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Commentaire
Art. 74 EIMP
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I. Genèse de la norme

1L’art. 74 EIMP, dont la note marginale se référait initialement à la « remise d’objets » à l’étranger, est entré en vigueur avec la loi sur l’entraide judiciaire, le 31 décembre 1982.

2L’adoption de cette norme constituait alors une évolution sensible du droit suisse, puisque contrairement à l’extradition pour laquelle une loi existait depuis la fin du 19ème siècle, il n’existait alors en Suisse aucune norme de droit interne prévoyant la remise à un Etat étranger d’objets saisis en Suisse en dehors d’une procédure d’extradition

. Avant l’adoption de l’EIMP, une telle remise était réservée aux Etats avec lesquels la Suisse était liée par un accord international prévoyant la remise probatoire. Le contenu de ces accords était souvent succinct sur les conditions entourant la remise. La Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, entrée en vigueur en Suisse le 20 mars 1967, a constitué une première étape permettant de codifier, dans une certaine mesure, les règles consacrées par les usages internationaux dans ce domaine
.

3Initialement, l’art. 74 EIMP s’appliquait à la remise à l’Etat étranger de tout « objet », présentant « un intérêt pour la décision à prendre dans une cause pénale ». Cette norme visait aussi expressément, à son alinéa 2, la restitution aux « ayant-droit » d’« autres » objets ou valeur. Bien que le texte légal ne fût pas clair sur ce point, le Tribunal fédéral retenait que cette norme permettait non seulement la remise de moyens de preuve (remise probatoire) mais, dans certaines circonstances, également la remise du produit de l’infraction à l’Etat étranger en vue de sa confiscation ou restitution (remise confiscatoire)

.

4La teneur de l’art. 74 EIMP a été modifiée dans le cadre de la réforme de l’EIMP du 4 octobre 1996, entrée en vigueur le 1er février 1997.

5Dans le contexte de cette révision, remise probatoire et remise confiscatoire ont été clairement distinguées par le législateur. L’objet de l’actuel art. 74 EIMP a ainsi été restreint à la seule remise de « moyens de preuve » et son contenu précisé. En parallèle, le contenu de l’art. 34 aEIMP, relatif à la remise d’objets ou de valeurs dans le cadre d’une extradition, a été transféré à l’art. 59 EIMP après un certain nombre de modifications. Enfin, un nouvel article 74a EIMP, destiné à régir spécifiquement la remise confiscatoire, a été adopté.

II. Contenu : généralités

6L’art. 74 EIMP régit désormais uniquement la question de la remise de moyens de preuve saisis en Suisse à l’Etat étranger, et se lit en parallèle :

  • à l’art. 59 EIMP, traitant spécifiquement de la remise d’objets ou valeurs trouvés en possession de la personne à extrader (qu’il s’agisse de moyens de preuve ou du produit de l’infraction),

  • à l’article 74a EIMP, consacré à la remise d’objets ou valeurs en vue de leur confiscation ou de leur restitution.

  • à l’art. 90 EIMP, qui prévoit la remise des « pièces à conviction » en même temps que le dossier de la procédure pénale, en cas de délégation à l’étranger de la poursuite pénale.

En l’état, la saisie, respectivement la remise, de valeurs à titre de créance compensatrice n’est, elle, possible qu’aux conditions restrictives des art. 94 et ss EIMP (exequatur d’une décision définitive et exécutoire d’un Etat étranger)

.

7La remise probatoire est par ailleurs prévue dans plusieurs instruments internationaux, tels que par exemple l’article 6 CEEJ (RS 0.351.12), l’art. 35 TEJUS (RS 0.351.933.6), l’art. 10 TEJArgentine (RS 0.351.915.4) ou encore l’art. 9 al. 1 TEJMexique (RS 0.351.956.3). La portée de ces dispositions, réservées par l’art. 1 al. 1 EIMP, ne va pas toutefois pas au-delà de celle de l’art. 74 EIMP

.

