Un commentaire de Lukas Brugger / Claude Humbel
Edité par Nils Güggi / Lukas von Orelli
D. Modification
I. De l’organisation sur proposition de l’autorité de surveillance
Art. 85
L’autorité fédérale ou cantonale compétente peut, sur la proposition de l’autorité de surveillance et après avoir entendu l’organe suprême de la fondation, modifier l’organisation de celle-ci, lorsque cette mesure est absolument nécessaire pour conserver les biens ou pour maintenir le but de la fondation.
II. Du but sur requête de l’autorité de surveillance ou de l’organe suprême de la fondation
Art. 86
1 L’autorité fédérale ou cantonale compétente peut, sur requête de l’autorité de surveillance ou de l’organe suprême de la fondation, modifier le but de celle-ci, lorsque le caractère ou la portée du but primitif a varié au point que la fondation ne répond manifestement plus aux intentions du fondateur.
2 Peuvent être supprimées ou modifiées de la même manière et dans les mêmes circonstances les charges et conditions qui compromettent le but du fondateur.
I. Objet de la réglementation
A. Point de départ : les changements organisationnels et de but comme options d'action pour faire face à la « rigidité » de la fondation
1 Il découle de la nature institutionnelle de la fondation et du principe de séparation et de rigidité (cf. OK-Brugger, art. 80 CC N. 4 ss) que la volonté du fondateur, figée au moment de la création de la fondation, est en principe immuable et doit être poursuivie comme telle par les organes de la fondation. Il appartient donc en principe au fondateur de donner à la fondation une forme aussi durable que possible, qui lui permette de poursuivre la volonté du fondateur à long terme et, le cas échéant, longtemps après le décès de la personne qui l'a créée. D'une part, il est évident que les structures ainsi créées sont relativement rigides (et doivent l'être afin de protéger la fondation et la volonté du fondateur contre toute influence extérieure) et que les organes de la fondation ont principalement une fonction administrative et d'exécution, mais pas de fonction décisionnelle proprement dite. Cela implique toutefois également des risques, car une rigidité (volontaire) peut aussi être préjudiciable si l'environnement juridique ou factuel d'une fondation évolue d'une manière que le fondateur n'avait pas prévue. Les personnes qui créent une fondation ne peuvent pas anticiper tous les changements sociaux, économiques ou autres, ni prévoir des bouleversements radicaux tels que des événements guerriers, des pandémies ou des crises économiques. Si la fondation a été dotée d'un cadre statutaire qui ne lui permet pas de réagir de manière adéquate à de tels changements, qu'ils soient progressifs ou immédiats, son existence est potentiellement menacée.
2 Le droit suisse des fondations met en principe à la disposition de la fondation différents instruments pour désamorcer ce problème de manière proactive ou y remédier a posteriori. Bien qu'il n'existe en Suisse aucun droit légal et donc automatique de modifier les statuts par le fondateur, les organes de la fondation ou des tiers (car cela serait contraire à la nature même de la fondation et au principe de séparation et de rigidité), les options suivantes sont disponibles :
Premièrement, le fondateur a la possibilité de régler les dispositions organisationnelles qui vont au-delà du contenu obligatoire des statuts dans des règlements d'organisation ou de fondation facilement (ou plus facilement) modifiables, au lieu de les inscrire dans les statuts (cf. n° 12 ci-dessous). En outre, la personne qui crée la fondation est libre de ne pas la concevoir « pour l'éternité » par une disposition statutaire et/ou une dotation correspondante. La liberté du fondateur lui permet ainsi de prévoir que la fondation n'existe et n'agit que pour une durée limitée (fondation à durée déterminée) ou que son patrimoine doit être épuisé et consommé de manière continue (fondation consommable). D'un point de vue pratique, on peut également envisager des fondations dites « dépendantes », qui n'acquièrent pas de personnalité juridique propre et dont le patrimoine est placé sous le toit d'une fondation faîtière, ce qui peut toutefois être soumis à certaines conditions.
Deuxièmement, le droit suisse des fondations permet au fondateur de se réserver dans l'acte de fondation le droit de modifier l'organisation ou le but de la fondation, mais l'exercice de ce droit n'est pas libre, il est soumis à certaines conditions (art. 86a CC, voir OK-Brugger/Humbel, art. 86a CC N. 10 ss).
