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CODE PÉNAL SUISSE
CYBERCRIME CONVENTION
ORDONNANCE SUR LE REGISTRE DU COMMERCE
- I. Genèse de la loi
- II. Contexte
- III. Commentaire au sens strict.
- Lectures complémentaires recommandées
- Bibliographie
I. Genèse de la loi
1 Les garanties de l'art. 30 Cst. accordent aux ayants droit aux droits fondamentaux (sur le champ de protection personnel, voir n. 10 ss), dans le cadre de procédures judiciaires (sur le champ d'application matériel, voir n. 13 ss), des droits directement invocables en justice à un procès juste, équitable et juste. L'art. 30 Cst. remonte en partie aux constitutions fédérales de 1848 et 1874 (art. 50 et 53, respectivement art. 58 et 59), en partie à des prescriptions de droit international public (art. 6, ch. 1, CEDH, art. 14, ch. 1, Pacte II de l'ONU) et en partie au droit cantonal. Les constitutions fédérales antérieures garantissaient déjà le droit à un tribunal institué par une loi ("garantie du juge constitutionnel" ; aujourd'hui art. 30 al. 1 Cst.). De même, elles garantissaient le for du domicile (aujourd'hui art. 30 al. 2 Cst.). Le principe de la publicité de la justice, en revanche, était absent des constitutions fédérales de 1848 et 1874. Avant l'entrée en vigueur de la Constitution fédérale de 1999, il était garanti par le droit cantonal et par les principales conventions internationales relatives aux droits de l'homme. La révision constitutionnelle de 1999 a réuni ces contenus partiels dans l'art. 30 Cst. La jurisprudence que le Tribunal fédéral avait développée concernant l'ancien droit constitutionnel fédéral devait pouvoir conserver sa validité.
2 L'abolition de la juridiction ecclésiastique n'a pas été transférée à l'art. 30 de la Constitution fédérale de 1999. Une disposition correspondante est considérée comme obsolète. L'interdiction de la responsabilité pour dettes est aujourd'hui garantie par l'art. 7 ("Dignité humaine") et l'art. 10 al. 2 ("Liberté personnelle") Cst.
II. Contexte
3 L'art. 30 Cst. constitue une expression procédurale centrale de l'État de droit libéral et démocratique. Le processus judiciaire, ou plutôt son fonctionnement particulier, doit garantir - et tire en même temps sa légitimité - que le droit démocratiquement établi soit appliqué de manière équitable et égale à des cas similaires, et ce dans le cadre d'une procédure qui soit compréhensible et acceptable tant pour les parties que pour le public en général. Cela implique un refus de la justice de cabinet, c'est-à-dire de la gestion des procédures judiciaires depuis les arrière-salles ("cabinets") politiques.
4 D'un point de vue institutionnel, la Constitution fédérale exprime la préoccupation que nous venons de décrire dans les articles 143 et suivants ("Autorités fédérales") et 191c ("Indépendance des juges"). Ces dispositions prévoient une séparation fonctionnelle des autorités fédérales en pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (séparation des pouvoirs), ce qui constitue un obstacle au pouvoir. Elles garantissent ainsi l'indépendance de la jurisprudence (à ce sujet, n. 25 ss.) par rapport à la législation et à l'application du droit. Dans leur activité, les tribunaux ne sont "tenus que par le droit" (art. 191c Cst.).
5 D'un point de vue matériel, l'art. 5, al. 1 Cst. et l'art. 8, al. 1 Cst. expriment le lien de toute action étatique avec le droit constitutionnel et démocratiquement établi. Les droits fondamentaux de procédure s'expliquent plus fondamentalement par une conception libérale de la dignité humaine (art. 7 Cst.). L'individu ne doit jamais être réduit à un simple objet, mais doit pouvoir participer de manière appropriée aux décisions de l'Etat qui le concernent. En statuant sur des positions juridiques individuelles d'une manière correcte et compréhensible, les conséquences juridiques de l'action personnelle sont prévisibles et la possibilité d'autodétermination personnelle est respectée.
6 Outre l'art. 30 Cst., l'Etat de droit libéral et démocratique est concrétisé par d'autres droits fondamentaux de procédure. Tout d'abord, l'art. 29 Cst. contient d'autres garanties "générales" de l'État de droit. Elles ne sont pas limitées aux procédures judiciaires, mais s'appliquent également aux procédures administratives. L'art. 29a Cst. garantit le droit à ce que tout litige soit jugé par au moins une autorité judiciaire, donc dans le cadre d'une procédure répondant aux exigences strictes de l'art. 30 Cst. L'art. 30 Cst. n'accorde pas lui-même l'accès aux tribunaux. Les personnes à l'encontre desquelles l'Etat recourt à ses moyens les plus forts, à savoir la privation de liberté et le droit pénal (art. 31 et 32 Cst.), bénéficient d'une protection supplémentaire en matière de droit fondamental de procédure.
7 En outre, l'art. 30 Cst. s'inscrit dans le contexte plus large de la protection internationale des droits de l'homme (voir n. 1). La Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) relative à la CEDH sont particulièrement importantes. Les tribunaux suisses sont tenus de prendre en compte ce droit conventionnel. Il existe toutefois une différence entre le champ d'application de l'art. 30 Cst. et de l'art. 6, ch. 1 CEDH (droit à un procès équitable). Alors que la disposition de droit national couvre toutes les procédures judiciaires, la norme de droit conventionnel ne s'applique qu'aux procédures civiles et pénales. Cela est pertinent, entre autres, pour la portée de l'art. 30 al. 3 Cst.
8 La mise en œuvre des garanties de l'art. 30 Cst. est d'abord l'affaire du législateur. Les droits découlant de la disposition constitutionnelle trouvent leur concrétisation avant tout dans les différentes lois d'organisation judiciaire et de procédure de la Confédération et des cantons. La pratique jurisprudentielle relative aux garanties des droits fondamentaux ne devient vraiment significative que lorsque le législateur reste en deçà des normes minimales de l'art. 30 Cst. ou ne traite pas une question relevant du domaine de l'art. 30 Cst. Au niveau fédéral, la jurisprudence ne peut de toute façon faire respecter les garanties de l'art. 30 Cst. que dans les limites de l'art. 190 Cst. L'art. 190 Cst. déclare que le droit fédéral est "déterminant" ; en d'autres termes, les tribunaux doivent appliquer les lois fédérales sans tenir compte de leur inconstitutionnalité (présumée). La protection des droits de l'homme par le droit international public, en particulier par la CEDH, permet de compenser quelque peu cette lacune dans la protection des droits fondamentaux par le droit constitutionnel fédéral. L'art. 190 Cst. déclare le droit international public "déterminant" au même titre que les lois fédérales, et selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la CEDH prime les lois fédérales contraires.