8La notion de « moyens de preuve » visée à l’art. 74 EIMP reste large. Selon le texte même de la loi, il peut s’agit de tout objet, soit notamment de tout document ou valeur « saisis à titre probatoire ». Il peut s’agir de papiers-valeurs, de documents bancaires, d’objets d’art etc. Il peut s’agir aussi de supports contenant des enregistrements audios, vidéos ou des données informatiques. En fonction de leur nature et de leur contenu, la remise d’objets à l’étranger est donc susceptible de constituer non seulement une atteinte au droit de propriété (à tout le moins sous la forme temporaire d’une atteinte à la possession), mais aussi une atteinte à la vie privée ou au secret d’affaire (remise de données informatiques, d’enregistrements audio et vidéos ou de documents relevant du domaine secret)

. L’art. 74 EIMP vise également tout dossier ou décision d’une administration ou juridiction suisse. Est toutefois exclue la remise des décisions judiciaires rendues dans la procédure d’entraide elle-même, ainsi que les écritures et pièces produites par les parties dans ce contexte
.

9Les objets, valeurs ou documents à remettre doivent être en lien de causalité avec les faits poursuivis dans la procédure pénale en cours dans l’Etat requérant

. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n'y a toutefois pas lieu de poser des exigences strictes quant au caractère approprié de l’objet en question en tant que moyen de preuve, l'appréciation finale incombant au juge du fond étranger
. Les exigences en matière de remise probatoire sont notamment moins sévères qu’en cas de remise d’objets ou de valeurs en vue de confiscation ou de restitution au sens de l’art. 74a EIMP
. Il suffit donc que prima facie l’objet en question apparaisse propre à servir de pièce à conviction
. Une quelconque connexion entre les faits poursuivis à l’étranger et l’objet en question suffit
.

10Le principe de la proportionnalité, découlant des art. 5 al. 2 Cst et 63 al. 1 EIMP, s’applique néanmoins

. En fonction des besoins de la procédure pénale étrangère, une simple copie des documents ou supports saisis peut être remise à l’Etat requérant
. La remise est inutile, si le fait à prouver est notoire ou déjà étayé par des preuves suffisantes
. L’autorité d’exécution limite toutefois son examen à l'"utilité potentielle" des pièces remises
. Selon la jurisprudence, l’Etat requis ne doit ainsi pas substituer sa propre appréciation à celle du magistrat étranger, puisqu’il ne dispose généralement pas des éléments qui lui permettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves en question
.

11Préalablement à la remise, une décision de saisie doit intervenir – voire de saisie provisionnelle urgente au sens de l’art. 18 EIMP - permettant la mainmise des objets considérés utiles à la manifestation de la vérité. En matière d’entraide, une demande de remise comporte implicitement la requête de leur saisie préalable. En revanche, l’inverse n’est pas vrai : la requête de saisie n’équivaut pas à une demande de remise et le cas échéant une nouvelle demande d’entraide est nécessaire lorsque la première ne visait que l’exécution de mesures conservatoires

. Les principes applicables à la perquisition et à l’éventuelle mise sous scellés de documents ou d’objets dont le contenu est couvert par le domaine secret sont ceux du CPP
.

12En pratique, l’Office fédéral de la Justice retient que la remise à titre probatoire ne pose que peu de problèmes tant que les biens transférés demeurent peu importants en quantité ou en valeur

. L’art. 33 OEIMP prévoit des modalités particulières pour les objets de grande valeur, soit en particulier l’adoption de mesures de protection spécifiques et l’obligation de les assurer contre tout dommage ou contre toute perte pendant leur transport.

III. Examen alinéa par alinéa

A. Alinéa 1 – Rétention des moyens de preuve jusqu’à l’issue de la procédure

13Le texte de l’art. 74 al. 1 EIMP prévoit une remise « sur demande de l’autorité étrangère compétente » n’intervenant qu’«au terme de la procédure d’entraide ». La remise de moyens de preuve prend la forme d’une décision de clôture au sens de l’art. 80d EIMP, auquel l’art. 74 al. 1 EIMP renvoie expressément. Tant que la décision de clôture n’est pas définitive et exécutoire

, les documents relevant du domaine secret ainsi que les objets ou valeurs sont retenus en Suisse
. Contrairement à ce qui est possible en matière d’entraide internationale en matière administrative
, cette disposition consacre ainsi le principe de la « rétention » en Suisse des moyens de preuve
jusqu’à l’entrée en force de la décision de clôture. Ce mode de faire permet de s’assurer que les ayants-droits ont été préalablement informés de la saisie et de la remise envisagée et le cas échéant ont pu faire valoir leur droit d’être entendu préalablement à son exécution devant les juridictions compétentes. Ce principe est considéré comme fondamental en entraide internationale en matière pénale
.