Troisièmement, et surtout, les dispositions relatives au but et à l'organisation figées dans les statuts ne sont pas absolues, même en Suisse. Le législateur a reconnu la nécessité d'une adaptabilité des fondations et a donc introduit, à l'art. 85 ss CC, des dispositions de droit positif dont l'application est toutefois soumise à des conditions objectives afin d'éviter des abus de la forme de la fondation. Des modifications ultérieures de l'organisation sont exceptionnellement admissibles en vertu de l'art. 85 CC si elles sont absolument nécessaires pour préserver le patrimoine de la fondation ou pour garantir la réalisation de son but (voir ci-après n. 15 ss) ; Conformément à l'art. 86 CC, les modifications du but de la fondation supposent que le but initial ait acquis une signification ou un effet totalement différent, de sorte que la fondation s'est manifestement éloignée de la volonté initiale du fondateur. Il s'agit pour ainsi dire d'un cas d'application légale de la clause rebus sic stantibus, raison pour laquelle son application est soumise à des exigences strictes.
B. Libéralisation par le législateur
3 On constate à cet égard une évolution constante d'un droit des fondations initialement peu enclin aux changements vers une conception plus moderne et plus dynamique des fondations. Cette conception nous semble judicieuse, notamment d'un point de vue pragmatique, car les fondations sont de plus en plus exposées à un environnement normatif et fiscal en mutation rapide. Celui-ci n'est pas seulement caractérisé par la lenteur des rouages de l'administration fédérale, mais aussi par la rapidité avec laquelle les organisations inter et supranationales adoptent de nouvelles réglementations. Dans ce contexte, il est logique que le législateur adapte les structures existantes des fondations à cette évolution et la sous-tende également sur le plan dogmatique. Cela a été fait, d'une part, en codifiant la distinction existante praeter legem entre modifications essentielles et modifications non essentielles (art. 86b CC, voir OK-Brugger/Humbel, art. 86b CC N. 3) et par l'introduction de la possibilité d'une réserve de modification du but (art. 86a CC, cf. OK-Brugger/Humbel, art. 86a CC N. 4 s.) au 1er janvier 2006. D'autre part, le seuil des modifications d'importance mineure au sens de l'art. 86b CC a récemment été abaissé, dans la mesure où elles ne doivent plus être fondées sur des raisons objectives « valables » et ne doivent plus être « nécessaires », mais seulement « justifiées » ou « apparaître justifiées ».
C. Délimitations
4 Les modifications de but et d'organisation doivent être distinguées des mesures prises par l'autorité de surveillance en vertu de l'art. 83d al. 1 CC en cas de lacunes organisationnelles et de dispositions organisationnelles initialement insuffisantes, ainsi que des mesures ordonnées par les autorités de surveillance en vertu de l'art. 84 al. 2 CC. La suppression d'un organe de révision prévu dans les statuts présuppose que les conditions de l'art. 85 CC et de l'art. 83b al. 2 CC sont remplies. Selon la pratique des autorités de surveillance, les modifications des statuts relatives à l'obligation de révision sont approuvées lorsque les conditions de l'ordonnance sur la révision des fondations sont remplies, c'est-à-dire lorsque le total du bilan de la fondation est inférieur à 200 000 CHF pendant deux années consécutives, que la fondation ne sollicite pas publiquement des dons ou d'autres contributions et que la révision n'est pas nécessaire pour évaluer de manière fiable la situation patrimoniale et les résultats de la fondation.
5 Il convient également de distinguer les modifications de l'art. 86 CC de la réalisation de l'objet successif dans les fondations successives (ou, de manière moins précise, car deux objets ne coexistent jamais simultanément, les fondations mixtes successives). Dans le cas de telles fondations, un seul but est poursuivi à la fois ; le fondateur peut toutefois prescrire un événement déterminé ou objectivement déterminable comme motif de transition d'un but à l'autre. Au moment du transfert, il y a modification du but sans transformation au sens de l'art. 86 CC ; la modification intervient donc en vertu de l'acte de fondation, sans intervention du fondateur ou des organes. Si le moment du transfert n'est pas fixé avec précision (mais seulement déterminable objectivement), les organes de la fondation doivent en informer les autorités de surveillance et les autorités du registre du commerce compétentes.
