilatéralement le flux d'un moteur de recherche d'une certaine manière pourrait être analysée comme une atteinte problématique à la liberté d'expression du point de vue des utilisateurs et des destinataires, compte tenu des répercussions potentielles sur le débat social - le propriétaire ou l'exploitant du moteur de recherche n'est toutefois pas limité dans sa liberté d'expression, mais plutôt dans sa liberté économique, à savoir l'organisation du flux et de l'algorithme utilisé d'une certaine manière.
C. Limitations de la liberté d'expression
1. Intensités de protection
41 La liberté d'expression protège les déclarations indépendamment de leur contenu et de leur valeur sociale. Cependant, toutes les expressions ne sont pas protégées avec la même intensité. Il résulte des fonctions de la liberté d'expression que certaines expressions, en raison de leur contenu, sont au cœur des préoccupations de la liberté d'expression, alors que d'autres sont également protégées, mais leur protection est moins intense en raison d'un lien moins étroit avec les fonctions du droit fondamental.
42 Ces différentes intensités de protection s'expriment, d'une part, par des exigences matérielles plus élevées pour les restrictions des expressions protégées de manière plus intensive et, d'autre part, - notamment dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme - par des exigences plus élevées pour la densité de motivation de telles restrictions.
43 Sont notamment considérées comme particulièrement dignes de protection les opinions exprimées sur des sujets d'intérêt social, ce que l'on appelle la « communication politique ». Comme expliqué sous N. 16 ss, l'importance sociale de la liberté d'expression réside en particulier dans le fait qu'elle garantit le libre échange de toutes les opinions et permet ainsi de larges débats de société et la libre formation de la volonté démocratique. En conséquence, les opinions qui sont particulièrement centrales pour le débat politique et la formation de la volonté sur des thèmes politiques et sociaux importants sont protégées de manière particulièrement intensive. Le Tribunal fédéral - reprenant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme - constate que la liberté d'expression revêt une importance particulière pour les déclarations sur les questions politiques et les problèmes de la vie publique et que la critique « doit être admise dans une certaine mesure et parfois aussi sous une forme exagérée ». La notion de déclarations politiques est définie au sens large : En tant que déclarations sur des thèmes d'intérêt social, ce qui ne signifie pas seulement des déclarations sur la politique au sens strict, mais toutes les déclarations sur des thèmes de la vie publique. Ceux-ci peuvent être de nature politique, sociale, économique, culturelle, religieuse ou, dans certaines circonstances, commerciale. Les déclarations satiriques sont également considérées comme des communications politiques et sont donc protégées de manière particulièrement intensive dans le cadre de la liberté d'expression.
44 L'art est également particulièrement protégé en raison de son importance dans une société démocratique. Dans la jurisprudence relative à l'art, la protection des déclarations qui blessent, choquent ou inquiètent ainsi que la prise de conscience de la nécessité d'interpréter des déclarations peu claires ou ambiguës sont importantes dans la pratique. Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme protège l'art de manière relativement moins intensive que la communication politique, du moins dans le passé, par exemple en accordant (et en accordant) aux États une marge d'appréciation supplémentaire lors de l'évaluation d'une restriction visant à protéger la religion ou la moralité publique.
45 La protection par la liberté d'expression est moins intensive pour les opinions racistes, révisionnistes, incitant à la violence, pornographiques ou autres opinions au contenu qualifié de répréhensible - des propos qui sont aujourd'hui régulièrement regroupés sous le terme de « hate speech ». Avec l'art. 261bis CP, la Suisse dispose d'une base légale pour interdire les formes particulièrement répréhensibles et dangereuses de discrimination et d'incitation à la haine ; elle remplit ainsi (partiellement) les obligations de droit international public découlant de l'art. 4 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. De même, les art. 258 s. CP et 197 CP permettent de limiter les propos incitant à la violence ou à la pornographie en se basant sur le contenu de l'expression. Toutefois, étant donné que les déclarations « qualifiées de répréhensibles » portent souvent sur des thèmes d'intérêt social, les catégories mentionnées doivent être interprétées de manière restrictive en tant qu'exceptions.
2. Notion et types d'atteintes
46 Les restrictions à la liberté d'expression doivent en principe être évaluées selon les conditions de l 'art. 36 Cst. Dans ce contexte, les atteintes se concrétisent de différentes manières et doivent être évaluées différemment en fonction du type et du moment de l'atteinte.
47 Les restrictions préalables ou préventives de la liberté d'expression empêchent la diffusion des informations concernées et ont ainsi pour conséquence que les opinions correspondantes ne peuvent même pas être intégrées dans le débat public. De telles mesures, par exemple sous la forme de mesures préventives dans le cadre de la procédure civile selon l'art. 261 ss. CPC, constituent donc des atteintes particulièrement graves à la liberté d'expression. La jurisprudence de la CEDH relative à l'article 10 CEDH prévoit par conséquent que les conditions des restrictions préventives à l'expression des opinions doivent être clairement décrites dans la loi et poursuivre un intérêt public important.