14Le principe de la rétention des moyens de preuve n’est pour autant pas intangible dans l’EIMP. Ces dernières années, le législateur a d’ores et déjà créé deux exceptions à ce principe, aux articles 18b

et 80dbis
EIMP
. Ces dispositions permettent ainsi, dans certaines conditions restrictives, une transmission « anticipée » et parfois même « spontanée » de certains moyens de preuve à l’étranger, avant que la personne concernée ait été en mesure de faire valoir son droit d’être entendu. La loi assortit ces exceptions de garde-fous et notamment d’une interdiction temporaire (jusqu’à droit jugé sur la décision de clôture) pour l’Etat requérant d’utiliser les éléments ainsi obtenus au titre de « moyens de preuve ». Seule une utilisation à des « fins d’investigation » est donc possible dans l’intervalle, jusqu’à droit jugé en Suisse à l’issue de la décision de clôture.

15 De son côté, l’art. 67a al. 5 EIMP permet la transmission spontanée à l’Etat étranger, non pas de moyens de preuve stricto sensu, mais « d’informations » relevant du domaine secret, dans le but de permettre l’envoi d’une demande d’entraide à la Suisse par un Etat étranger. Selon la jurisprudence, la distinction entre « informations » et « moyens de preuve » s’apprécie au cas par cas ; l’autorité suisse souhaitant communiquer une « simple information » doit notamment s'efforcer de ne pas transmettre «de données, ni de documents officiels qui, par leur nature, un contenu informatif très détaillé ou leur caractère officiel, pourraient directement servir à des fins de preuve dans le cadre de la procédure étrangère»

.

16 D’autres actes de procédure peuvent également entrainer une transmission prématurée d'informations à l'Etat requérant, tels que par exemple l'autorisation donnée aux enquêteurs étrangers d'assister à l'exécution de la demande (art. 65a EIMP), l'audition par vidéoconférence ou par conférence téléphonique, les moyens d'investigation impliquant la participation en Suisse d'enquêteurs étrangers (observation transfrontalière, livraison surveillée, enquête discrète et équipes communes d'enquête) ou encore l’accès au dossier accordé à une partie. Ces divers actes sont admis en droit suisse moyennant des précautions particulières développées par la jurisprudence

.

17Enfin, la jurisprudence ne sanctionne pas de manière absolue le non-respect du principe de rétention, retenant notamment qu’une transmission prohibée d’informations ou de moyens de preuve avant l’entrée en force de la décision de clôture peut être « réparée » s’il apparait, après que les parties intéressées ont pu faire valoir leurs objections, que les conditions de l’entraide étaient réunies et que les documents litigieux devaient de toute manière aboutir en mains de l’autorité étrangère

. En revanche, si les juridictions compétentes refusent finalement l'entraide, l’autorité étrangère doit être invitée par les autorités suisses à retirer immédiatement de son dossier et détruire la documentation objet de la transmission suisse.

B. Alinéa 2 – Droits des tiers

18L’alinéa 2 de l’art. 74 EIMP traite des droits de tiers sur les objets, soit de l’acquéreur de bonne foi

, d’une autorité ou du lésé qui a sa résidence habituelle en Suisse, en codifiant la jurisprudence développée sous l’empire de l’ancienne version de l’art. 74 EIMP
. Ni la personne contre laquelle la procédure étrangère est dirigée, ni les personnes ayant acquis des droits sur les objets en ayant connaissance des faits sous enquête à l’étranger ne sont donc protégées par cette norme, faute de remplir l’exigence de la bonne foi. En ce qui concerne l’acquéreur de bonne foi, l’art. 74 al. 2 EIMP n’exige pas, contrairement à l’art. 74a al. 4 let. c EIMP, que ses droits aient été acquis en Suisse ou qu’il réside en Suisse. Selon certains auteurs, il s’agirait là d’une lacune involontaire qu’il y aurait lieu de combler, en exigeant une relation du tiers avec la Suisse similaire à celle prévue à l’art. 74a al. 4 let. c EIMP
. Cette question n’a pas été tranchée par la jurisprudence.