6 En cas d'abrogation de la fondation au sens de l'art. 88 al. 1 CC, les modifications du but ou de l'organisation priment en vertu des principes de proportionnalité et de subsidiarité.
7 La LFus renvoie, pour les modifications du but dans le cadre de fusions, à l'art. 86 CC (art. 78 al. 2, 3 LFus) et aux transferts de patrimoine (art. 86 al. 2, 1er al. LFus), mais ne se prononce pas sur les modifications de l'organisation. Celles-ci peuvent toutefois s'imposer dans le cadre de fusions ou de transferts de patrimoine afin d'adapter l'organisation de la fondation à la nouvelle structure et doivent alors être évaluées à l'aune des conditions générales de l'art. 85 CC (ou, en cas de modifications organisationnelles mineures, de l'art. 86b CC). Comme les art. 78 ss LFus ne prévoient ni scissions ni transformations de fondations, des cas tels que les transferts de siège (dans la mesure où ils nécessitent une modification des statuts, cf. N. 9) doivent également être traités dans le cadre des dispositions relatives aux modifications organisationnelles importantes ou sans importance (cf. N. 8 ss ci-dessous).
II. Modifications de l'organisation (art. 85 CC)
A. Champ d'application
8 Le champ d'application personnel de l'art. 85 CC s'étend, outre aux fondations « classiques », aux fondations de prévoyance en faveur du personnel et aux fondations de famille. Contrairement à la fondation classique, il appartient toutefois à l'organe suprême de ces dernières de vérifier que les conditions de modification sont remplies.
9 Le champ d'application matériel de l'art. 85 CC englobe tous les facteurs qui concernent l'organisation de la fondation et qui ne sont pas de nature accessoire. Sont notamment concernés l'organisation, la nomination et la composition des organes de la fondation (conditions professionnelles ou personnelles requises pour l'acceptation d'un mandat, limitations de la durée du mandat, limites d'âge, etc.), les règles de procédure internes à la fondation, ainsi que les règles relatives au placement ou à la gestion de la fortune, les droits d'intervention du fondateur, des bénéficiaires ou de tiers, ainsi que les changements de nom et les transferts de siège. Dans la littérature, certains auteurs estiment que les changements de nom et les transferts de siège doivent toujours être qualifiés de modifications mineures au sens de l'art. 86b. À notre avis, même s'il est généralement vrai que les transferts de siège constituent des modifications mineures, il convient néanmoins de vérifier au cas par cas l'importance du transfert de siège dans la structure de la fondation et l'impact de la modification sur le patrimoine de la fondation ou la poursuite de son but. Un changement de siège n'entraîne pas nécessairement un changement d'autorité de surveillance compétente, d'autant plus que la compétence de l'autorité de surveillance ne résulte pas du siège, mais de l'étendue géographique de l'activité de la fondation (cf. OK-Brugger/Humbel, Art. 84 CC, N. 5). Ainsi, avant et après un changement de siège, la même autorité de surveillance (cantonale ou fédérale) peut rester compétente pour la fondation. À notre avis, une modification est en tout état de cause importante si la fondation doit devenir une fondation de consommation.
B. Conditions et mise en œuvre pratique
10 Les modifications organisationnelles apportées par l'autorité de surveillance supposent que « la modification est rendue urgente par la nécessité de préserver le patrimoine ou le but de la fondation » (selon l'ancienne formulation « rendue urgente »). Dans la pratique, la nécessité de la modification est soumise à des exigences élevées, qui font l'objet d'appréciations divergentes dans la doctrine. Alors qu'une partie de la doctrine salue explicitement la jurisprudence stricte en se référant à la nature clausula de cette disposition, ou du moins l'accepte, l'opinion contraire estime qu'il suffit que la modification soit dans l'intérêt de la réalisation du but de la fondation ou qu'elle permette d'atteindre le but « nettement mieux » qu'avec la forme organisationnelle antérieure. Selon von Orelli, en cas de modifications organisationnelles, il faut toujours se demander si la modification permet d'améliorer l'efficacité de la fondation au sens où l'entendait le fondateur ou la fondatrice, la variante qui maximise l'effet souhaité par le fondateur devant être choisie parmi les différentes options possibles. La manière de définir le seuil de nécessité reste, à notre avis, une question sémantique. Il est toutefois beaucoup plus important de canaliser cette exigence dans des voies praticables. Cette situation peut être déterminée à l'aide de différents critères auxiliaires, idéalement objectivement déterminables, tels que (menace de) blocage des organes de la fondation (qui sont pertinents pour la poursuite du but) ; des coûts excessifs causés par une organisation dysfonctionnelle qui grèvent le patrimoine de la fondation au point qu'il ne suffit plus pour poursuivre le but à long terme ; l'absence d'instruments de gouvernance de la fondation, sans lesquels la gouvernance interne de la fondation est remise en question.