48 En revanche , les restrictions ultérieures, telles que les sanctions pénales ou civiles, les pertes de licence ou les mesures disciplinaires, ne sont pas considérées comme graves en soi. Leur gravité doit être évaluée en premier lieu en fonction des conséquences pour les titulaires des droits fondamentaux concernés.
49 Les restrictions liées au contenu sont également considérées comme problématiques, par opposition aux interventions qui, en tant que limitations de déclarations à un lieu ou à un moment précis, sont en principe neutres sur le plan du contenu. Etant donné que les restrictions liées au contenu tiennent les déclarations concernées à l'écart du discours public ou, du moins, limitent leur présence dans la formation de l'opinion publique, de telles interventions portent atteinte au modèle du libre débat social, dans lequel les individus peuvent former leurs opinions par le libre échange d'arguments et de contre-arguments, indépendamment de la qualité et de la valeur sociale de ceux-ci.
50 Les entraves à l'expression d'une opinion, non seulement juridiques mais aussi factuelles, telles que la confiscation d'écrits, l'écoute de conversations, l'éloignement d'une manifestation et autres mesures similaires, constituent des atteintes à la liberté d'expression.
51 Dans le contexte de la liberté d'expression, les restrictions indirectes par ce que l'on appelle un chilling effect prennent une importance particulière. On parle d'effet dissuasif lorsque les titulaires de droits fondamentaux s'abstiennent d'exprimer des opinions en principe admissibles (et donc souhaitables dans le discours social) par crainte de sanctions ou en raison d'une situation juridique peu claire, c'est-à-dire lorsqu'ils sont dissuadés d'exercer leurs droits fondamentaux. Un tel effet dissuasif peut résulter de dispositions légales vagues, d'une jurisprudence peu claire, mais aussi de sanctions particulièrement sévères pour la manifestation d'opinions. Ainsi, le Tribunal fédéral a tendance à approuver l'éventuel chilling effect d'un profilage ADN et d'un fichage à l'occasion d'une manifestation pacifique. Le chilling effect revêt en outre une importance particulière dans le contexte de la protection des sources journalistiques. Comme le chilling effect, par définition, touche et décourage des opinions qui sont admissibles et souhaitables en tant que partie du débat social, ce type de restriction affecte indirectement le débat social ou politique au-delà du cas particulier ; les interventions par chilling effect, même si elles sont indirectes, peuvent donc être particulièrement problématiques du point de vue des droits fondamentaux dans certains cas.
3. Appréciation des restrictions au sens de l'art. 36 Cst.
a. Base légale (art. 36 al. 1 Cst.)
52 Selon l'art. 36 al. 1 Cst., les restrictions à la liberté d'expression nécessitent unebase légale , c'est-à-dire une base sous la forme d'une norme générale et abstraite.
53 Plus l'atteinte est grave dans le cas concret, plus il faut poser des exigences élevées au niveau et à la densité de la norme de la base d'atteinte en question. Ainsi, la Constitution fédérale prévoit à l'art. 36, al. 1, 2e phrase, Cst. en ce qui concerne l'exigence relative au niveau de la norme, que les restrictions graves doivent être prévues dans la loi elle-même. En ce qui concerne la densité normative, la Cour européenne des droits de l'homme retient dans sa jurisprudence que la base légale en question doit être formulée de manière suffisamment précise pour permettre aux personnes concernées par le droit d'orienter leur comportement en fonction de celle-ci et de prévoir avec une certaine certitude les conséquences d'un comportement donné. Plus l'atteinte est grave, plus les exigences en matière de précision de la base légale sont élevées.
54 Les restrictions de la liberté d'expression se font dans de nombreux cas sur la base de différentes bases juridiques en droit civil (en particulier art. 28 ss CC) et surtout en droit pénal (par exemple art. 135 CP, art. 173 ss. CP, art. 197 CP, art. 259 ss. et en particulier art. 261bis CP, art. 296 f. CP). Sont également pertinents l'art. 3 al. 1 let. a LCD, d'autres normes juridiques fédérales et diverses normes juridiques cantonales. Eu égard aux exigences mentionnées au N. 53 ci-dessus, en particulier la densité normative nécessaire des bases légales, certaines dispositions de la loi simple ne sont pas suffisamment précises : La doctrine critique par exemple la version insuffisamment précise de l'art. 261bis CP (discrimination et incitation à la haine), qui serait « largement » en deçà des exigences du principe de légalité.
55 La jurisprudence et la doctrine constatent que les exigences en matière de base légale sont parfois moins strictes dans les relations à statut particulier. Cela vaut en premier lieu pour les normes qui règlent l'aménagement concret du rapport de statut particulier ; dans ce cas, tant les exigences relatives au niveau de la norme que celles relatives à la densité normative doivent être appliquées de manière moins stricte. En revanche, les exigences relatives à la base légale ne sont pas réduites en ce qui concerne les normes fondant le rapport juridique en question.
56 Les dispositions légales qui servent de base à la limitation de l'expression d'opinions doivent être interprétées et appliquées à la lumière de l'art. 16 Cst. de manière conforme aux droits fondamentaux (cf. sur l'effet tiers indirect et l'interprétation conforme aux droits fondamentaux également N. 76 s.).