19Le droit de l’État requérant à la remise probatoire prime en principe les droits des tiers sur les objets. En effet, le législateur a considéré que leur droit de propriété n’est en principe pas véritablement menacé puisque les moyens de preuve sont simplement mis à la disposition d'une procédure étrangère et doivent être ensuite restitués, à l’issue de la procédure étrangère

. Il s’agit donc uniquement d’une perte temporaire de la possession. Est réservée la question d’une remise confiscatoire, à l’issue de la procédure, si l’Etat requérant adresse une requête en ce sens. Dans cette hypothèse, ce sont les conditions de l’art. 74a EIMP qui devront alors être examinées par l’autorité d’exécution suisse, celles-ci prévoyant d’autres garde-fous pour garantir les droits des tiers
. Est également réservée l’hypothèse où les moyens de preuve constituent des objets mettant en danger la sécurité, la moralité ou l’ordre public au sens de l’art. 69 al. 1 in fine CP, auquel cas il devrait pouvoir être renoncé à la restitution des objets remis à titre probatoire, nonobstant les prétentions de tiers
, puisque de tels objets seraient, en tout état, susceptibles d’être confisqués.

20 Pour l’Etat requérant, l’obligation de restitution précitée découle soit d’un accord général le liant à l’Etat requis

(obligation à laquelle l’Etat requis peut renoncer dans un cas précis), soit d’une réserve spécifique donnée dans le cadre de la remise de l’objet litigieux. Faute de base légale prévoyant la restitution dans le cadre d’un accord international entre les Etats requis et requérant et en l’absence de réserve en ce sens formulée au moment de la remise, l’Etat requérant reste libre de disposer des objets selon sa propre législation
.

21 Pour garantir la restitution des objets par l’Etat requérant et partant le respect des droits des tiers, l’art. 74 al. 2 EIMP prévoit la possibilité de requérir de l’Etat requérant qu’il donne la garantie qu’il restituera gratuitement les objets remis au terme de sa procédure. Il s’agit d’une condition soumise à acceptation au sens de l’art. 80p EIMP

. Pour remplir son but, l’obtention de la garantie requise doit précéder la remise probatoire
. Selon la jurisprudence, ces principes s'appliquent, par analogie, également dans le cadre de la délégation de la poursuite pénale
. En cas de non-respect de la garantie prise par l’Etat requérant, celui-ci engage sa responsabilité internationale
. Il n'en reste pas moins que l’engagement de l’Etat de retourner les biens au terme de sa procédure ne constitue pas toujours une protection suffisante des droits des tiers, en particulier s’agissant de biens culturels pour lesquels l’Etat requérant est susceptible de bénéficier d’immunités
. L’Etat requis doit en principe présumer que l’Etat requérant agira conformément à ses engagements et conformément au principe de la bonne foi
avec certaines limites. Dans un cas concernant la remise probatoire de trois objets archéologiques à la Lybie, le TPF a considéré, au vu de la dégradation importante de la situation politique dans cet Etat, qu’il n’était pas possible d’obtenir des garanties suffisantes quant à la restitution des objets
. Le TPF a néanmoins autorisé la remise de la documentation relative aux pièces litigieuses, tout en proposant qu’une expertise des objets aient lieu par les experts libyens sur sol suisse et en réservant une éventuelle remise confiscatoire, au sens de l’art. 74a EIMP, à un stade ultérieur de la procédure
.

22A noter que les éventuelles atteintes à d’autres intérêts de tiers (tels que la sphère privée ou le secret des affaires par exemple) découlant de la prise de connaissance de la teneur de documents ou de supports de contenus ne sont, eux, pas protégés par l’EIMP

, en particulier depuis la suppression de l’art. 10 aEIMP au moment de la révision de l’EIMP entrée en force le 1er janvier 1997. La portée pratique de cette norme avant sa suppression était au demeurant très limitée
.

C. Alinéa 3 – Besoins d’une procédure pénale pendante en Suisse

23Selon l’al. 3 de l’art 74 EIMP, la remise probatoire à l’étranger d’objets saisis en Suisse peut être reportée si les objets, documents ou valeurs sont nécessaires à une procédure pénale pendante en Suisse. Cela peut notamment entrer en ligne de compte lorsque la procédure pénale suisse est déjà bien avancée ou que l'essentiel de l'infraction s’est déroulé en Suisse

. Dans ce contexte, le juge doit tenir compte des nécessités respectives de son enquête et de celle menée à l’étranger ainsi que de la nature des objets litigieux, en se livrant à une pesée des intérêts en présence. Le Tribunal fédéral a par exemple relevé, dans un cas impliquant des objets archéologiques d’importance sur les plans quantitatif et culturel, au vu des risques liés au transport des pièces, qu’il pouvait se justifier de renoncer à la remise et d'autoriser bien plutôt les enquêteurs étrangers à se rendre à Genève pour y procéder à leur examen
. Un tel mode de faire n’est toutefois pas toujours possible, en particulier en présence d’un grand nombre d’objets à expertiser, car trop coûteux pour l’Etat étranger
.

