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I. Historique, systematique et importance de la disposition
1 Ainsi que l’indique son intitulé, qui est le même dans les trois versions linguistiques, l’art. 15 traite de la validation et de la publication des résultats des votations (fédérales). Comme les autres dispositions du titre 2
2 La disposition existait déjà, mais dans une version sensiblement plus brève, et avec trois alinéas seulement, les trois premiers, dans la version d’origine de la loi, en 1976
3 La disposition n’a connu, depuis, que deux modifications, toutes deux liées à la réforme de la justice et au transfert au Tribunal fédéral de la compétence – qui appartenait jusque-là au Conseil fédéral – de connaître des recours pour violation des droits politiques fédéraux, notamment en lien avec les votations fédérales. D’une part, en effet, l’alinéa 1er a vu sa formulation modifiée avec l’adoption, le 17 juin 2005, de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF)
4 D’autre part, et déjà antérieurement, lors de la révision partielle de la loi sur les droits politiques du 21 juin 2002, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, l’art. 15 s’est vu compléter d’un nouvel alinéa 4
5 Pour le reste, l’art. 15 n’a pas subi d’autre modification depuis l’entrée en vigueur de la loi, en 1978.
6 S’agissant de sa structure, l’art. 15 se compose donc de quatre alinéas, qui traitent de la validation des résultats des votations (al. 1er) et de leur publication dans la Feuille fédérale (al. 2), ainsi que de l’entrée en vigueur des modifications de la Constitution (al. 3) et de l’hypothèse de la mise en vigueur provisoire – ou du maintien en vigueur provisoire – de certains actes avant la validation définitive des résultats d’une votation (al. 4).
7 S’agissant de l’importance de la disposition en général, on se bornera à renvoyer à ce qui a déjà été dit dans le commentaire des art. 10 à 14, sur la signification et l’importance fondamentale des règles qui régissent l’organisation et le déroulement des votations populaires – notamment l’établissement correct des résultats – dans le système constitutionnel et politique suisse
8 Tous les cantons ont ainsi, pour leur domaine, mais sous des formes assez différentes, des dispositions analogues à l’art. 15, qui traitent de la validation des résultats des votations, cantonales et communales, ainsi que de leur publication
II. Commentaire
A. Alinéa 1er : la validation du résultat par le Conseil fédéral
1. La notion de validation et l’évolution de sa signification
9 L’alinéa 1er de l’art. 15 prévoit que « [l]e Conseil fédéral constate le résultat définitif de la votation (validation) dès qu’il est établi qu’aucun recours n’a été déposé devant le Tribunal fédéral ou dès que les arrêts rendus sur de tels recours sont prononcés ». Comme le précisait déjà le message du Conseil fédéral de 1975, l’art. 15
« … définit la notion et le caractère juridique de la validation, qui est la constatation du résultat irrévocablement établi de la votation. »
On verra plus loin que cette affirmation du caractère définitif de la validation doit être nuancée au vu de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral
10 Comme cela ressort du texte même de l’alinéa 1er, la validation est donc – sous la réserve qui vient d’être évoquée – la constatation du « résultat définitif de la votation ». Elle représente l’« acte officiel qui établit le contenu de la volonté populaire »
11 Il y a donc lieu de distinguer, dans le cas d’une votation, les résultats provisoires du scrutin, et leur constatation, qui sont établis immédiatement, le jour même du vote, en principe, et qui relèvent de l’art. 14 LDP, de la validation formelle (et en principe définitive) de ce scrutin et de ses résultats, laquelle intervient ultérieurement et est l’objet de l’art. 15 al. 1 LDP
12 Ainsi que le précisait aussi le message de 1975, la disposition confiait désormais au Conseil fédéral la compétence de valider les résultats de toutes les votations fédérales, y compris les votations portant sur les révisions de la Constitution, ce qui était nouveau
« Alors que les résultats des votations sur les lois et les arrêtés fédéraux sont validés depuis 1874 par le Conseil fédéral, l’Assemblée fédérale a validé elle-même jusqu’à présent les modifications de la constitution, faute d’une disposition légale. Aux fins d’assurer une sécurité juridique complète en matière de votations (titre 6 du projet de loi), et eu égard à l’importance relativement mineure de cette compétence et au surcroît de travail imposé au Parlement, il paraît indiqué et justifié de déléguer cette attribution au Conseil fédéral. Dans certains cas, cette délégation a été accordée, en raison du manque de temps (p. ex. l’arrêté fédéral du 27 décembre 1963 concernant la prorogation du régime financier de la Confédération). »
Le Gouvernement est donc seul compétent, depuis 1978, pour valider les résultats de toutes les votations fédérales, quel que soit le type d’acte sur lequel elles portent.