III. Commentaire au sens strict.
9 L'art. 30 Cst. est divisé en trois alinéas. L'al. 1 garantit un tribunal constitutionnel. L'al. 2 garantit le droit des défendeurs civils de faire juger leur affaire dans le canton de leur domicile. L'al. 3 traite de la publicité des audiences et des jugements. Les sections B. à E. traitent séparément de ces trois parties de l'art. 30 Cst.
A. Domaine de protection personnelle
10 Les trois parties de l'art. 30 Cst. ont en commun leur champ de protection personnel. Elle s'applique à toutes les personnes physiques et morales qui participent à une procédure judiciaire en tant que partie, en tant que semblable à une partie ou en tant qu'autre partie à la procédure. Elles protègent donc une personne indépendamment de sa nationalité, de son siège, de sa forme juridique et autres. Les personnes auxquelles la qualité de partie a été refusée bénéficient également d'une protection.
11 En principe, l'État n'est pas titulaire de droits fondamentaux. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que les autorités habilitées à recourir ainsi que les communes et autres sujets de droit public peuvent se prévaloir de l'art. 30 Cst. Cela suppose qu'ils soient touchés comme des particuliers par un acte de souveraineté, qu'ils se constituent partie civile comme des particuliers, qu'ils dénoncent des violations de leur autonomie (communale) ou de leur garantie d'existence, qu'ils fassent usage de leur droit de recours des autorités ou qu'ils défendent d'une autre manière (p. ex. en tant que procureur) des intérêts publics devant les tribunaux.
12 Le domaine de protection personnelle de l'art. 30 Cst. est différencié en deux parties. L'al. 2 protège spécifiquement la partie défenderesse (voir n. 51) ; l'al. 3 peut également protéger des personnes qui ne sont pas directement impliquées dans une procédure (voir n. 64).
B. Tribunal créé par la loi, compétent, indépendant et impartial (al. 1)
1. Champ d'application matériel
13 L'art. 30 al. 1 Cst. garantit que tout jugement d'un litige doit être porté devant un tribunal établi par une loi, compétent, personnellement et institutionnellement indépendant et impartial. Le champ d'application matériel de l'art. 30 al. 1 Cst. est large à double titre. Premièrement, la notion de tribunal de cette disposition est fonctionnelle, deuxièmement, elle transcende les domaines du droit (voir n. 15). La première signifie que les garanties de l'art. 30, al. 1, Cst. s'appliquent à toutes les procédures dans lesquelles une instance impartiale, indépendante des parties au litige et d'autres autorités sur le plan du personnel et de l'organisation, tranche de manière contraignante un litige de tiers dans le cadre d'une procédure judiciaire et équitable, sur une base juridique et normative, en indiquant les motifs. Les éléments centraux de la notion de juridiction sont, d'une part, sa mission essentielle de rendre la justice et, d'autre part, son indépendance organisationnelle et institutionnelle. Une autorité judiciaire ne doit pas nécessairement être intégrée dans la structure judiciaire de l'État ni nécessairement porter le terme "tribunal" dans sa désignation nominale. Le motif juridique d'une procédure judiciaire est également sans importance. Le libellé de l'art. 30 al. 1 Cst. est quelque peu ambigu ("Toute personne dont la cause doit être jugée dans le cadre d'une procédure judiciaire a droit..."). Il ne doit pas être compris dans le sens que l'art. 30 al. 1 Cst. ne s'applique qu'à l'une des procédures judiciaires exigées par la garantie des voies de droit (art. 29a Cst.). Les procédures judiciaires devant toutes les instances (même celles prévues par la loi simple) sont couvertes de la même manière par l'art. 30 al. 1 Cst. Enfin, il convient de lire avec prudence un autre critère parfois mentionné par le Tribunal fédéral, qui lie la notion fonctionnelle de tribunal à l'établissement autonome des faits juridiques. Le Tribunal fédéral, dont la qualification de tribunal ne fait aucun doute, ne remplit en principe pas ce critère. Ce critère, fortement développé dans le contexte du cas d'espèce, a donc été formulé de manière trop générale dans la jurisprudence du Tribunal fédéral.
14 L'étendue de l'application institutionnelle de la notion de tribunal de l'art. 30 al. 1 Cst. est illustrée par la casuistique du Tribunal fédéral. Par exemple, les procureurs et les juges d'instruction peuvent également tomber sous le coup de l'art. 30, al. 1, Cst. En outre, les procédures de réconciliation et de médiation en matière de procédure civile doivent satisfaire aux exigences de l'art. 30, al. 1, Cst. ; il en va de même pour diverses institutions cantonales telles que l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA, TG), la commission de recours en matière fiscale (VS), le conseil de district (ZH) dans certains domaines ou la commission de recours de l'Eglise nationale réformée évangélique (AG). Enfin, sont également considérés comme des tribunaux au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. les tribunaux arbitraux privés dont les décisions ont la même force juridique et la même force exécutoire que les jugements des tribunaux étatiques, y compris ceux du Tribunal arbitral du sport (TAS). Etant donné que l'art. 30 al. 1 en relation avec l'art. Mais l'art. 29a Cst. garantit précisément un tribunal créé par la loi, l'existence d'une convention d'arbitrage qui justifie la renonciation au tribunal légal ne doit pas être admise à la légère. Le Tribunal fédéral a nié la qualité de tribunal aux commissions décisionnelles (unités administratives de la Confédération non soumises à des directives), notamment l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (AIEP) et la Commission de la concurrence (COMCO), ainsi qu'à la Commission de surveillance des avocats (ZH).
15 Le champ d'application matériel de l'art. 30 al. 1 Cst. doit englober tous les domaines du droit, compte tenu de la garantie générale des voies de droit de l'art. 29a Cst. L'art. 30 al. 1 Cst. doit donc s'appliquer aux procédures judiciaires de tous les domaines juridiques, et pas seulement aux procédures civiles et/ou pénales, par exemple.
2. Légalité du tribunal
16 Sous réserve des conventions d'arbitrage valables, l'art. 30, al. 1, Cst. traite des procédures devant des tribunaux institués par une loi formelle. Il est inadmissible de régler par voie d'ordonnance "sous quelle forme le juge peut être saisi, quel juge procède à l'examen dans quelle procédure du point de vue fonctionnel et local ... comment les frais doivent être répartis" et comment les voies de recours sont organisées. L'essentiel de l'organisation judiciaire doit donc être réglé dans une loi conforme à la Constitution au sens formel, comme les compétences et les procédures d'un tribunal. Les questions de détail peuvent être réglées par l'ordonnance.