57 Exceptionnellement - en présence d'un danger grave, immédiat et impossible à écarter autrement pour des biens juridiques de haut niveau - la clause générale de police (art. 36 al. 1 phrase 3 Cst.) permet une restriction de la liberté d'expression sans base explicite dans la loi. Il convient toutefois de faire preuve de retenue dans l'application de cette exception : Ainsi, la restriction de fait de la liberté d'expression (et de la liberté des médias) par l'empêchement d'un journaliste de poursuivre son voyage vers le WEF à Davos n'est pas couverte par la clause générale de police selon la CEDH en raison de la prévisibilité du danger.
b. Intérêt public et protection des droits fondamentaux de tiers (art. 36 al. 2 Cst.)
58 Les restrictions à la liberté d'expression doivent être justifiées par un intérêt public prépondérant ou par la protection des droits fondamentaux de tiers, conformément à l'art. 36 al. 2 Cst.
59 L'art. 36 al. 2 Cst. ne connaît pas de liste exhaustive des intérêts publics possibles pour restreindre le droit fondamental. En pratique, l'énumération des intérêts publics possibles à l'art. 10 al. 2 CEDH constitue une orientation : cette disposition cite par exemple la protection de la sécurité publique ou la défense de l'ordre public, la protection de la santé publique ou de la moralité publique, la protection des droits (fondamentaux) de tiers, la prévention de la divulgation d'informations confidentielles ou la sauvegarde de l'intégrité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire.
60 Ne sont pas admissibles les restrictions visant à protéger des intérêts qui sont fondamentalement contraires à l'orientation de la protection du droit fondamental. Il serait donc inadmissible de restreindre la liberté d'expression dans le seul but d'empêcher la critique du gouvernement ou d'interdire les opinions « périphériques », défendues uniquement par une minorité, afin de protéger la majorité de la population de la confrontation avec de telles opinions, éventuellement impopulaires ou « choquantes ».
c. Proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.)
61 Les restrictions de la liberté d'expression doivent être proportionnées selon l'art. 36 al. 3 Cst. Une restriction est considérée comme proportionnée si elle est appropriée et nécessaire pour atteindre le but étatique visé et si la mesure peut être raisonnablement exigée de la ou des personnes touchées par les droits fondamentaux. Lors de l'évaluation de la proportionnalité des restrictions des droits fondamentaux, il convient de tenir compte des circonstances concrètes de chaque cas. A cet égard, se posent aussi bien des questions d'intensité que de précision de l'atteinte dans le cas concret.
62 Dans le contrôle de la proportionnalité et en particulier du caractère raisonnable des restrictions à la liberté d'expression, la Cour européenne des droits de l'homme se réfère régulièrement à l'importance de ce droit fondamental pour une société démocratique. En se basant sur l'intensité particulière de la protection accordée aux déclarations sur des sujets d'intérêt social, la Cour reconnaît que la Convention laisse peu de place à une restriction des déclarations dites politiques et que de telles restrictions doivent donc être examinées de manière particulièrement stricte.
63 En ce qui concerne l'évaluation de la proportionnalité d'une restriction de la liberté d'expression, la position de la personne concernée par une déclaration est également pertinente, en particulier dans le contexte de déclarations portant atteinte à l'honneur. Selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme - et du Tribunal fédéral - les hommes et femmes politiques ainsi que les autres personnalités publiques doivent supporter un degré particulier de critique publique et doivent donc faire preuve d'une grande tolérance à l'égard des déclarations verbalement agressives. Toutefois, les personnes publiques jouissent également d'un droit à la vie privée, raison pour laquelle la large tolérance de propos est en premier lieu donnée dans le domaine de la sphère publique des personnes concernées. Toutefois, lorsque des éléments de la vie privée d'une personne publique sont importants ou présentent un intérêt pour la société, la restriction de telles déclarations concernant la vie privée n'est admissible qu'à des conditions restrictives. Dans le cas de personnes privées, l'appréciation de la proportionnalité d'une restriction doit se fonder en premier lieu sur la question de savoir si et dans quelle mesure les déclarations concernées font partie d'un débat public.
64 Ensuite, la doctrine et la jurisprudence tiennent également compte du statut de la ou des personnes qui s'expriment lors de l'évaluation de la proportionnalité des restrictions à la liberté d'expression. Comme mentionné au N. 37, des restrictions plus importantes de la liberté d'expression peuvent se justifier pour les personnes ayant un statut particulier. La Cour européenne des droits de l'homme et le Tribunal fédéral reconnaissent que le statut et le devoir de loyauté des employés de droit public, des enseignants, des fonctionnaires et des juges peuvent entraîner un certain devoir de réserve, respectivement un motif de restriction de la liberté d'expression. En même temps, la Cour et, avec elle, le Tribunal fédéral, constatent que, précisément pour les thèmes d'intérêt pour le débat social, de telles restrictions ne sont admissibles que de manière restrictive et que leur nécessité doit être démontrée de manière convaincante. Sur la base de ces réflexions, le Tribunal fédéral a considéré que les mesures disciplinaires prises à l'encontre d'un enseignant d'une université publique en raison d'une action de tract (avec un tract rédigé avec retenue) sur un thème d'intérêt public constituaient une atteinte inadmissible à la liberté d'expression.