13 Ainsi qu’on l’a vu
14 Le Conseil fédéral avait d’ailleurs proposé d’ancrer cette logique dans la loi, et elle l’a été avec la révision partielle du 18 mars 1994, entrée en vigueur le 15 novembre 1994 : le Parlement, suivant sans modification et sans discussion
15 Avec le transfert au Tribunal fédéral, induit par la réforme de la justice, de la compétence de trancher désormais les recours touchant les votations au sens de l’art. 77 al. 1 let. b LDP, il devenait donc nécessaire d’apporter une nouvelle précision, à savoir que la validation des résultats des votations par le Conseil fédéral ne peut et ne doit se faire qu’après qu’il a été « établi qu’aucun recours n’a été déposé devant le Tribunal fédéral ou dès que les arrêts rendus sur de tels recours sont prononcés ».
16 L’alinéa 1er ainsi précisé de l’art. 15 LDP signifie donc que le Conseil fédéral doit attendre l’issue des éventuels recours au Tribunal fédéral avant de valider les résultats définitifs des votations fédérales. Et le Conseil fédéral est lié à cet égard, s’agissant de la régularité de la votation, par les éventuelles décisions du Tribunal fédéral, concernant par exemple l’annulation d’une votation ou le fait d’ordonner un recomptage des votes
17 Quoi qu’il en soit, la décision de validation prend, à l’heure actuelle, la forme d’un « arrêté du Conseil fédéral constatant le résultat de la votation fédérale du ... », avec, en annexes, les résultats officiels définitifs de chacun des objets soumis au vote lors de la votation en question
18 Cet arrêté de validation du Conseil fédéral n’est, en tant que tel, pas susceptible de recours au Tribunal fédéral, en vertu de l’art. 189 al. 4 de la Constitution
2. L’art. 15 et le contrôle judiciaire « rétrospectif »
19 La règle selon laquelle le Conseil fédéral doit attendre l’issue des éventuels recours au Tribunal fédéral avant de valider les résultats définitifs vaut pour les recours « ordinaires », en quelque sorte, soit les recours intentés contre les votations dans les délais prévus par la législation sur les droits politiques et la loi sur le Tribunal fédéral.
20 Elle n’empêche en revanche pas, au vu de la jurisprudence récente – et fort discutée
21 On sait que le Tribunal fédéral a certes, dans un arrêt ultérieur, du 23 mars 2021
22 Or, il résulte de cette jurisprudence que – contrairement à ce qu’indiquait le message du Conseil fédéral de 1975 –, la validation des résultats d’une votation par le Conseil fédéral au sens de l’art. 15 al. 1er LDP n’est pas ou plus absolument définitive, ou que ce « résultat [n’est plus] irrévocablement établi »
23 Une autre question que soulève cette jurisprudence, toujours en lien avec l’art. 15 al. 1 LDP, est celle de savoir si, en cas d’annulation d’une votation par le Tribunal fédéral, le Conseil fédéral est tenu de revoir ou d’annuler partiellement son arrêté de validation. Dans son arrêt du 10 avril 2019, le Tribunal fédéral en avait décidé ainsi et avait enjoint le Conseil fédéral « d’adapter son arrêté de validation d’office au nouvel arrêt du Tribunal fédéral », sous peine de se trouver « en conflit avec le devoir que lui impose l’art. 182 al. 2 Cst. de veiller à la mise en œuvre des jugements rendus par les autorités judiciaires fédérales »
B. Alinéa 2 : la publication (de la validation) des résultats dans la Feuille fédérale
24 L’alinéa 2 de l’art. 15 prévoit que « [l]’arrêté de validation est publié dans la Feuille fédérale ». La disposition, qui existait déjà dans la version d’origine de la loi, en 1976, et n’a pas été modifiée depuis, ne suscite guère de commentaire. Tout au plus peut-on signaler qu’elle entre dans la catégorie des publications dans la Feuille fédérale qui sont mentionnées à l’art. 13 al. 1 let. g de la loi fédérale sur les recueils du droit fédéral et la Feuille fédérale (Loi sur les publications officielles, LPubl), du 18 juin 2004
25 Il résulte du texte et de la systématique de l’art. 15 LDP – comme de la simple logique – que la publication (de la validation) des résultats dans la Feuille fédérale suit leur validation par le Conseil fédéral.