17 Le droit à une formation de jugement dûment désignée et composée selon les bases légales est important dans la pratique. Il va de soi qu'il doit être respecté tout au long de la procédure. Le droit à une formation de jugement correctement composée selon des critères généraux et abstraits doit empêcher qu'une formation de jugement soit composée de membres du tribunal qui sont favorables à un certain résultat : "La jurisprudence doit ... ne soit pas influencée par une sélection ciblée des juges dans un cas particulier". La constitution de la formation de jugement viole clairement l'art. 30 al. 1 Cst. si elle sert à "mettre en place de manière manipulatrice une formation de jugement bien déterminée pour un cas concret afin d'obtenir ainsi le résultat souhaité" et ne repose donc pas sur des critères objectifs visant à traiter les cas de manière correcte et rapide.
18 La formation de la formation de jugement ne doit pas être réglée dans la loi formelle. Il suffit qu'elle se fasse selon des critères abstraits et objectifs, fixés à l'avance et rendus transparents ; selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une pratique constante peut également le garantir. On peut par exemple envisager l'attribution des cas par ordre alphabétique ou au moyen d'une application informatique, comme par exemple le "CompCour" du Tribunal fédéral ou le "Bandlimat" du Tribunal administratif fédéral. Les contraintes telles que la charge de travail, les connaissances linguistiques, une expertise individuelle particulièrement importante dans des affaires complexes ou, à l'inverse, des membres du tribunal particulièrement inexpérimentés exigent toutefois une certaine marge d'appréciation. La doctrine exige toutefois à juste titre que cet exercice du pouvoir d'appréciation soit déterminé par des critères fixés de manière générale et abstraite dans un acte législatif accessible au public (par exemple une ordonnance du tribunal). La disposition de la procédure pénale militaire selon laquelle le président du tribunal "désigne" - c'est-à-dire choisit à sa guise - des juges suppléants extraordinaires lorsque le tribunal ne peut pas être constitué de ses membres (suppléants) ordinaires semble incompatible avec l'art. 30 al. 1 Cst. Dans tous les cas, il faut empêcher l'influence d'autorités non judiciaires. La formation de la formation de jugement doit toujours rester un acte d'autogestion judiciaire.
19 Dans la casuistique du Tribunal fédéral relative à la formation de la formation de jugement, on peut distinguer en gros deux groupes de cas. Le premier groupe comprend les cas dans lesquels la formation de jugement comprenait de "fausses" personnes, c'est-à-dire des personnes qui n'étaient pas habilitées à statuer en vertu des dispositions pertinentes. L'autre groupe comprend les cas dans lesquels la formation de jugement était erronée, bien que ses membres aient été en principe habilités à prendre des décisions.
20 Dans la pratique récente du Tribunal fédéral, on trouve les exemples suivants de formations de jugement qui ont été jugées inconstitutionnelles pour une raison inhérente à la personne d'un membre :
Participation d'un juge qui a été élu illégalement en raison de l'absence ou de la disparition des conditions d'éligibilité (domicile dans le canton) ;
Participation d'un juge qui avait déjà quitté ses fonctions ;
Prise en charge d'un exposé d'une greffière qui n'était plus en fonction au tribunal au moment du jugement.
En revanche, l'art. 30 al. 1 Cst. n'est pas violé si un membre du tribunal a acquis ses connaissances des arguments des parties et de la procédure probatoire "uniquement" par l'étude du dossier. Le droit constitutionnel autorise également les juges non professionnels ; il ne découle pas de l'art. 30 al. 1 Cst. un droit à une formation professionnelle déterminée des membres du tribunal (voir aussi N. 27).
21 Dans la pratique récente du Tribunal fédéral, on trouve les exemples suivants de formations de jugement défectueuses, dont la défectuosité n'était pas due à la personne d'un membre :
absence de base légale pour une décision à juge unique concernant la levée d'une mesure thérapeutique institutionnelle (interprétation erronée de la loi par les autorités cantonales) ;
changement de juge non motivé avant le prononcé d'un jugement, ce qui a empêché de contester de manière substantielle la matérialité du changement de la formation de jugement ;
recours systématique et généralisé à des greffiers pour décharger les juges uniques, avec pour conséquence l'octroi aux premiers d'un pouvoir juridictionnel autonome, sans qu'il existe pour cela une base légale suffisante;
nombre de membres d'une formation de jugement contraire à la loi (dans diverses constellations) : sous-effectif ou sur-effectif, non-respect de l'exigence de la présence d'un certain quorum de membres du tribunal, absence d'une norme légale concernant le nombre de membres de la formation de jugement, non-respect de la compétence de la cour plénière en l'absence d'une autre réglementation, absence d'un greffier avec voix consultative.
3. Compétence du tribunal
22 L'art. 30 al. 1 Cst. garantit le droit à ce qu'un litige soit tranché par le tribunal compétent ; c'est-à-dire par le tribunal qui est effectivement compétent selon l'ordre légal. Selon les termes du Tribunal fédéral : "Afin d'éviter les abus et les manipulations ou d'exclure toute apparence ou tout soupçon en ce sens, les tribunaux et leurs compétences (personnelles, temporelles, territoriales et matérielles) doivent être déterminés à l'avance par un droit de procédure général et abstrait".
23 Les tribunaux d'exception sont explicitement interdits (art. 30 al. 2 Cst.). Les tribunaux créés pour juger un cas particulier (ad hoc) ou une personne particulière (ad personam) ne posent toutefois aucun problème dans la pratique suisse. Il n'existe pas de décisions du Tribunal fédéral en la matière. L'origine de cette disposition remonte d'ailleurs loin dans le temps, à savoir aux troubles politiques du 19e siècle. Pour assurer une justice transitoire, il fallait des garanties procédurales particulières pour les surmonter. Cette genèse confirme que cette disposition (du moins selon son sens et son objectif initiaux) devrait être devenue obsolète depuis longtemps. Malgré cela et contrairement au projet constitutionnel du Conseil fédéral, les Chambres ont maintenu cette disposition lors de la révision totale de la Constitution fédérale.
24 Il faut distinguer les tribunaux d'exception des tribunaux spécialisés créés par la loi, tels que les tribunaux du travail, les tribunaux des baux, les tribunaux de commerce, les tribunaux pénaux des mineurs ou les tribunaux militaires. Ils sont admissibles dans la mesure où des raisons objectives, telles que l'exigence de certaines connaissances spéciales ou l'obligation d'une composition paritaire d'un tribunal avec des représentants des groupes d'intérêts concernés, justifient leur création. Le Tribunal fédéral a jugé inadmissible l'attribution au juge de la détention d'un pouvoir d'examen de certaines mesures prévues par la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (canton de Zurich) ainsi que l'attribution aux greffiers d'une compétence juridictionnelle indépendante en matière de droit civil (Tessin).