11 Lors de la formulation des dispositions organisationnelles modifiées, le but doit à nouveau servir de ligne directrice : les statuts modifiés doivent éliminer le risque mentionné pour le but de la fondation et garantir sa meilleure réalisation possible. Il découle en outre a maiore ad minus de l'art. 86b CC que la modification de l'organisation de la fondation ne doit pas porter atteinte aux droits éventuels de tiers.
C. Règlement d'organisation ou de fondation
12 Compte tenu de ce seuil élevé fixé par la jurisprudence, il convient de souligner l'importance pratique des règlements d'organisation ou de fondation. En droit des fondations, il est en effet admissible de régler l'organisation de manière globale ou partielle dans un règlement de niveau inférieur aux statuts. Cette procédure présente l'avantage d'une adaptabilité nettement supérieure et plus rapide à mettre en œuvre par rapport à une réglementation statutaire : l'organe suprême de la fondation peut procéder de sa propre compétence aux modifications organisationnelles au niveau du règlement.
13 Alors qu'auparavant, les autorités de surveillance exigeaient habituellement que les règlements leur soient soumis « pour approbation » dans le cadre de leur activité de surveillance, elles se contentent aujourd'hui, à juste titre, de les « examiner », d'autant plus qu'une approbation par l'autorité de surveillance n'a pas d'effet constitutif et n'est pas requise par le droit des fondations. Les modifications doivent être portées à la connaissance de l'autorité de surveillance afin que celle-ci puisse exercer sa fonction de surveillance, prendre connaissance du contenu du règlement et intervenir si nécessaire, c'est-à-dire en cas de violation du droit objectif ou de l'ordre statutaire.
14 Le fait qu'il appartienne à l'organe suprême de la fondation de modifier le règlement d'organisation ou de fondation de sa propre compétence ne signifie pas que cette compétence lui est réservée. Les autorités de surveillance ont également la compétence, découlant de leur mission de surveillance, d'ordonner les modifications du règlement nécessaires à la protection du patrimoine et du but de la fondation. Cela découle, d'une part, a maiore ad minus, de la compétence des autorités de surveillance de prendre des mesures en cas de lacunes organisationnelles au sens de l'énumération non exhaustive de l'art. 83d CC et, d'autre part, du principe de subsidiarité. Une telle décision devrait alors être prise sous la forme d'une décision susceptible de recours.
III. Changements de but (art. 86 CC)
A. Champ d'application
15 Le champ d'application personnel de l'art. 86 CC s'étend, outre aux fondations « classiques », aux fondations de prévoyance en faveur du personnel et aux fondations de famille. Comme pour la modification de l'organisation, l'organe suprême des fondations de famille doit vérifier que les conditions d'une modification sont réunies.
16 Le champ d'application matériel de la norme se réfère à la fin de la fondation, donc au véritable « cœur » de la fondation. Une modification touche aux « fondements de la fondation ». Pour que l'art. 86 CC soit applicable, il est déterminant qu'il s'agisse d'un élément identitaire de la fondation. Les simples modifications formelles ou linguistiques (y compris de la destination) n'entrent donc pas dans le champ d'application de l'art. 86 CC, mais doivent être effectuées selon les conditions facilitées de l'art. 86b CC. En raison de ce champ d'application restreint, les cas de modification du but sont plutôt rares dans la pratique, à l'exception notable de l'adaptation du but des anciennes fondations de famille, qui ont dû adapter leur but à la jurisprudence du Tribunal fédéral avant de pouvoir être inscrites au registre du commerce.
17 Le champ d'application de la norme englobe également les charges et conditions (art. 86 al. 2 CC) qui sont certes inscrites dans les statuts, mais en dehors de la destination proprement dite et qui compromettent la réalisation du but.