26 A l’heure actuelle, l’arrêté de validation (cf. N 17 ci-dessus) est publié dans la Feuille fédérale en règle générale dans les deux à cinq mois après la votation
C. Alinéa 3 : l’entrée en vigueur des modifications de la Constitution fédérale
27 L’alinéa 3 de l’art. 15, qui n’a pas non plus connu de modification depuis l’entrée en vigueur de la loi, en 1978, prévoit que « [l]es modifications de la Constitution entrent en vigueur dès leur acceptation par le peuple et les cantons, à moins que le projet n’en dispose autrement ».
28 La disposition, qui n’était l’objet d’aucun commentaire dans le message du Conseil fédéral de 1975
29 Toutefois, cette apparente répétition a pour fonction de rappeler la règle constitutionnelle et de préciser, par rapport aux deux alinéas qui précèdent, que même si les résultats d’une votation fédérale doivent d’abord être validés par le Conseil fédéral (al. 1er de l’art. 15 LDP), puis publiés dans la Feuille fédérale (al. 2), opérations qui prennent un peu de temps, notamment parce qu’il s’agit d’attendre, comme on l’a vu plus haut, l’issue des éventuels recours jusqu’au Tribunal fédéral, cela n’empêche pas que les modifications de la Constitution – qui sont nécessairement soumises au référendum obligatoire – « entrent en vigueur dès leur acceptation par le peuple et les cantons », c’est-à-dire sans nécessairement attendre la validation des résultats de la votation et leur publication dans la Feuille fédérale
30 En ce sens, cette première partie de l’alinéa 3 confirme en quelque sorte, ou réaffirme, que la règle constitutionnelle s’applique en dépit de la durée des opérations de validation et de publication des résultats du vote, lesquelles n’ont donc pas d’effet sur l’entrée en vigueur des modifications constitutionnelles
31 La seconde partie de l’alinéa 3, à savoir le fait que les modifications de la Constitution entrent en vigueur dès leur acceptation par le peuple et les cantons « à moins que le projet n’en dispose autrement », est en revanche plus étonnante et difficile à cerner
32 Si de telles dérogations à la règle de l’entrée en vigueur immédiate, dès leur acceptation, des modifications constitutionnelles sont relativement fréquentes dans les projets émanant des autorités, elles existent aussi, parfois, en vertu du texte de certaines initiatives populaires
33 La règle dérogatoire, qui délègue à l’Assemblée fédérale ou au Conseil fédéral la compétence de fixer ultérieurement la date d’entrée en vigueur de la modification constitutionnelle, peut figurer soit dans le texte (constitutionnel) soumis au vote lui-même – par exemple dans une disposition transitoire – ou dans l’arrêté fédéral soumettant ce texte au vote du peuple et des cantons
34 Quoi qu’il en soit, si elle admet la pratique et la règle dérogatoire de l’art. 15 al. 3 LDP, la doctrine souligne d’une manière générale « qu’une entrée en vigueur ne devrait pas être décalée outre mesure, en particulier lorsqu’il revient au Parlement ou au gouvernement fédéral de fixer celle-ci, ceci pour des considérations démocratiques ainsi que pour la sécurité du droit »
35 On rappellera encore que comme le souligne la doctrine, il y a lieu de distinguer l’entrée en vigueur des dispositions constitutionnelles, d’une part, de leur mise en œuvre, d’autre part, laquelle dépend notamment de leur caractère directement applicable ou non. L’art. 15 al. 3 LDP, tout comme l’art. 195 de la Constitution, ne traite que de l’entrée en vigueur, et non de la mise en œuvre