4. Indépendance et impartialité du tribunal
25 Tous les membres d'un tribunal doivent être indépendants et impartiaux (art. 30, al. 1, première phrase, Cst.). S'ils ne le sont pas, l'art. 30 al. 1 Cst. confère le droit d'exiger la récusation du membre du tribunal concerné. Après quelques remarques préliminaires, nous expliquons en détail ce que signifient exactement l'indépendance et l'impartialité. Ces exigences ne s'appliquent pas seulement aux juges, mais aussi à tous les autres membres du tribunal et auxiliaires impliqués dans la procédure (pour ces derniers, par analogie, mais selon la doctrine dominante, sur la base de l'art. 29 Cst.) En d'autres termes, les exigences d'indépendance et d'impartialité s'appliquent à toutes les personnes participant au jugement, mais pas au personnel administratif des greffes. L'exigence d'indépendance et d'impartialité s'étend donc non seulement aux membres du tribunal, dont font partie les arbitres des parties, mais aussi aux greffiers, auditeurs et autres, aux experts qui établissent des rapports d'expertise pour le tribunal et autres, ainsi qu'aux interprètes et traducteurs. Compte tenu de la grande influence que ces personnes peuvent avoir sur l'issue d'une procédure judiciaire, cela ne semble pas contestable. Ce qui n'est pas clair, en revanche, à mon avis, c'est la raison pour laquelle on défend principalement l'idée que l'indépendance et l'impartialité de ces personnes sont certes régies par analogie par l'art. 30 Cst. mais qu'elles découlent formellement de l'art. 29 Cst. Comme l'art. 30 Cst. parle de "tribunal" (et non de juges), les auxiliaires judiciaires ou les aides à la décision peuvent également être englobés dans cette notion. Pour autant qu'on puisse le voir, tant la doctrine que la jurisprudence n'apportent pas de justification concluante à la première opinion. L'application directe de l'art. 30 Cst. à tous les membres des tribunaux, y compris les auxiliaires de justice et les aides à la décision, devrait donc être privilégiée, ne serait-ce que pour des raisons de simplicité et de systématique juridique.
26 Le droit à des personnes indépendantes et impartiales devant les tribunaux présuppose la connaissance de ces personnes. Il découle donc de l'art. 30 al. 1 Cst. un droit de savoir, ou du moins de pouvoir savoir, qui participe à la décision. Lorsque l'on dit dans la pratique que cette information ne doit pas nécessairement figurer dans l'article, mais qu'il suffit qu'elle puisse être tirée de sources généralement accessibles, comme un calendrier officiel, cela pose plusieurs problèmes. D'une part, cela exige beaucoup du juriste non professionnel. D'autre part, la mention des membres d'un tribunal ne permet généralement pas de déterminer la composition d'une formation de jugement déterminée. Les autorités judiciaires sont tenues de communiquer spontanément aux parties les modifications apportées à la formation de jugement en indiquant les motifs. En outre, les membres des tribunaux doivent de toute façon respecter les motifs de récusation dont ils ont connaissance sous leur propre responsabilité.
27 La pratique des juges non professionnels en Suisse (comme ailleurs) n'est pas en soi un problème en ce qui concerne l'indépendance et l'impartialité des tribunaux (voir ci-dessus n. 20). La pratique selon laquelle, par exemple, seules des personnes ayant reçu une formation juridique sont élues au Tribunal fédéral indique toutefois qu'une formation juridique des membres des tribunaux de toutes les instances serait pour le moins souhaitable en ce qui concerne le desideratum d'une justice professionnelle (qui ne se limite pas à l'indépendance et à l'impartialité des tribunaux). Pour des raisons d'économie de procédure déjà, il convient d'éviter que les instances inférieures ne rendent des décisions défectueuses d'une manière telle que les parties à la procédure puissent revendiquer, au titre des droits fondamentaux, le droit de soumettre leur cas à une autre instance. Il faut donc en principe suivre le Tribunal fédéral lorsqu'il souligne que les membres des tribunaux sans diplôme de droit doivent essentiellement être "en mesure de comprendre l'affaire dans ses détails, de se faire une opinion à son sujet et d'appliquer le droit". Le fait que les juges non professionnels comptent probablement davantage sur l'aide de personnes ayant une formation juridique ne pose pas de problème, car ces dernières doivent également satisfaire aux exigences d'indépendance et d'impartialité du tribunal (voir n. 25). Le fait que les juges non professionnels exercent éventuellement d'autres activités (éventuellement à titre principal) en plus de leur mandat de juge peut poser des problèmes, bien plus que le fait d'être un juge non professionnel en soi. Ce problème existe toutefois aussi pour les membres des tribunaux ayant une formation juridique et qui exercent une activité judiciaire à titre accessoire (voir n. 34). Selon Kiener, il en va de même pour la question de savoir si les membres des tribunaux non professionnels sont plus influençables par la pression publique que les juges ayant une formation juridique. Ce qui compte en premier lieu, c'est l'expérience et la routine, c'est-à-dire l'activité régulière (si possible à plein temps) en tant que membre du tribunal. C'est ce qui manque surtout aux jurys nommés au cas par cas, qu'il convient toutefois de distinguer des juges non professionnels suisses.
a. Indépendance
28 Le droit à un tribunal indépendant comprend le droit à un tribunal qui soit indépendant du point de vue institutionnel et organisationnel au sens de l'art. 191c Cst. Selon l'art. 191c Cst., les tribunaux "ne sont tenus que par le droit". Ils ne peuvent pas accepter d'instructions ou d'ordres de personnes ou d'institutions étrangères au tribunal. Il s'agit notamment des autres organes de l'État, mais aussi des parties au procès elles-mêmes et des pouvoirs intermédiaires tels que les partis, les associations, les médias, etc. dont les campagnes et les comptes rendus peuvent être susceptibles de nuire aux procédures judiciaires. De même, une formation de jugement doit rester indépendante des autres autorités judiciaires et de leurs membres, y compris ceux du même tribunal. L'art. 30 al. 1 Cst. garantit un droit fondamental individuel au respect de l'indépendance judiciaire, comme le prévoit l'art. 191c Cst. d'un point de vue institutionnel. Ce droit n'est évidemment pas violé par la modification ou l'annulation d'un jugement par une instance de recours. Un recours sert précisément à faire examiner la décision de l'instance inférieure et, le cas échéant, à la faire corriger.