65 Les élèves et les étudiants se trouvent également dans une relation de statut spécial dans le contexte de l'école (supérieure). Toutefois, le Tribunal fédéral souligne déjà dans sa jurisprudence antérieure que les élèves et les étudiants sont protégés par la liberté d'expression et ne peuvent pas être sanctionnés pour des propos légalement admissibles et compatibles avec les obligations découlant de leur statut particulier. A notre avis, compte tenu de l'importance de la liberté d'expression pour la formation de la personnalité et de la capacité d'expression des élèves et des étudiants, il convient en outre d'exiger que les restrictions découlant du rapport de statut particulier - par exemple pour des raisons didactiques de maintien de l'enseignement - soient appliquées de manière restrictive et justifiées de manière précise.
66 La jurisprudence évalue en outre de manière spécifique la liberté d'expression des femmes médecins et des avocats: Alors que l'éthique professionnelle des médecins autorise des restrictions de la liberté d'expression, les avocats, en raison de leur fonction dans l'administration de la justice, peuvent plus facilement justifier des restrictions en cas de déclarations critiques à l'égard de la justice que cela ne serait le cas pour les journalistes.
67 La Cour européenne des droits de l'homme a développé des critères particuliers d'évaluation de la proportionnalité dans le cadre de l'appréciation des sanctions infligées aux employés pour avoir dénoncé des faits, et ce indépendamment du fait qu'ils soient employés dans le cadre du droit public ou du droit privé. Dans ce contexte, la Cour constate que la protection de l'art. 10 CEDH s'étend également aux relations de droit privé et que le législateur doit, au sens d'une obligation de protection, protéger les personnes, entre autres, contre les restrictions de leur liberté d'expression par des particuliers. La Cour a également déduit de ce principe une obligation minimale de protection des lanceurs d'alerte : Dans l'évaluation de la proportionnalité des sanctions pour ces personnes, la CEDH prend en compte les critères dits de Guja, c'est-à-dire si d'autres possibilités de divulgation d'informations étaient disponibles, quel est l'intérêt public de l'information divulguée, si l'information est authentique, quels sont les inconvénients pour l'employeur et si la personne a agi de bonne foi. Comme dans de nombreux autres cas (N. 74), la gravité de la sanction est également prise en compte ici.
68 Comme mentionné au N. 36, le domaine de protection personnelle de la liberté d'expression s'étend dans la même mesure aux personnes qui n'ont pas la nationalité suisse. L'art. 16 CEDH prévoit certes la possibilité de restrictions (supplémentaires) de l'art. 10 CEDH, entre autres, pour « l'activité politique de personnes étrangères ». Une telle attitude a également longtemps influencé la conception de la liberté d'opinion et de réunion en Suisse : ainsi, l'« Arrêté du Conseil fédéral concernant le discours politique des étrangers » soumettait la participation d'orateurs étrangers à des réunions à une autorisation obligatoire jusqu'en 1998 ( !). Une possibilité de restriction supplémentaire ou une acceptation plus généreuse de l'exigibilité de restrictions de la liberté d'expression uniquement en raison de la nationalité est aujourd'hui considérée à juste titre comme dépassée.
69 L'intensité de l'atteinte au bien juridique fait partie des circonstances concrètes pertinentes qui doivent être prises en compte dans le cas individuel pour l'évaluation de la proportionnalité d'une restriction de la liberté d'expression. Pour l'évaluer, le contexte, le moyen choisi, la forme ou les effets de l'expression dans le cas concret sont pris en compte : Lors de l'évaluation d'une déclaration présumée portant atteinte à la personnalité, les événements précédents, par exemple dans le cadre d'un débat politique houleux, sont par exemple pris en compte comme élément du contexte. La forme ou les moyens choisis pour l'expression sont notamment pris en compte en ce qui concerne leurs effets sur les intérêts opposés concernés. Dans le contexte de la protection de la vie privée ou des droits de la personnalité en général, certains moyens et formes d'expression ont un impact particulièrement important sur les droits fondamentaux des personnes concernées. La jurisprudence tient compte de l'impact des déclarations de grande portée, et notamment des reportages photographiques, en partant du principe que les droits de la personnalité de la personne concernée sont plus intensément touchés.