36 On relèvera enfin qu’il existe dans la doctrine un léger désaccord sur la question de la publication dans le Recueil officiel des modifications de la Constitution. Pour certains auteurs, en effet, le fait que la Constitution elle-même fixe en principe la date de l’entrée en vigueur de ces modifications, au moment de leur acceptation, a pour conséquence qu’il n’est plus nécessaire de publier officiellement lesdites modifications, dans le Recueil officiel
D. Alinéa 4 : la mise en vigueur provisoire d’un acte
1. L’origine et la ratio legis de la disposition
37 Aux termes de l’alinéa 4 de l’art. 15, introduit lors de la révision du 21 juin 2001 et entré en vigueur le 1er janvier 2002, « [s]i la modification du droit ne souffre aucun retard et que le résultat de la votation est incontestable, le Conseil fédéral ou l’Assemblée fédérale peut, avant que ne soit édicté l’arrêté de validation, faire entrer provisoirement en vigueur une loi ou un arrêté fédéral portant approbation d’un accord international » ; la disposition ajoute que l’autorité en question peut aussi, le cas échéant « maintenir en vigueur ou abroger provisoirement une loi déclarée urgente ». Les Chambres ont repris telle quelle, et sans discussion, on l’a dit, la proposition du Conseil fédéral
38 Le message du Conseil fédéral expliquait comme suit la nécessité d’introduire cette nouvelle disposition
« Alors que jusqu’à présent les décisions sur recours et la validation du résultat de la votation appartenaient au Conseil fédéral, qui prenait les premières et qui opérait la seconde au même moment, la réforme de la justice induite par la nouvelle Constitution (art. 189, al. 1, let. f, Cst.) a séparé ces deux opérations. Au moins en règle générale, la validation du résultat de la votation par le Conseil fédéral devra logiquement avoir lieu une fois que le Tribunal fédéral se sera prononcé sur les recours interjetés par ceux qui contestent ledit résultat. Nous vous avons soumis des propositions à ce sujet dans le message sur la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral (FF 2001 4000). Or on voit depuis quelques années, et de plus en plus, que le fait de devoir attendre l’arrêté de validation avant de pouvoir faire entrer en vigueur un acte législatif, là où les contingences du droit national et du droit international nous commandent d’agir rapidement dans l’intérêt de la communauté, entraîne de graves inconvénients pour le pays, dont une majorité du peuple ne veut précisément pas. Quant aux lois fédérales déclarées urgentes, on court même systématiquement le risque de les voir cesser d’être en vigueur au bout du délai d’un an prescrit par la Constitution si l’arrêté validant le oui du peuple ne peut être édicté à temps à cause du flot de recours, ce que montre le tableau 1 suivant :
Opérations | Temps minimal nécessaire, en jours |
Publication dans la FF /dans le RO | 10 jours |
Délai référendaire | 100 jours |
Contrôle des signatures | 30 jours |
Fixation de la date de la votation populaire (généralement 4 dates par an) | 30 jours |
Organisation correcte de la votation, d’après les normes | 95 jours |
Publication du résultat de la votation dans la feuille officielle du canton, recours devant le gouvernement cantonal et décision sur recours | 28 jours |
Dépôt du recours | 5 jours |
Total intermédiaire | 298 jours |
Réserve pour la décision finale du Tribunal fédéral, y compris la notification | 37 jours |
Procédure jusqu’à l’arrêté de validation du Conseil fédéral | 15 jours |
Publication dans la FF/dans le RO | 15 jours |
Total | 365 jours |