B. Conditions et mise en œuvre pratique
18 Compte tenu de l'importance de la volonté du fondateur, figée dans le but de la fondation, en tant qu'élément central du droit des fondations, il est justifié de poser des exigences élevées en cas de modification du but. Sinon, le concept fondamental de la fondation serait compromis et l'institution serait exposée à des abus. Avant d'envisager plus en détail une modification du but, il convient d'interpréter les dispositions statutaires relatives au but, en recherchant toujours la véritable volonté initiale du fondateur, conformément au principe de la volonté. Il appartient en premier lieu aux parties prenantes de la fondation – en premier lieu les organes de la fondation – d'interpréter les dispositions des statuts de la fondation de manière à ce que celle-ci puisse exercer une activité réelle. Ce faisant, les organes de la fondation doivent toujours garder à l'esprit qu'ils ne sont pas des organes de formation de la volonté, mais qu'ils ont pour seule mission d'exécuter la volonté du fondateur – la fondation n'est pas une personne morale, mais une institution. Pour les activités quotidiennes de la fondation, cette situation implique déjà, sur le plan conceptuel, une interprétation et une exégèse constantes des statuts. Il n'existe pratiquement aucun statut de fondation qui anticipe toutes les options imaginables et ne laisse aucune marge d'interprétation aux organes agissants quant à la manière dont les fonds de la fondation doivent être affectés concrètement à la finalité de la fondation. Les changements de but constituent des modifications de la matière première de l'action fondatrice et ne peuvent donc être envisagés que lorsque l'exploitation de cette matière première atteint ses limites et que l'activité effective de la fondation n'est plus possible ou presque plus possible. L'une des plus grandes difficultés d'une planification prudente en matière de droit des fondations est de reconnaître que la formulation choisie aujourd'hui ne sera plus, dans quelques décennies, un mode d'emploi pour la prospérité de la fondation, mais qu'elle constituera au contraire un obstacle si l'environnement réel change de manière significative. Il est généralement recommandé de définir le but de la fondation de manière assez large afin de laisser aux organes de la fondation une marge d'interprétation suffisante, même des décennies (ou des siècles) après la création de la fondation. Dans le cas d'objectifs de fondation larges, il est particulièrement utile de documenter les réflexions et les intentions des fondateurs pour les générations futures de membres des organes de la fondation. Cela peut également se faire sous la forme de documents de fondation non contraignants sur le plan juridique, tels que des « lettres d'intention » ou des « lignes directrices », qui consignent les intentions, les valeurs et les souhaits et ne constituent généralement que des aides à l'orientation complémentaires. D'autre part, le but de la fondation doit être suffisamment précis pour refléter concrètement la volonté du fondateur et pour imposer aux organes une obligation de respecter cette volonté au lieu de leur laisser toute latitude (principe dit de la détermination), et pour satisfaire aux conditions fiscales qui exigent également une qualification précise du but de la fondation.
19 Selon l'art. 86 al. 1 CC, un changement de but présuppose une composante objective et une composante subjective : d'un point de vue objectif, un changement dans la signification et l'effet du but est nécessaire, d'un point de vue subjectif, le but doit s'être manifestement éloigné de la volonté initiale du fondateur. C'est le cas lorsque le but initial de la fondation est absurde, totalement dépassé ou non rentable, ou lorsque les attentes du fondateur ne se sont pas réalisées. La réponse à cette dernière question doit être recherchée en se demandant si, compte tenu de l'évolution de la situation, la volonté initiale du fondateur peut encore être raisonnablement réalisée telle qu'elle a été consignée dans l'acte de fondation. Des exemples typiques d'objectifs susceptibles d'être modifiés parce qu'obsolètes, absurdes ou déjà (largement) atteints sont la lutte contre une maladie aujourd'hui éradiquée, la poursuite d'objectifs politiques obsolètes parce qu'ils ont déjà été atteints (introduction du droit de vote des femmes ou abolition de la peine de mort en Suisse) ou la promotion d'une éducation qui n'est plus d'actualité ou qui a été reprise par des institutions publiques. Selon une doctrine, un déséquilibre entre les moyens et les fins peut également justifier une adaptation de la fin : celle-ci peut être devenue économiquement inefficace, par exemple parce que les moyens disponibles sont trop importants pour une fin trop restreinte ou trop faibles pour une fin trop large, mais qui ne peut être divisée en sous-fins, de sorte qu'une adaptation de la fin est également justifiée dans ce cas. Avant de procéder à une modification de la finalité, il convient selon nous, en cas de surdotation, de procéder d'abord à une interprétation dynamique de la finalité de la fondation, compte tenu de la primauté de la volonté initiale du fondateur. Si cela échoue, d'autres possibilités d'action alternatives, telles qu'une liquidation partielle, devraient être examinées avant de modifier la finalité. En revanche, dans le cas d'une fondation dont les moyens sont trop limités, il convient également, à notre avis, d'examiner d'autres mesures dans les limites de l'objet, telles que des fusions ou des transferts de patrimoine, avant d'envisager des modifications de l'objet.