29 Dans le cas des tribunaux arbitraux privés, un problème particulier d'indépendance peut parfois se poser. Lorsqu'un tribunal arbitral privé est soutenu par une ou plusieurs associations, le tribunal arbitral peut manquer d'indépendance vis-à-vis d'une partie dans une procédure, si cette dernière n'est pas membre de l'association ou ne se trouve pas du côté de l'association (et a dû malgré tout accepter une clause d'arbitrage en raison du pouvoir de marché de l'association).
b. Impartialité
30 La jurisprudence du Tribunal fédéral ne traite pas principalement de l'indépendance, mais de l'impartialité des tribunaux. L'exigence d'impartialité judiciaire est tout d'abord un critère subjectif, concernant l'état intérieur d'une personne, qui ne peut pas être constaté objectivement ou établi au moyen de preuves. Selon les termes du Tribunal fédéral, cette exigence confère à toute personne impliquée dans une procédure judiciaire le droit à ce que sa cause soit tranchée par des membres du tribunal "impartiaux, sans préjugés ni parti pris", "sans l'intervention de circonstances étrangères à la cause". Jusqu'à présent, la doctrine n'a pas pu identifier de délimitation claire dans l'utilisation de ces trois adjectifs par le Tribunal fédéral. Certes, l'impartialité devrait jouer le rôle de terme générique (global), mais rien de significatif en pratique juridique ne semble s'attacher à ces différentes notions.
31 Comme la partialité ne se manifeste pas (nécessairement) d'une manière objectivement constatable, il suffit, pour que ce droit soit violé, qu'il existe des circonstances extérieures qui donnent l'impression d'un manque d'impartialité. Selon les termes de la CEDH : "dans des cas où il peut être difficile de fournir des preuves permettant de réfuter la présomption d'impartialité subjective du juge, la condition d'impartialité objective fournit une garantie importante de plus". Ce qui est déterminant, c'est un critère objectivé, c'est-à-dire non pas le point de vue subjectif de la personne concernée, mais l'effet des circonstances sur un tiers moyen ; en d'autres termes, il faut rechercher les raisons objectives qui font apparaître de manière justifiée l'impartialité insuffisante d'une personne du tribunal comme douteuse.
32 En principe, l'impartialité d'une personne est présumée. L'absence exceptionnelle d'impartialité subjective ou son apparence objective peuvent alors résulter de raisons inhérentes à la personne et à son comportement et/ou de raisons de nature institutionnelle et fonctionnelle inhérentes à l'organisation judiciaire.
33 Le Tribunal fédéral a résumé sa pratique jurisprudentielle relative à l'exigence d'impartialité selon l'art. 30 al. 1 Cst. dans le récent ATF 147 I 173. En règle générale, il n'y a pas d'apparence inadmissible de partialité lorsque la relation en question n'est qu'une relation de collégialité professionnelle. La situation se présente différemment lorsqu'il existe des rapports de proximité ou de dépendance privés ou professionnels qui vont au-delà de ce qui est socialement usuel. C'est par exemple le cas de la juge suppléante qui a jugé des demandes de dommages-intérêts et de réparation du tort moral contre l'université où elle était simultanément professeur titulaire ; de la juge en chef dont le mari et le beau-frère entretenaient une relation de proximité avec une personne étroitement liée à l'une des parties à la procédure ; et du juge qui contrôlait les décisions des autorités que sa femme, occupant un poste de direction, avait initiées.
34 Le Tribunal fédéral a également jugé inadmissibles différentes constellations dans lesquelles des avocats officient en tant que membres du tribunal. Ce cumul des rôles, qui menace l'impartialité des juges, résulte de la pratique répandue dans notre pays de membres de tribunaux exerçant une fonction accessoire. Par exemple, une avocate qui exerce la fonction de juge et qui a un mandat en cours ou permanent avec une partie à la procédure ne peut pas être considérée comme impartiale. Pour qu'il y ait apparence de partialité, il suffit que la relation de mandat en question n'existe qu'avec une personne étroitement liée à la partie à la procédure. Après une pesée d'intérêts convaincante tenant compte de divers cas de figure, Kiener/Medici parviennent à la conclusion qu'une séparation entre les rôles d'avocat et de juge est indiquée. Le droit fédéral va dans le même sens : le législateur fédéral a désormais interdit aux (presque) membres des tribunaux fédéraux de représenter des tiers à titre professionnel (devant la plupart des tribunaux).
35 Les travaux journalistiques au sens large, qui sont eux-mêmes protégés par les droits fondamentaux, peuvent également entrer en conflit avec l'activité de membre de tribunal. Néanmoins, les membres des tribunaux sont généralement autorisés à s'exprimer publiquement en tant que personne privée sur des questions juridiques et sociopolitiques. Des articles dans la presse (spécialisée), des expertises, des discussions sur des jugements qui ne sont pas rendus en dernière instance (y compris dans des amphithéâtres) et autres risquent de porter atteinte à l'impartialité de l'auteur si celui-ci s'exprime de manière détaillée et claire sur des questions qui restent ouvertes dans le cadre d'une procédure. Il est également possible que des publications et des exposés plus généraux suscitent des doutes quant au fait qu'un membre du tribunal n'ait pas déjà décidé d'un jugement avant la fin de la procédure. Cela serait par exemple envisageable lorsqu'un membre du tribunal exprime son opinion tranchée et apparemment irréversible sur un jugement directeur (potentiel), alors que des jugements juridiquement similaires sont en suspens au tribunal. Pour répondre à la question de savoir quand les activités journalistiques des membres des tribunaux portent atteinte à leur impartialité de manière contraire aux droits fondamentaux, deux critères sont décisifs : sur le plan temporel, une publication devient problématique notamment lorsqu'elle présente des liens avec des affaires déjà pendantes ou dont il est prévisible qu'elles seront portées devant les tribunaux. Dans ce cas, il convient de faire preuve de retenue afin de prévenir d'éventuels motifs de récusation. Toutefois, une prise de position publique plus ancienne peut également remettre en question l'impartialité d'un membre du tribunal, de sorte que la personne concernée doit se récuser. Sur le plan du contenu, une publication par un membre du tribunal est problématique lorsqu'elle peut, au moins en apparence, éveiller des doutes justifiés sur le fait que l'issue de la procédure en question est encore ouverte pour le membre du tribunal qui publie. Le juge de district zurichois a clairement ignoré ces limites en laissant entrevoir l'impunité aux activistes climatiques (voir n. 47). A l'inverse, il ne faut pas oublier la valeur des activités journalistiques des membres des tribunaux. D'une part, le public peut profiter de précieuses contributions au discours, guidées par des connaissances spécialisées et l'expérience pratique. D'autre part, les participants à la procédure peuvent en tirer des informations utiles, par exemple sur des questions juridiques centrales, des lignes d'argumentation importantes, etc. Dans l'ensemble, il ne faut donc pas appliquer des critères trop stricts. Le Tribunal fédéral va à mon avis trop loin lorsqu'il attend de ses membres (ne serait-ce que) qu'ils "ne s'expriment en principe pas sur des questions politiques" et qu'ils "s'abstiennent de critiquer d'autres opinions".