70 L'évaluation des déclarations portant atteinte à l'honneur et la proportionnalité de leurs restrictions ont joué un rôle important dans la pratique. En plus des réflexions sur la dignité de la protection (N. 62), sur les personnes concernées et celles qui s'expriment (N. 63 ss) ainsi que sur le contexte (N. 69), la distinction entre les affirmations de fait et les déclarations d'appréciation est régulièrement pertinente pour la question du caractère raisonnablement exigible de la restriction des déclarations portant atteinte à l'honneur. L'admissibilité de déclarations sur des faits s'apprécie en premier lieu selon qu'elles sont vraies ou fausses. Alors que la preuve de la véracité des faits est un élément central de la recevabilité d'une déclaration (touchant à l'honneur), la jurisprudence de la CEDH considère qu'il n'est pas raisonnable d'exiger la preuve de la véracité des déclarations d'appréciation. Il convient de noter que la notion de jugements de valeur est interprétée de manière large dans la jurisprudence de la Cour et qu'elle englobe également les jugements globaux exagérés. En revanche, le caractère raisonnable des jugements de valeur purs s'évalue notamment en fonction de la question de savoir s'ils peuvent s'appuyer sur une base factuelle suffisante.
71 Dans la jurisprudence, l'évaluation de la proportionnalité des restrictions à la liberté d'expression pour protéger des intérêts de la collectivité, tels que la santé publique, la protection des secrets d'État, la protection de l'intégrité de la justice ou l'ordre et la sécurité publics, est également pertinente. Ce dernier intérêt joue souvent un rôle dans les restrictions de la liberté d'expression dans le contexte de l'utilisation du domaine public à des fins de communication. La jurisprudence du Tribunal fédéral considère que l'obligation d'obtenir une autorisation en cas d'utilisation du domaine public à des fins de communication, qui va au-delà de l'usage commun, dans le but de coordonner les différents intérêts d'utilisation (et donc l'ordre public), est en principe proportionnée. Lors du contrôle de l'autorisation ou de la non-autorisation de manifestations pour la protection de la sécurité et de l'ordre publics, la jurisprudence doit régulièrement évaluer si des mesures moins sévères, par exemple sous forme de conditions, de mesures de protection ou de déplacements locaux ou temporels, auraient été possibles.
72 La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme aborde également la question de la responsabilité pour les propos tenus par des tiers, notamment sur les plateformes de médias sociaux, comme une question de proportionnalité de la restriction de la liberté d'expression. Ces dernières années, la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme s'est penchée sur la question de savoir si, et selon quels critères, les politiciens et autres personnalités publiques pouvaient être tenus pour responsables des commentaires postés sous leurs publications (publiques). Alors que le Tribunal fédéral a abordé cette question de la responsabilité pénale sans faire explicitement référence à la garantie de la liberté d'expression, la Cour s'est penchée en détail dans l'affaire Sanchez c. France sur la question de savoir comment une telle responsabilité devait être évaluée au regard de l'article 10 CEDH. Se référant à sa jurisprudence relative à la responsabilité pour les commentaires de tiers en ligne, la CEDH a identifié comme critères pertinents dans l'évaluation de la proportionnalité le contexte des déclarations, les mesures prises par le requérant, la possibilité de tenir l'auteur réel pour responsable ainsi que les conséquences de la procédure pour le requérant. Dans ce contexte, la question de savoir dans quelle mesure l'auteur d'un post est tenu de surveiller les commentaires et, sur cette base, de les supprimer, revêt une importance particulière.
73 La question de la responsabilité - toutefois pour ses propres déclarations et non pour celles de tiers - se pose également en cas de restriction de l'expression d'opinions pour des titulaires de fonctions choisis : ainsi, l'art. 162 al. 1 Cst. garantit à des titulaires de fonctions choisis au niveau fédéral l'immunité pour les déclarations faites aux Chambres et dans leurs organes et crée à l'al. 2 la possibilité d'autres formes d'immunité. Ainsi, en plus de la protection absolue pour les propos tenus dans les conseils (cf. art. 16 LParl), les membres du Parlement bénéficient, en vertu des art. 17 s. LParl, d'une immunité relative pour les propos tenus en relation directe avec leur activité parlementaire. Des garanties similaires d'immunité se trouvent également dans le droit cantonal. Ainsi, les personnes concernées ne peuvent pas être tenues pour responsables des propos tenus dans les contextes décrits, qui sont en principe illégaux et doivent donc être limités de manière légale.
74 Dans l'évaluation de la proportionnalité d'une ingérence, le type et le montant des sanctions éventuelles sont également pris en compte. La Cour européenne des droits de l'homme considère que les sanctions pénales pour des propos prétendument diffamatoires à l'égard de politiciens sont particulièrement graves et ne peuvent donc généralement pas être exigées. Elle examine donc de manière particulièrement précise les restrictions correspondantes. Dans le contexte de sanctions pour des opinions exprimées, il faut également tenir compte d'un éventuel chilling effect d'une restriction. Dans le cas de sanctions graves, par exemple, sont pertinents non seulement les effets de la sanction sur la personne sanctionnée dans le cas particulier, mais aussi le fait qu'une telle sanction peut dissuader d'autres personnes de tenir des propos similaires à l'avenir.
D. Dimension juridique objective de la liberté d'expression
1. Réalisation de la liberté d'expression
75 Selon l'art. 35 al. 1 Cst., les droits fondamentaux doivent être appliqués dans tout l'ordre juridique en tant que normes de principe objectives. La liberté d'opinion n'agit donc pas seulement en tant que contenu juridique subjectif, qui confère à l'individu des droits à la défense, à la protection ou à la prestation, mais elle oblige également les autorités, dans sa dimension juridique objective, à prendre les mesures nécessaires à sa réalisation.