Il faut, pour toutes ces raisons, lorsque le résultat de la votation est parfaitement évident, que l’autorité compétente (Conseil fédéral ou Parlement) puisse, avant même d’avoir édicté l’arrêté de validation, faire entrer provisoirement en vigueur une loi ou un arrêté fédéral portant approbation d’un accord international ou encore maintenir en vigueur une loi fédérale urgente si la modification du droit (ou son maintien dans le cas d’une loi urgente) ne souffre aucun retard (art. 15, al. 4, LDP). »
39 Le même message du Conseil fédéral donnait par ailleurs plusieurs exemples de lois fédérales et d’accords internationaux, sur lesquels le référendum avait été demandé et qui avaient été – ou devaient être – soumis au vote populaire, mais qui avaient « dû, une fois le résultat de la votation connu, entrer en vigueur plus tôt que prévu, quand ce n’était pas immédiatement après la constatation de l’aboutissement dudit référendum »
40 Le Gouvernement entendait ainsi, par ce nouvel alinéa 4, que les Chambres ont adopté sans discussion, donner aux autorités – l’Assemblée fédérale elle-même ou le Conseil fédéral, selon les cas –, la faculté de « faire entrer provisoirement en vigueur une loi ou un arrêté fédéral portant approbation d’un accord international » sans attendre l’arrêté de validation des résultats de la votation et sa publication
41 Le nouvel alinéa 4 remplit donc, pour les votations fédérales autres que celles qui portent sur les révisions constitutionnelles, une fonction analogue, en quelque sorte, à celle de l’alinéa 3 pour les votations sur des modifications de la Constitution. Alors que celles-ci entrent en principe en vigueur (sauf dérogation) automatiquement, c’est-à-dire sans qu’elles doivent être « mises en vigueur »
2. Excursus : l’art. 15 al. 4 LDP et l’application provisoire des traités au sens de l’art. 7b LOGA
42 Cette faculté, pour le Conseil fédéral, de mettre provisoirement en vigueur certains actes, notamment un arrêté d’approbation d’un traité international accepté en votation populaire, sans attendre l’arrêté de validation de la votation populaire en question, ne doit pas être confondue avec l’institution de l’application à titre provisoire d’un traité international avant même son approbation par l’Assemblée fédérale, institution introduite postérieurement à l’alinéa 4 de l’art. 15 LDP, dans la loi fédérale sur l’organisation du gouvernement et de l’administration (LOGA)
43 L’art. 7b LOGA, dont la teneur a été légèrement modifiée par une révision du 21 juin 2019, en vigueur depuis le 2 décembre 2019
44 Les deux institutions ne doivent donc pas être confondues, tant elles sont différentes, aussi bien en ce qui concerne leur champ d’application matériel et temporel que leur importance « politique ». Alors que l’art. 7b LOGA vise potentiellement tous les traités dont l’approbation relève de la compétence de l’Assemblée fédérale, au sens de l’art. 166 al. 2 de la Constitution, l’art. 15 al. 4 LDP ne s’applique, éventuellement, qu’aux seuls traités dont l’acte d’approbation – déjà adopté par l’Assemblée fédérale – est assujetti au vote du peuple (référendum facultatif) ou soumis au vote du peuple et des cantons (référendum obligatoire) et a effectivement (déjà) été accepté en votation populaire. Il en résulte que l’art. 7b LOGA s’applique avant l’approbation de l’Assemblée fédérale alors que l’art. 15 al. 4 LDP ne s’applique qu’aux traités déjà approuvés par celle-ci et, même, déjà acceptés en votation populaire, et ce uniquement à titre provisoire et pour une durée allant de quelques jours à quelques mois au maximum, entre la votation ayant accepté le traité et la date de sa validation. Le champ d’application de l’art. 15 al. 4 LDP est donc beaucoup plus étroit que celui de l’art. 7b LOGA, et son importance sensiblement moindre.