20 L'organe compétent ou les autorités compétentes ne sont pas libres de formuler le nouvel objet de la fondation. Celui-ci doit au contraire être aussi proche que possible de l'objet initial et s'orienter objectivement vers le domaine d'activité et le cercle de bénéficiaires existants. La ligne directrice à suivre est la volonté hypothétique ou présumée du fondateur, qui doit être déterminée, le cas échéant, par interprétation ; il s'agit donc de répondre à la question de savoir ce qu'aurait ordonné le fondateur s'il avait eu connaissance des circonstances et de la situation actuelles. Enfin, il convient de noter qu'il faut renoncer à un changement de but et dissoudre la fondation (art. 88 al. 1 ch. 1 CC) si une adaptation ne permet pas non plus d'aboutir à un résultat sensé et conforme à la volonté (hypothétique) initiale du fondateur.
IV. Procédure
21 La procédure de modification de l'organisation et du but est généralement engagée dans la pratique par l'organe suprême de la fondation, car c'est lui qui est le mieux à même d'évaluer la situation de la fondation. La marche à suivre dépend de la forme de la fondation et de la modification :
Dans le cas des fondations classiques, la compétence appartient à une « autorité de transformation » spéciale qui, dans les faits, est toutefois identique à l'autorité de surveillance tant au niveau fédéral que cantonal. Au niveau fédéral, il en va ainsi depuis le 1er janvier 2006, date à laquelle les fondations soumises à la surveillance de la Confédération ne sont plus transformées par le Conseil fédéral, mais par le DFI. Cette évolution se reflète également au niveau cantonal. La disposition légale selon laquelle l'autorité de transformation compétente agit à la demande de l'autorité de surveillance n'a donc plus guère de sens. Il est conforme à la doctrine dominante et à la pratique des autorités que l'organe suprême de la fondation dispose non seulement d'un droit d'être entendu, mais aussi d'un droit de proposition non seulement en cas de modification du but au sens de l'art. 86 CC – où cela est explicitement inscrit dans le texte de loi –, mais aussi en cas de modifications de l'organisation au sens de l'art. 85 CC. Compte tenu du libellé actuel de la loi, nous nous demandons toutefois s'il s'agit d'un droit justiciable ou plutôt d'une simple possibilité d'initiative de fait (au sens d'un droit de notification, qui devrait également être accordé aux autres participants à la fondation). Dans la pratique connue des auteurs, pratiquement toutes les modifications du but ou de l'organisation d'une fondation émanent de ses organes. En conséquence, il conviendrait, à notre avis, de modifier de lege ferenda l'inégalité de traitement injustifiée entre les art. 85 et 86 CC. Premièrement, cette inégalité de traitement repose sur une omission du législateur, qui n'a pas coordonné ces deux processus. En outre, et surtout, des considérations téléologiques plaident également en faveur d'un droit de requête justiciable de l'organe suprême de la fondation, même en cas de modifications organisationnelles : il est en effet tout aussi important pour la fondation et son développement que l'organe suprême de la fondation puisse réagir aux insuffisances organisationnelles et inciter l'autorité de transformation à agir. Cela est actuellement également possible en cas de refus de l'autorité de surveillance de présenter une demande ou, dans le cas général où l'autorité de surveillance et l'autorité de transformation sont identiques, en cas de refus de rendre une décision, mais cela doit être obtenu par voie de recours et, en dernière instance, par un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral. Une fois la modification prononcée, l'organe suprême de la fondation ne dispose pas d'un véritable droit de veto. Toutefois, une procédure de recours est également disponible dans ce cas. La contestation est ouverte non seulement aux organes de la fondation, mais aussi aux bénéficiaires, qui, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, n'ont toutefois ni qualité pour agir ni droit d'être entendus au préalable dans la procédure de modification. À notre avis, ils devraient toutefois être associés le plus tôt possible au processus de modification, dans un souci de planification prévisionnelle et de sécurité juridique accrue, afin d'éviter des contestations ultérieures.