24 Lorsque les liens entre les faits litigieux et la Suisse sont ténus, que les auteurs présumés des infractions ne résident pas en Suisse et ne sont pas susceptibles d’y être extradés et que la Suisse se trouve impliquée uniquement en raison de la localisation des objets litigieux sur son territoire, il peut être opportun que l'autorité suisse favorise l’avancement de l’enquête étrangère en octroyant la remise des objets saisis, voire même délègue la poursuite pénale à l’étranger au sens des art. 88 et ss EIMP

. En cas de délégation de la procédure à l’étranger, l’art. 90 EIMP prévoit la remise des pièces à conviction avec le dossier de la procédure pénale. Cette remise est la conséquence logique du dessaisissement consécutif à la délégation: L'Etat requérant doit remettre à l'Etat requis tout ce qui peut être utile à la poursuite des infractions déléguées, afin de lui permettre de mener à bien sa mission
.. La notion de « pièces à conviction » au sens de l'art. 90 EIMP correspond à celle de moyens de preuve au sens des art. 74 et 59 EIMP
.. L'autorité suisse ne peut pas procéder à la délégation de la poursuite dans le but de permettre une transmission d’objets que les conditions des art. 74 et 74a EIMP ne permettraient pas
. Enfin, les règles nécessaires à la protection des droits des tiers (cf. supra al. 2) sont applicables par analogie en cas de remise d’objets au sens de l’art. 90 EIMP
.

D. Alinéa 4 – Droits de gage au profit du fisc

25Le 4ème alinéa de l’art. 74 EIMP renvoie à l'article 60 EIMP, qui réglemente les droits de gage au profit du fisc en matière d'extradition. Selon cette dernière disposition, si les objets ou valeurs sont remis sans réserve de restitution, le droit de gage douanier ou toute autre garantie réelle instituée par le droit suisse douanier ou fiscal n’est pas opposable, à moins que le propriétaire lésé par l’infraction n’en soit lui-même redevable. La renonciation à ce droit de gage peut être subordonnée à réciprocité. Dans ce contexte, il y a également lieu de tenir compte de l’art. 23 OEIMP

, lequel précise dans quelles circonstances les droits de gage au profit du fisc peuvent être invoqués, tout en désignant (al. 2) la direction générale des douanes en tant qu’autorité compétente pour renoncer aux droits de gage au sens de l’art. 60 EIMP.

26L’OFJ relève que cette problématique n’a que peu d’importance en pratique

.

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Zimmermann Robert, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 5. Aufl., Bern 2019.