45 La mise en vigueur provisoire, prévue par l’art. 15 al. 4 LDP, d’un traité accepté en votation populaire, mais dont la validation des résultats n’a pas encore été adoptée et publiée, est évidemment beaucoup moins délicate, politiquement, que l’application provisoire, visée par l’art. 7b LOGA, d’un traité international qui n’a même pas encore été approuvé par le Parlement. C’est la raison pour laquelle celle-ci est soumise à des conditions très strictes, à savoir, comme le dit le texte de la loi, que l’application provisoire soit exigée par « la sauvegarde d’intérêts essentiels de la Suisse et une urgence particulière », et qu’elle doit être approuvée après coup par l’Assemblée fédérale
3. Retour à l’art. 15 al. 4 : son utilisation en pratique et ses conditions d’application
46 Depuis son entrée en vigueur, en 2002, l’alinéa 4 de l’art. 15 n’a guère eu l’occasion d’être appliqué. La question a semble-t-il été évoquée dans certains cas
47 Quoi qu’il en soit, le seul cas connu jusqu’ici d’application de l’art. 15 al. 4 s’est produit récemment, dans le contexte de la première modification de la loi fédérale urgente sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (Loi COVID-19), du 25 septembre 2020
48 Il ressort de ce premier cas d’application que la décision de mise en vigueur – ou de maintien en vigueur – provisoire doit, pour ce qui est de la forme, être publiée, et c’est à juste titre qu’elle l’a été, en l’occurrence dans la Feuille fédérale
49 Pour ce qui est du fond, les deux conditions posées à une telle mise en vigueur provisoire, sans attendre la validation des résultats de la votation et leur publication dans la Feuille fédérale, sont, comme cela ressort explicitement de la disposition, d’une part, que « la modification du droit ne souffre aucun retard » et, d’autre part, « que le résultat de la votation est incontestable ». S’agissant de la première de ces conditions, le message du Conseil fédéral invoque « de graves inconvénients pour le pays, dont une majorité du peuple ne veut précisément pas » (puisque le vote populaire a, par hypothèse, approuvé l’acte en question) que pourrait entraîner « le fait de devoir attendre l’arrêté de validation avant de pouvoir faire entrer en vigueur un acte législatif, là où les contingences du droit national et du droit international nous commandent d’agir rapidement dans l’intérêt de la communauté »
50 S’agissant des lois urgentes, la condition est plus concrètement compréhensible, le risque étant, comme le dit également le message, de voir une loi urgente « cesser d’être en vigueur au bout du délai d’un an prescrit par la Constitution si l’arrêté validant le oui du peuple ne peut être édicté à temps à cause du flot de recours »
51 Pour ce qui est de la seconde condition d’application de l’art. 15 al. 4, à savoir le fait « que le résultat de la votation est incontestable », cette exigence se réfère sans doute au résultat lui-même de la votation, en particulier à son caractère plus ou moins clair, c’est-à-dire à l’écart des voix. Plus ce résultat est clair, et l’écart des voix important, plus facilement l’art. 15 al. 4 pourra être appliqué ; à l’inverse, plus le résultat est serré, plus l’autorité devra faire preuve de retenue dans la mise en œuvre de la disposition. On peut cependant aussi émettre l’hypothèse que le caractère plus ou moins serré du résultat – l’écart des voix – n’est pas seul déterminant et que la nature, ou la gravité, des griefs adressés à un résultat de votation, dans les procédures de recours ouvertes, le cas échéant, pourrait aussi jouer un rôle. Plus ces griefs sont importants, et susceptibles de conduire à une annulation de la votation, en effet, plus l’autorité compétente devra faire preuve de retenue dans l’application de l’art. 15 al. 4. A l’inverse, si les recours pendants portent sur des griefs de peu de gravité, notamment des irrégularités a priori peu susceptibles de conduire à une annulation du scrutin, l’autorité devrait bénéficier d’une plus grande latitude dans sa décision de faire usage – ou non – de la possibilité offerte par l’alinéa 4 de l’art. 15.
52 Quoi qu’il en soit, ainsi qu’on l’a vu, les autorités fédérales ont jusqu’ici fait preuve d’une retenue certaine, et ce à juste titre, dans l’utilisation de cette disposition.
L’auteur remercie M. Beat Kuoni, juriste au Service des « Droits politiques » de la Chancellerie fédérale, de sa relecture attentive de cette contribution et de ses précieuses suggestions.
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