36 Enfin, il existe une jurisprudence abondante sur la problématique de la pré-saisine et de la saisine multiple, c'est-à-dire du cumul des rôles. Dans ce cas, le problème de la partialité (présumée) réside dans le fait que le membre du tribunal en question s'est déjà occupé de l'affaire litigieuse avant le stade actuel de la procédure, éventuellement dans un autre rôle judiciaire. "Dans un tel cas ... la question se pose de savoir si un membre du tribunal, par sa participation à des décisions antérieures, s'est déjà engagé sur certains points dans une mesure qui ne le fait plus apparaître comme impartial et, en conséquence, qui ne fait plus apparaître la procédure comme ouverte". Comme l'indique clairement l'accentuation ajoutée dans la description du problème par le Tribunal fédéral, il ne découle pas automatiquement d'une saisine préalable un manque d'impartialité. Il n'y a de place pour une appréciation judiciaire de l'impartialité litigieuse que dans la mesure où des règles codifiées font défaut. Lorsqu'un tribunal doit évaluer l'admissibilité d'une pré-saisine ou d'une saisine multiple, trois considérations sont au premier plan : premièrement, quelles sont les questions que le membre du tribunal litigieux doit trancher dans ses deux rôles et à quel point ces questions sont étroitement liées, en particulier si elles sont éventuellement très similaires, voire identiques ; deuxièmement, quelle est la marge de décision dont dispose le membre du tribunal lors de l'évaluation de ces questions ; troisièmement, à quel point le membre du tribunal s'est déjà exprimé de manière décidée sur les questions auxquelles il doit à nouveau répondre lors de sa première saisine.
c. Désignation politique (de parti) des tribunaux
37 Les procédures traditionnelles d'élection et surtout de réélection des membres des tribunaux par des organes politiques d'élection (parlement, corps électoral) représentent sans doute en Suisse le plus grand défi systémique à l'indépendance et à l'impartialité des tribunaux. Par exemple, les juges fédéraux sont élus par l'Assemblée fédérale réunie (Conseil national et Conseil des États) pour un mandat de six ans. Leur réélection est ensuite possible sans restriction jusqu'à l'âge de la retraite. Cette combinaison d'une durée de mandat relativement courte et de la possibilité d'une réélection politique est très répandue en Suisse. Son problème réside dans le fait qu'elle comporte le risque d'inciter les membres des tribunaux, qui craignent d'être réélus, à rendre des jugements "politiquement favorables". Le Tribunal fédéral reconnaît également ce problème. En effet, les élections passées au Tribunal fédéral ont montré qu'il pouvait y avoir au moins des tentatives d'influence politique dans ce sens.
38 Une évolution récente de la jurisprudence du Tribunal fédéral pourrait atténuer le problème, bien qu'elle ne concerne pas directement l'indépendance des juges. Le Tribunal fédéral a indiqué qu'il considérait qu'il y avait un besoin de protection juridique en cas de non-réélection de membres de tribunaux. Il fonde ce besoin de protection juridique sur les droits fondamentaux du membre du tribunal non réélu, et non sur le droit des parties à la procédure à un tribunal indépendant. Néanmoins, le Tribunal fédéral limite ainsi la liberté des organes compétents (en général le parlement ou le peuple des cantons) de ne pas réélire les membres des tribunaux. A l'inverse, il renforce ainsi l'indépendance institutionnelle des tribunaux. En effet, si le Tribunal fédéral limite la possibilité pour les organes électoraux de refuser la réélection de membres des tribunaux pour des raisons politiques, il limite bien entendu aussi leur possibilité d'exercer des pressions sur les membres des tribunaux qui doivent être réélus.
39 La culture constitutionnelle suisse et sa conception de la séparation des pouvoirs expliquent la volonté de notre pays d'accepter les risques liés au fait que les membres des tribunaux doivent se soumettre à des réélections périodiques par des organes politiques. Dans ce pays, il existe traditionnellement un certain scepticisme à l'égard des organes "élitaires" qui ne sont pas soumis au contrôle politique, c'est-à-dire au contrôle démocratique de la majorité, ou qui ne le sont que de manière limitée. Les pouvoirs législatifs (le Parlement ainsi que le peuple et les cantons) sont considérés comme souverains et doivent avoir le "dernier mot". En comparaison internationale, on accorde donc une grande importance à l'"accountability" politique (le potentiel de devoir rendre des comptes) et à la légitimité démocratique des tribunaux, tandis que l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir législatif est relativement peu pondérée. En tant que contrepartie de l'État de droit à la démocratie majoritaire et à ses acteurs politiques, les tribunaux suisses sont donc dans une position relativement faible.
40 La possibilité pour les organes électoraux politiques d'influencer les tribunaux via leur compétence de réélection présuppose une connaissance du comportement décisionnel individuel des membres des tribunaux. C'est pourquoi le comportement décisionnel individuel des juges, comparativement peu transparent en Suisse, désamorce le problème. Premièrement, le comportement de vote individuel au sein d'une formation de jugement n'est généralement pas clairement visible. Deuxièmement, la plupart des tribunaux suisses ne publient pas de "votes spéciaux" dans lesquels les membres du tribunal exposent leur opinion juridique individuelle de manière motivée. Ainsi, les autorités politiques chargées des élections ne disposent pas des connaissances nécessaires pour rendre la réélection de certains juges indésirables plus difficile, voire pour la leur refuser.
41 A l'inverse, on fait valoir que le problème en question s'aggrave en raison de l'appartenance de fait nécessaire des membres des tribunaux à un parti et du paiement d'une "obole" (c'est-à-dire d'une taxe de mandat en pourcentage du salaire, qui n'est pas versée tout à fait volontairement au propre parti). Etant donné qu'en Suisse, les postes de juges dans les plus hautes juridictions en particulier sont attribués selon la proportionnalité des partis parlementaires, l'affiliation à un parti liée à une taxe de mandat constitue de facto une condition d'éligibilité.
42 L'appartenance contributive des membres des tribunaux à un parti politique pose principalement un problème d'apparence de manque d'ouverture dans le processus de jugement plutôt qu'un problème d'indépendance des juges. Le soutien financier et l'appartenance à un parti donnent l'impression d'un certain parti pris idéologique et politique. Le système est justifié par le fait qu'il garantit une représentation équilibrée des différentes visions du monde (le pluralisme social) au sein des tribunaux. Cette justification perd toutefois de sa plausibilité dans la mesure où les sections internes des tribunaux, qui forment les formations de jugement, manquent d'hétérogénéité partisane.