76 Ainsi, la liberté d'expression se concrétise d'une part comme ligne directrice de l'interprétation et de l'application des dispositions de la loi simple. Dans la jurisprudence, cela concerne souvent l'interprétation conforme aux droits fondamentaux des dispositions légales visant à protéger les déclarations portant atteinte à la personnalité ou à l'honneur du droit civil et du droit pénal et concerne régulièrement les déclarations correspondantes dans les médias.
77 Dans sa dimension programmatique, la liberté d'expression oblige le législateur, en application de l'art. 35 al. 1 Cst., à une législation conforme aux droits fondamentaux et les réalisant, qui assure un cadre de communication dans lequel le droit fondamental peut remplir les fonctions individuelles et sociales qui lui sont attribuées. La discussion porte essentiellement sur la garantie d'un minimum d'égalité des chances en matière de communication, par exemple par la mise à disposition de l'infrastructure technique nécessaire ou par l'octroi de l'accès aux canaux de communication pertinents, ou encore par la mise en place des mesures de protection nécessaires. Dans le domaine de la radio et de la télévision, la question de la garantie de la « diversité pluraliste » se pose également.
2. Dimension juridique objective de la communication sur Internet en particulier
78 Actuellement, la communication sur Internet et les menaces qui pèsent sur la communication publique et les structures de communication concernées soulèvent des questions relatives à la réalisation des droits fondamentaux de la communication. Ainsi, la doctrine argumente que des menaces concrètes pour la communication sociale dues à de nouvelles structures et phénomènes de communication pourraient obliger les autorités à prendre des mesures concrètes et à intervenir de manière régulatrice afin de protéger les processus et structures pertinents relevant des droits fondamentaux de la communication.
79 Les premières réglementations en la matière - comme la NetzDG allemande et, plus tard, le Digital Services Act de l'UE (DSA) - se concentrent sur les fournisseurs de grandes plateformes (principalement les réseaux sociaux et les moteurs de recherche) et formulent à leur égard des exigences concernant l'application des normes juridiques (déjà en vigueur). Outre les exigences de suppression des contenus illicites et les règles de transparence, les dispositions pertinentes de la DSA (et les normes qu'elle remplace dans la loi sur la protection des données en ligne) comprennent également une obligation pour les fournisseurs respectifs de désigner des personnes de contact et des procédures concrètes permettant aux personnes concernées d'agir contre un contenu supprimé (ou non supprimé) sur une plateforme. Ces dernières mesures peuvent être considérées comme une tentative de garantir les contenus de la liberté d'expression par la création de procédures.
80 En ce qui concerne l'expression d'opinions en période préélectorale, les dispositions françaises correspondantes obligent les opérateurs de plateformes en ligne à instaurer, dans les trois mois précédant les élections, la transparence quant aux auteurs des informations, aux flux financiers et à l'utilisation des données personnelles des utilisateurs dans le cadre de la formation de la volonté politique. En outre, il est prévu la possibilité d'intenter une action en justice contre les informations incomplètes, fausses ou trompeuses publiées sur ces plates-formes. Par ces dispositions, la France tente de protéger la communication sociale dans la préparation de décisions démocratiques concrètes - et donc des contenus particulièrement sensibles et se trouvant au cœur des préoccupations des droits fondamentaux de la communication - contre les influences manipulatrices.
81 Les accords informels entre l'UE (Commission) et les fournisseurs de grandes plateformes, qui existent déjà depuis 2016 (révisés en 2022) et 2018, se situent dans un domaine juridiquement diffus. Dans deux codes de conduite, les fournisseurs signataires s'engagent à lutter contre les discours haineux illégaux et les fausses informations. En raison de leur nature juridique peu claire, de leur application relativement large à des contenus vaguement définis, ainsi que des questions ouvertes concernant par exemple l'accessibilité des procédures de suppression, ces accords doivent être considérés comme problématiques du point de vue de la liberté d'expression.
82 La question de savoir dans quelle mesure il est nécessaire, pour protéger les structures des droits fondamentaux de la communication, d'établir un cadre juridique pour les grandes plateformes en ce qui concerne la suppression ou le blocage de contenus et de comptes pour des déclarations « légales » sur la base de leurs propres « règles internes » n'a pas encore été clarifiée sur le plan juridique. Dans la littérature, on part généralement du principe que de tels effacements ou blocages sont en principe autorisés sur la base de la liberté économique des exploitants, mais que ces derniers, en raison de leur position dominante sur le marché, doivent garantir des exigences en matière de procédures et un accès en principe égal et non discriminatoire. Aux États-Unis, plusieurs États ont récemment adopté des dispositions qui limitent fortement toute suppression, mais aussi tout tri ou marquage de contributions (légalement autorisées) par les exploitants de plateformes sur la base du contenu de l'expression. L'argument avancé est que la suppression (mais aussi le marquage comme « faux » ou le tri) de propos légitimes en raison de leur contenu est contraire à la liberté d'expression garantie par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. Alors que la loi texane correspondante a été jugée recevable par la Court of Appeals for the 5th Circuit en septembre 2022, la Court of Appeals for the 11th Circuit a encore considéré une disposition similaire de Floride comme anticonstitutionnelle en mai 2022. Dans ces circonstances, un arrêt de clarification de la Cour suprême américaine semble probable dans un avenir proche.