Notes de bas de page

  • De longue date, les traités et normes réglementant l’extradition prévoient que les objets ou valeurs trouvés en possession de la personne à extrader sont également remis à l’Etat étranger en parallèle à l’extradition. Ce principe est notamment consacré à l’art. 59 EIMP (remise extraditionnelle d’objets).
  • Message du Conseil fédéral relatif à l’approbation de six conventions du Conseil de l’Europe du 1er mars 1966, FF 1966 465 et ss, p. 481. Cf. en particulier les art. 3 al. 1 et 6 CEEJ.
  • ATF 115 Ib 517 c. 7.
  • ATF 133 IV 215 ; TF 1C_624/2022 du 21 avril 2023 c. 6.
  • Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 8.
  • Stelzer-Wieckowska, ZStStr 2022, p 180.
  • ATF 115 Ib 193 c. 6 ; TF, 1A.86/2006 du 4 juillet 2006, c. 3 ; TPF RR.2021.35, du 2 novembre 2022, c. 4 ; TPF 2013.96 du 6 septembre 2013.
  • Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 16
  • ATF 115 Ib 517 c. 7.
  • Idem.
  • Moreillon, ad art. 74 EIMP, N°7; Harari, pp. 182 et 183.
  • Boillat, N° 666 et références citées.
  • Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 7 et N° 24 et ss ; Ludwiczak Glassey, p. 122, N°558.
  • Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 13 et 14.
  • Zimmermann, p. 351, N° 334 et Harari, p. 174, lesquels citent tous deux l’ATF 1A.152/1994 du 30 janvier 1996.
  • ATF 122 II 367, c. 2c ; Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 26.
  • ATF 120 Ib 251 c. 5c et références citées. Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 24 et ss.
  • Harari, p. 171; Ludwiczak Glassey, p. 122, N° 553; Lugentz, Rayroud et Turk, p. 659.
  • Cf. l’art. 9 EIMP renvoyant aux art. 246 à 248 CPP ; cf. également l’art. 12 al. 1 EIMP.
  • Office fédéral de la Justice, p. 60.
  • L’art. 80l al. 1 EIMP prévoit en effet que le recours contre la décision de clôture a effet suspensif.
  • Lugentz, Rayroud et Turk, p. 657.
  • Cf. par exemple l’art. 21a LAAF ou l’art. 42a al. 4 LFINMA.
  • Lugentz, Rayroud et Turk, p. 657.
  • ATF 143 IV 186, c. 2.1 ; cf. également Harari, Corminboeuf Harari p. 78.
  • Norme entrée en force le 1er janvier 2012, dans le cadre de l’entrée en vigueur de la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité.
  • Norme entrée en force le 1er juillet 2021, dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme et de son Protocole additionnel ; cf. notamment Lubishtani, Monod, Gauderon, p. 27 et ss.
  • A noter aussi l’art. 67a EIMP qui permet la transmission spontanée à l’Etat étranger « d’informations » relevant du domaine secret (mais non de « moyens de preuve » stricto sensu) pour permettre l’envoi d’une demande d’entraide à la Suisse. Sur la distinction entre « informations » et « moyens de preuve », cf. notamment l’ATF 139 IV 137.
  • ATF 139 IV 137, c. 4.6.2.
  • Pour un tout d’horizon, cf. notamment Harari, Corminboeuf Harari, p. 77 et ss.
  • Dans ce sens notamment l’ATF 129 II 544 c. 3.6 cité par Lugentz, Rayroud et Turk, p. 657.
  • Sur la notion de bonne foi, cf. notamment ATF 123 II 595, c. 6.
  • ATF 112 Ib 610 c. 9b ; ATF 115 Ib 517 c. 7g bb.
  • Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 35.
  • Message du Conseil fédéral, FF 1995 III 1 et ss, p. 25.
  • En matière de biens culturels, il est fréquent que l’entraide soit accordée en deux étapes, soit dans un premier temps une remise probatoire afin de s’assurer de leur origine, puis dans un second temps une remise confiscatoire ou à titre de restitution à la suite d’une requête d’entraide complémentaire en ce sens. Cf. notamment, Boillat, n° 643 et 664 et ss ; arrêt du TF du 12 novembre 2007, 1A_47/2007 ; arrêt du TPF du 12 novembre 2019, RR.2018.241.
  • Cf. Harari, p. 175 et références citées.
  • Cf. pour exemple l’art. 6 al. 2 CEEJ.
  • Cf. Harari, p. 175 et références citées.
  • Harari, p. 174.
  • Arrêts du TPF des 18 janvier 2018, RR.2017.167 c.5.3 et 12 novembre 2019, RR.2018.241, c. 4.3.
  • Arrêt du TF du 26 avril 2000, 1A.117/2000.
  • Harari, p. 174 ; Boillat, N° 670.
  • Boillat, N° 672 et ss, qui cite à titre d’exemple le cas traité à l’ATF 111 Ia 52 et qui plaide pour une politique restrictive de remise probatoire en matière de biens culturels.
  • Boillat, N° 679 et références citées.
  • Arrêt du TPF du 12 novembre 2019, RR.2018.241, c. 4.3.
  • Arrêt du TPF du 12 novembre 2019, RR.2018.241, c. 4.4.
  • Stelzer-Wieckowska, ZStStr 2022, p 180 ; Aepli, ad art. 74 EIMP, N° 7.
  • ATF 122 II 367 c. 1, ATF 122 II 130, c. 2d.
  • ATF 123 II 268 c. 5.
  • ATF 123 II 268 c. 5.
  • Cf. en ce sens l’arrêt du TF du 12 novembre 2007, 1A_47/2007 c. 5.2.
  • Bomio, p. 34.
  • Arrêt du TF du 26 avril 2000, 1A.117/2000 c. 2, publié dans SJ 2000 I p. 501 ss.
  • Idem.
  • Idem.
  • Idem.
  • Moreillon, ad art. 74 EIMP, N°3.
  • Office fédéral de la Justice, p. 60, note n° 505.

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