43 Le préjugé politique et idéologique des membres des tribunaux dont il est question ici est un phénomène subjectif, inhérent à la personne du membre du tribunal. Indépendamment du système électoral et de l'appartenance (ou non) à un parti, les membres des tribunaux ont des convictions et des visions du monde personnelles. C'est pourquoi il convient, à mon avis, d'essayer de représenter le plus largement possible ces différents états d'esprit (également) au sein du pouvoir judiciaire. Le système en vigueur ne garantit pas que cela soit possible, mais il manque manifestement des alternatives supérieures à l'appartenance à un parti pour représenter dans le pouvoir judiciaire les différentes visions du monde politico-idéologiques représentées dans la communauté politique.
44 La pluralité idéologique des tribunaux pourrait cependant aussi être ignorée ou laissée au hasard. Ainsi, l'"initiative sur la justice" voulait désigner les membres du Tribunal fédéral par tirage au sort après une présélection par une commission d'experts (rejetée en votation populaire). Comme l'explique Ammann, le tirage au sort "arationnel", c'est-à-dire soustrait à toute influence humaine, serait de nature à renforcer l'indépendance des juges. Toutefois, des arguments de poids s'opposent également à la désignation des tribunaux par tirage au sort. Premièrement, un tirage au sort comporte le risque d'une sélection unilatérale des candidats, sans tenir compte des probabilités statistiques. Le comité d'initiative en était bien conscient. Le texte de l'initiative indiquait que le tirage au sort devait être organisé de manière à ce que "les langues officielles [mais uniquement les langues officielles et non d'autres critères tels que le sexe, les régions du pays, les positions politiques, etc.] soient représentés de manière adéquate au sein du Tribunal fédéral". Deuxièmement, la tentative de garantir à la fois le hasard et la diversité pose le problème suivant : si une présélection était effectuée sur la base de diverses caractéristiques personnelles telles que la langue, le sexe, l'origine, etc. pour une fonction au sein de la plus haute juridiction suisse, pour laquelle il n'y a a priori que peu de candidats qualifiés, ce serait moins le tirage au sort que la présélection de la commission spécialisée qui déciderait, faute de noms restants. Cela entraînerait, outre de nouveaux risques concernant l'indépendance des juges, une diminution de la légitimité démocratique de l'organe de présélection. Il pourrait être souhaitable de trouver une voie médiane entre le système actuel et la compétence d'un comité d'experts. Une idée de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats allait dans ce sens. Un "conseil d'experts" devait conseiller la Commission judiciaire des Chambres fédérales lors de la préparation des élections au Tribunal fédéral. La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a toutefois classé l'affaire, tout en admettant que la procédure électorale actuelle pouvait être améliorée.
45 Dans le présent contexte, il faut enfin tenir compte du problème des structures d'organisation et de pouvoir internes aux tribunaux. Dans la mesure où les positions idéologiques de certains membres du tribunal sont connues, il existe un risque que les membres dirigeants du tribunal tentent de composer des formations de jugement "adaptées" ou de procéder à des promotions et des nominations dans leur sens. On peut se demander si le législateur pourrait prévenir ce problème. Il pourrait garantir la proportionnalité des partis (peut-être la meilleure des options insuffisantes pour garantir des tribunaux politiquement pluriels) non seulement lors de la nomination des juges, mais aussi dans le cadre de l'organisation judiciaire légale. Cela présenterait toutefois d'autres inconvénients importants, notamment en ce qui concerne la composition adéquate des formations de jugement sur le plan technique et linguistique et l'auto-organisation de la justice en tant que conséquence de son indépendance vis-à-vis de la politique.
46 En résumé, il est complexe d'évaluer l'indépendance et l'impartialité des tribunaux, qui sont difficiles à séparer. Garantir l'indépendance et l'impartialité des juges est tout aussi exigeant que leur évaluation est difficile et potentiellement controversée. Comme l'écrit Kiener, il serait "naïf" de croire "qu'il existe des organes électoraux "politiques" et "apolitiques"" ou qu'il existe des organes et des procédures électorales exempts de problèmes. Une évaluation définitive ne peut se faire qu'au cas par cas et dépend de divers critères, parmi lesquels, outre la procédure d'élection, la durée du mandat et la révocabilité (ou non) des membres du tribunal, les mesures de protection contre les tentatives d'influence extérieure du tribunal ainsi que l'apparence d'indépendance de celui-ci. Il serait donc erroné de conclure globalement que les tribunaux suisses ne satisfont pas aux exigences d'indépendance et d'impartialité politiques en raison de leur nomination politique (partisane). L'État de droit suisse, y compris le fonctionnement de ses tribunaux, se porte bien dans la pratique. C'est ce que montre également l'évaluation (apparemment) paradoxale du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) qui, bien que les procédures électorales suisses ne correspondent guère aux normes internationales, constate que "les juges des tribunaux fédéraux ne semblent pas être soumis à une pression politique directe dans l'exercice de leurs fonctions".
47 Néanmoins, le problème systémique de l'apparence indiscutable de la couleur politique des membres des tribunaux locaux ne doit pas être nié. Pour l'atténuer, quelques modifications du système d'élection des tribunaux suisses seraient les bienvenues. Comme le recommande le GRECO, il faudrait mettre fin à la pratique de tous les partis de prélever des frais de mandat et introduire des durées de mandat longues et fixes (idéalement en conservant un âge de retraite). Certes, le reproche de partialité idéologique ou politique pourrait ainsi continuer à être formulé, mais ce type de partialité semble à lui seul trop abstrait pour pouvoir remettre en question l'impartialité judiciaire dans un cas particulier ; du moins tant qu'aucune autre circonstance ne vient s'y ajouter. Ce dernier cas s'est manifestement produit récemment avec un juge de district zurichois qui non seulement sympathisait ouvertement avec les activistes climatiques dans la salle d'audience, mais qui a également fait savoir qu'il les acquitterait systématiquement à l'avenir, à condition qu'ils ne deviennent pas violents. Ces changements relativement modestes mettraient en revanche fin à l'existence (apparente) de rapports de quasi-mandat et d'influence politique via l'exigence de réélection. Cela permettrait de renforcer la confiance dans la justice tout en conservant sa grande légitimité démocratique.
48 Enfin, il convient de rappeler ce qui suit : Le système actuellement en vigueur ne fonctionne - et ne peut donc être maintenu - que tant que l'ordre politique suisse repose sur un système multipartite concordant, dans lequel le risque de monopolisation politique des postes de juge reste théorique.
5. Absence de limitation
49 En tant que droit fondamental de procédure, l'art. 30 al. 1 Cst. assure une garantie minimale. Les droits découlant de l'art. 30 al. 1 Cst. ne peuvent pas être limités. L'art. 36 Cst. n'est donc pas applicable à cette disposition. Ils sont "résistants aux atteintes" en ce sens que toute restriction constitue une violation inadmissible de l'art. 30 al. 1 Cst. Cela ne signifie toutefois pas que ces droits s'appliquent sans condition, ni que leur contenu de protection ne laisse aucune marge de manœuvre dans leur mise en œuvre, ni que les intérêts contradictoires sont insignifiants lors de leur concrétisation. Une convention d'arbitrage valable et l'acceptation de la procédure d'arbitrage sont considérées comme une renonciation admissible à la procédure garantie par la Constitution devant le tribunal légalement compétent (cf. n. 16).