83 En été 2023, la Cour suprême des États-Unis n'a pas donné de réponse définitive aux questions relatives au tri algorithmique et à la recommandation de publications sur la base de l'historique des recherches et des consultations sur les plateformes de médias sociaux. Dans deux cas, les plaignants ont reproché à différentes plateformes de médias sociaux de proposer à leurs utilisateurs, via l'algorithme utilisé, des contenus basés sur des recherches passées, encourageant et soutenant ainsi le terrorisme. A cet égard, le tribunal a retenu dans Twitter, Inc. v. Taamneh que les actes de recommandation et de tri par les grandes plateformes ne présentaient pas la qualité et l'intensité de l'avantage exigées par la loi et que, par conséquent, la responsabilité des plateformes devait être exclue dans le cas présent. En l'absence de motifs substantiels, l'affaire Gonzalez a été renvoyée à l'instance inférieure avec l'ordre d'appliquer les considérations de Twitter, Inc. c. Taamneh au cas d'espèce. En conséquence, la question passionnante soulevée dans Gonzalez c. Google est restée ouverte, à savoir si les fournisseurs de plateformes doivent respecter certaines obligations dans la conception des flux et des recommandations algorithmiques et - en lien avec cela - si la création d'un flux constitue « seulement » une offre de contenus de tiers ou si elle est elle-même liée à un acte d'expression.
84 La question de savoir si - et si oui, comment - il faut traiter juridiquement, du point de vue du droit fondamental de la communication, le lien étroit entre le pouvoir économique des quelques grands exploitants de plateformes et leur pouvoir ou leur souveraineté, tout aussi important, sur les espaces de communication et donc sur les contenus de communication, n'est pas encore très claire. Il en va de même pour la question de l'opportunité ou de l'éventuelle nécessité d'une régulation étatique face au tri algorithmique des contenus de communication ou pour la question de savoir dans quelle mesure des obligations d'étiquetage ou des plafonds pour les contributions aux déclarations générées par des machines peuvent constituer des mesures judicieuses.
85 Dans le traitement de ces questions non résolues, il semble important de ne pas oublier l'objectif d'éventuels (futurs) modèles de régulation. Les approches correspondantes doivent assurer des processus et des structures de communication pertinents et garantir ainsi les fonctions individuelles et sociales de la liberté d'expression. Cet objectif de régulation permet de formuler des exigences sur la manière dont ces approches de régulation doivent être conçues ou ne pas être conçues.
86 Ainsi, il serait à mon avis inadmissible d'obliger les fournisseurs de plateformes à supprimer ou à modérer les « fausses informations ». Une telle obligation d'agir contre les « fausses » déclarations serait en contradiction avec l'une des idées centrales de la liberté d'expression, selon laquelle le moyen de lutter contre les déclarations fausses et nuisibles n'est pas l'interdiction, mais le contre-discours, et qu'en conséquence, une « police de la vérité » étatique est accueillie avec une grande méfiance. Pour ces raisons, une telle obligation d'identification peut se justifier dans des situations spécifiques - par exemple dans le contexte sensible des élections et des votations - mais elle ne saurait être considérée comme une obligation générale.
87 Pour des raisons similaires, l'obligation d'utiliser un nom clair pour les interactions sur les réseaux sociaux peut paraître judicieuse dans un premier temps en tant que mesure contre les déclarations incendiaires, diffamatoires ou « nuisibles » similaires (souvent anonymes). Une telle obligation contredirait toutefois (avant même d'aborder la problématique de la mise en œuvre et de l'application) l'idée selon laquelle la liberté d'expression protège justement aussi le droit de tenir des propos anonymes.
III. Liberté d'information (art. 16 al. 1 et 3 Cst.)
A. Liberté d'information active et passive
88 L'art. 16 al. 1 Cst. protège, outre la liberté d'opinion, la liberté d'information et garantit - concrétisé à l'al. 3 de la même disposition - à toute personne le droit de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser.
89 La liberté d'information ainsi formulée garantit d'une part la liberté passive d'information (également appelée liberté de réception) et protège ainsi le droit de l'individu à recevoir des informations sans intervention de l'État.
90 D'autre part, l'art. 16 al. 1 et 3 Cst. protège également la liberté d'information active et donc un droit d'accès aux informations étatiques. Toutefois, selon l'al. 3 de la disposition, cet aspect actif du droit fondamental est limité aux informations « provenant de sources généralement accessibles ». Le texte de la Constitution confirme ainsi l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la liberté d'information ne fonde pas une obligation de l'État « selon laquelle les autorités doivent informer sur leurs activités » et qu'un droit d'accès se limite donc aux « sources généralement accessibles ». La jurisprudence du Tribunal fédéral s'en tient encore aujourd'hui à ce principe.