Dans le cas des fondations de famille, la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui est plus ancienne mais toujours valable, et l'opinion dominante partent du principe que le conseil de fondation dispose d'un droit de modification autonome et peut décider des modifications sans autorisation judiciaire préalable. Il reste toutefois lié aux conditions de fond de l'art. 85 s. CC et à l'exigence d'un exercice correct du pouvoir d'appréciation. En cas de violation, la responsabilité de l'organe suprême de la fondation est engagée. Une opinion minoritaire plus ancienne estime que le tribunal doit toujours être impliqué dans les modifications de l'organisation ou du but. Dans la pratique, le problème se pose que l'Office fédéral du registre du commerce (OFRC) semble également exiger une telle décision judiciaire, qui n'est pas prévue par le texte de la loi, ce qui a entraîné des procédures longues et des coûts considérables pour les fondations de famille (voir également OK-Brugger/Humbel, Art. 57 CC, N. 13 ss).
Conformément à l“art. 62 al. 2 LPP, l”autorité de surveillance compétente au sens des art. 61 ss LPP est également l'autorité de transformation au sens des art. 85 ss CC pour les institutions de prévoyance constituées en tant que fondations de prévoyance en faveur du personnel. Il s'agit généralement de la même autorité qui assume également la surveillance des fondations au niveau cantonal ou supracantonal.
22 La modification des statuts doit être annoncée au registre du commerce (art. 97 al. 1 let. c ORC), ce qui, pour les fondations « classiques » et les fondations de prévoyance en faveur du personnel, est effectué d'office par l'autorité de conversion elle-même. Contrairement à une pratique cantonale antérieure, qui exigeait un acte authentique soumis à l'approbation de l'autorité de transformation, la décision de modification ne nécessite désormais plus d'acte authentique selon le libellé explicite de la loi (nart. 86c CC, cf. OK-Brugger/Humbel, art. 86c CC n. 2).
Bibliographie
Amadò Flavio/Manfredi Valentina, Il diritto svizzero delle fondazioni in vigore dal 1° gennaio 2023 e dal 1° gennaio 2024 – Le recenti novità legislative riferite alle fondazioni di diritto svizzero, Novità giuridiche 1 (2024), S. 31 ff.
Baumann Lorant Roman, Der Stiftungsrat – Das oberste Organ gewöhnlicher Stiftungen, Diss. Zürich 2009 (= ZStP 214).
Brugger Lukas, Die gemischte Stiftung – Die Stiftung zur Verfolgung unterschiedlicher Zwecke im Lichte des schweizerischen ZGB und des österreichischen PSG, Diss. Zürich 2019 (Schriften zum Stiftungsrecht 12).
Egger August, Zürcher Kommentar, Art. 1-89 ZGB. Personenrecht, Bd. I, 2. Aufl., Zürich 1930.
Eichenberger Lukas/Leu Daniel, Nichtigkeit und Eintragungsverweigerung - Hürden bei der Eintragung alter Familienstiftungen ins Handelsregister, in: Thomas Sprecher/Lukas von Orelli (Hrsg.) Familienstiftungen – neue Perspektiven, 2024, S. 84 ff.
Eisenring Martin, in: Arnet Ruth/Breitschmid Peter/Jungo Alexandra (Hrsg.), Schweizer Handkommentar, Personen- und Familienrecht, Art. 1–456 ZGB – Partnerschaftsgesetz, 4. Aufl., Zürich 2023.
Grüninger Harold, in: Geiser Thomas/Fountoulakis Christiana (Hrsg.), Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, Art. 1–456 ZGB, 7. Aufl., Basel 2022.
Grüninger Harold, in: Watter Rolf/Vogt Nedim Peter/Tschäni Rudolf/Daeniker Daniel (Hrsg.), Basler Kommentar, Fusionsgesetz, 2. Aufl., Basel 2015.
Jakob Dominique, in: Büchler Andrea/Jakob Dominique (Hrsg.), Kurzkommentar ZGB, Schweizerisches Zivilgesetzbuch, 2. Aufl., Basel 2018.
Jakob Dominique, Ein Stiftungsbegriff für die Schweiz, ZSR 132 (2013) II, S. 185 ff.
Jakob Dominique/Brugger Lukas/Humbel Claude, Recht der Non-Profit-Organisationen in a nutshell, Zürich/St. Gallen 2023.
Jakob Dominique/Humbel Claude, Die Eintragung existierender Familienstiftungen. Ein Blick auf die bestehende Registerpraxis und eine Besprechung des Urteils BVGer B-951/2020 vom 16.8.2021, SJZ 118 (2022), S. 736 ff.
Jakob Dominique/Humbel Claude, Die Eintragung existierender Familienstiftungen und die Änderungskompetenz des Stiftungsrates, Zugleich eine Besprechung des Schweizer Bundesverwaltungsgerichts B-951/2020 vom 16.8.2021, npoR 3 (2022), S. 119 ff.
Leu Daniel/Gabrieli Daniel, Statutenänderung bei Familienstiftungen, in: Peter Breitschmid/Paul Eitel/Alexandra Jungo (Hrsg.), Der letzte Wille, seine Vollstreckung und seine Vollstrecker – Festschrift für Hans Rainer Künzle, 2021, S. 277 ff.
Liver Peter, Rezension zu Riemers Kommentar zum Stiftungsrecht, ZBJV 112 (1976), S. 315 ff.
Malacrida Ralph, in: Watter Rolf/Vogt Nedim Peter/Tschäni Rudolf/Daeniker Daniel (Hrsg.), Basler Kommentar, Fusionsgesetz, 2. Aufl., Basel 2015.
Riemer Hans Michael, GAFI-Umsetzung: Pflicht zur Eintragung ins Handelsregister auch für kirchliche Stiftungen und Familienstiftungen, SZW 2016, S. 70 ff.
Riemer Hans Michael, Stämpflis Handkommentar, Vereins- und Stiftungsrecht (Art. 60–89bis ZGB) mit den Allgemeinen Bestimmungen zu den juristischen Personen (Art. 52–59 ZGB), Bern 2012 (zit. SHK-Riemer).
Riemer Hans Michael, Berner Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch, Die juristischen Personen, Die Stiftungen, Art. 80–89c ZGB, 2. Aufl., Bern 2020 (zit. BK-Riemer).
Sprecher Thomas, Stiftungsrecht in a nutshell, 2. Aufl. Zürich 2023.
Sprecher Thomas, Vom Recht des Stifters, «seine» Stiftung auf den Kopf zu stellen, Jusletter vom 13. März 2023.
Sprecher Thomas, Die Verbrauchsstiftung – Grundlagen, Formen, Wirkungen, Jusletter vom 15. Juni 2020.
Sprecher Thomas, Die Revision des schweizerischen Stiftungsrechts, Zürich 2006 (zit. Sprecher, Revision).
Sprecher Thomas/von Salis Ulysses, Die Schweizerische Stiftung, Zürich 1999.
Studen Goran, Die Dachstiftung – Das Tragen und Verwalten von Unterstiftungen unter dem Dach einer selbständigen Stiftung, Diss. Zürich 2011 (=Schriften zum Stiftungsrecht 3).
Uhl Matthias, Kooperation im Stiftungsrecht, Diss. Zürich 2016 (Schriften zum Stiftungsrecht 7).
Von Orelli Lukas, Zur Auslegung des Stifterwillens, Diss., Basel 2019 (Schriften zum Stiftungsrecht 11).
Von Schnurbein Georg / Hengevoss Alice (Center for Philanthropy Studies Universität Basel), Sunset Foundations – Stiftungen auf Zeit.
Wiget Niklaus, Gläubigerschutz bei nichtigen Familienstiftungen, Diss. Zürich 1972 (= ZBR 387).
Imprimer le commentaire
DOI (Digital Object Identifier)
Licence Creative Commons
Onlinekommentar.ch, Commentaire Art. 85 et 86 CC est sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International License.