91 Les sources considérées comme accessibles à tous découlent en premier lieu du droit ordinaire. Certains registres, les débats parlementaires (en principe) ou les audiences publiques des tribunaux sont considérés comme accessibles à tous, mais pas la procédure de co-rapport ou les délibérations des commissions parlementaires. La Constitution laisse ainsi (toujours) au législateur le soin de concrétiser cette partie de la liberté active d'information.
B. Principe de la transparence de l'administration
92 Dans les faits, la limitation aux sources accessibles à tous au niveau fédéral est fortement relativisée depuis 2006 par la loi fédérale sur la transparence (LTrans) : Avec l'entrée en vigueur de cette loi en 2006, on est passé au niveau de la loi fédérale du principe du secret à celui de la transparence de l'administration. Ainsi, la LTrans garantit aujourd'hui à toute personne, à l'art. 6 al. 1 LTrans, le droit de consulter des documents officiels et d'obtenir des autorités des renseignements sur le contenu des documents officiels. Ce droit d'accès ne dépend pas de l'existence d'intérêts concrets à la consultation, mais est garanti « sans condition ». Si ce droit n'est pas absolu et peut être limité au cas par cas en raison d'intérêts privés ou publics contraires au maintien du secret, la LTrans consacre le principe selon lequel les informations de toutes les autorités entrant dans le champ d'application de la loi sont en principe accessibles au public.
93 Alors qu'en vertu de l'art. 17, al. 1, LTrans, l'accès aux documents officiels était jusqu'ici « en règle générale soumis à la perception d'un émolument “, la disposition révisée prévoit depuis novembre 2023 que ”dans les procédures d'accès aux documents officiels [...] aucun émolument n'est perçu ». Ce changement du principe de l'obligation de payer des émoluments au principe de la gratuité doit être salué.
94 Au niveau cantonal également, on a assisté ces dernières années à une évolution constante vers la consécration d'un principe de transparence de l'administration. Ainsi, une grande majorité des cantons garantit aujourd'hui le principe de transparence et donc un droit d'accès aux informations officielles de l'administration sans condition préalable dans la constitution cantonale ou ancre un tel droit au niveau de la loi.
95 Une évolution vers le principe de la publicité des informations officielles en tant que composante de la liberté d'information peut également être constatée dans le droit international public: Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît dans une jurisprudence récente un droit fondamental à l'accès aux informations officielles en tant que contenu partiel de l'art. 10 CEDH. Pour qu'il y ait un droit d'accès aux informations officielles, il faut, selon la Cour européenne des droits de l'homme, que l'accès à l'information soit une condition nécessaire à l'exercice de la liberté d'opinion ou de la liberté de la presse. Il faut donc partir du principe qu'il existe un droit d'accès lorsque l'information demandée sert un intérêt public ou concerne un thème d'intérêt social, que le requérant exerce une fonction de contrôle social et que l'information recherchée existe déjà en tant que telle et est facilement disponible.
C. Développement de la liberté d'information active ?
96 Au vu des développements des dernières années et décennies décrits aux N. 92 à 95, on peut se demander si une limitation de la liberté active d'information à l'accès aux « sources généralement accessibles » est encore défendable aujourd'hui. Un développement de la liberté d'information découlant de l'art. 16 al. 1 et 3 Cst. s'impose plutôt. Les développements les plus récents suggèrent une compréhension de la liberté d'information selon laquelle le texte de l'art. 16 al. 3 Cst. n'exprime qu'un aspect de la liberté d'information, mais que ce droit devrait aujourd'hui - déduit de l'art. 16 al. 1 Cst. - être compris de manière plus large, dans le sens d'un droit fondamental à l'accès aux informations officielles, indépendamment du fait que celles-ci soient considérées comme généralement accessibles ou non. Concrètement, cela aurait pour conséquence que le droit d'accès aux informations officielles, protégé par les droits fondamentaux, s'étendrait en principe à toutes les informations officielles et ne serait plus limité aux seules informations considérées comme accessibles au public par le législateur - cela vaudrait en particulier pour les cantons qui ne partent actuellement pas encore du principe de transparence. En outre, les restrictions du droit d'accès au niveau de la loi ou dans des cas concrets devraient être justifiées par un intérêt prépondérant et être proportionnées. L'avenir montrera si et dans quel cadre le Tribunal fédéral procédera à un développement correspondant de la liberté d'information ou du droit légal découlant de la loi sur la transparence ou des dispositions cantonales pertinentes au cours des prochaines années.
A propos de l'auteur
Raphaela Cueni, LL.M., est professeure assistante de droit administratif à l'Université de Saint-Gall. Depuis plusieurs années, elle effectue des recherches, entre autres, sur des questions juridiques dans le domaine des droits fondamentaux de la communication. Contact : raphaela.cueni@unisg.ch.
Lectures complémentaires recommandées
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