6. Conséquences juridiques
50 L'art. 30 al. 1 Cst. confère un droit de nature formelle. Sa violation entraîne "l'admission du recours et l'annulation de la décision attaquée, indépendamment du bien-fondé matériel du recours". Pour que ce droit ne soit pas perdu, les vices de procédure doivent être invoqués le plus tôt possible, que ce soit avant, pendant ou après la procédure, c'est-à-dire sans attendre, dans une optique de tactique procédurale, qu'ils soient connus ou qu'ils devraient l'être (principe de la bonne foi, art. 5 al. 3 Cst.). Il ne faut toutefois pas supposer à la légère qu'une partie à la procédure a eu connaissance d'un vice de procédure et a renoncé à le dénoncer ou l'a motivé de manière insuffisante. En cas de vices de procédure graves, il ne doit pas y avoir de péremption des droits découlant de l'art. 30 al. 1 Cst. même s'ils n'ont pas été invoqués en temps utile. Dans des cas particulièrement graves, la décision concernée est nulle, par exemple lorsqu'un membre du tribunal a poursuivi des intérêts personnels.
C. Droit au for du domicile du défendeur civil
51 L'art. 30 al. 2 Cst. garantit en principe à un défendeur civil qu'il sera attrait devant le tribunal territorialement et matériellement compétent pour son domicile (cf. n. 22 ss.). Toutefois, la législation a réglé en détail la compétence territoriale de la juridiction civile (art. 30, al. 2, 2e phrase : "La loi peut prévoir un autre for."). Le principe de l'art. 30, al. 2, première phrase, Cst. n'a donc qu'une importance limitée (voir n. 54).
52 L'art. 30 al. 2 Cst. a un large champ d'application. Personnellement, il englobe toutes les personnes physiques et morales ayant leur siège (domicile) en Suisse selon le droit national. Matériellement, il englobe toutes les actions dont l'objet relève matériellement du droit civil, et pas seulement les créances obligatoires, par exemple.
53 L'art. 30 al. 2 phrase 1 Cst. confère au défendeur de droit civil le droit justiciable d'être attrait dans son canton de domicile devant le tribunal compétent selon l'organisation judiciaire cantonale. Ce droit peut avoir des effets internationaux, intercantonaux et intracantonaux.
54 L'art. 30, al. 2, 2e phrase, Cst. prévoit une réserve de grande portée à ce principe. Il laisse au législateur le soin de prévoir des exceptions à la garantie du juge du domicile (y compris par le biais de traités internationaux), sans préciser les conditions dans lesquelles de telles exceptions sont autorisées. En raison de la codification étendue de la procédure civile, y compris des procédures internationales, il ne reste que peu de place pour le principe du juge du domicile selon l'art. 30, al. 2, première phrase, Cst.
55 Si le défendeur renonce à son droit au juge du domicile, l'art. 30, al. 2, première phrase, Cst. perd naturellement sa signification. C'est le cas en cas de comparution (omission de l'exception d'incompétence) ainsi qu'en présence d'une convention d'élection de for ou d'arbitrage valable.
56 L'art. 30 al. 2 phrase 1 Cst. n'est donc aujourd'hui qu'un droit fondamental supplétif et une aide à l'interprétation. La disposition joue le rôle d'une garantie subsidiaire en l'absence d'une réglementation légale ou d'une convention internationale. L'art. 30, al. 2, 1re phrase, Cst. remplit la fonction d'aide à l'interprétation lorsqu'il s'agit d'interpréter des dispositions de lois, de traités internationaux ou de conventions d'élection de for (interprétation législative conforme à la Constitution).
D. Procédures judiciaires publiques
57 L'art. 30 al. 3 Cst. garantit la publicité de la justice, concrètement des débats judiciaires et du prononcé des jugements. La transparence est ainsi assurée, ce qui permet au "public en général" de contrôler le pouvoir judiciaire dans le respect de la séparation des pouvoirs. La présente section traite de la publicité des procédures, la suivante s'intéresse au prononcé public des décisions de justice (infra E.).
1. Champ d'application et portée
58 Selon le libellé du titre de l'art. 30 Cst. ("Procédures judiciaires") et de son al. 3 (première phrase : "Les débats judiciaires et le prononcé des jugements sont publics."), le principe de la publicité des débats judiciaires s'applique à tous les domaines du droit. Malgré cela, le Tribunal fédéral part du principe que le champ d'application de ce principe est limité aux procédures civiles et pénales, à savoir en conformité avec l'article 6, chiffre 1 CEDH. Cette conception juridique doit être rejetée. Il n'est pas possible de déduire du message relatif à la Constitution fédérale de 1999 un rétrécissement correspondant du champ d'application de l'art. 30 al. 3 Cst. et l'on ne voit pas non plus de raisons objectives pour lesquelles l'exigence de transparence et la possibilité de contrôle du pouvoir judiciaire seraient moins pertinentes dans le domaine du droit public que dans le domaine du droit civil et pénal. Le fait que le législateur ait légiféré dans le sens du Tribunal fédéral (mais, à mon avis, de manière anticonstitutionnelle) en prévoyant le principe de la forme écrite pour la procédure devant le Tribunal administratif fédéral n'y change rien.
59 Selon la pratique et la littérature du Tribunal fédéral, le principe de la publicité des débats ne s'applique pas aux procédures d'arbitrage. La raison invoquée est que la publicité des débats serait contraire au sens et au but des clauses d'arbitrage. Schefer/Schaub montrent cependant que de bonnes raisons s'opposent à ce qu'une différence de principe soit faite dans ce domaine entre les procédures d'arbitrage et les procédures devant les tribunaux étatiques. La sentence arbitrale est un acte de souveraineté qui devrait par conséquent être transparent au même titre et pour les mêmes raisons que les décisions des tribunaux étatiques. C'est précisément dans les litiges économiques de grande envergure que les consommateurs, les salariés, les assurés, etc. peuvent avoir un intérêt public élevé à l'arbitrage.
60 Le champ d'application du droit à une procédure publique doit ensuite être déterminé d'un point de vue horizontal (étapes de la procédure) et vertical (voies de recours). D'un point de vue horizontal, seules les audiences au cours desquelles les parties sont confrontées l'une à l'autre et au tribunal sont couvertes. Sont exclues la procédure préliminaire, la délibération judiciaire et le vote au sein du tribunal collégial. Sont réservées les lois de procédure contraires, qui imposent par exemple au Tribunal fédéral de tenir des délibérations publiques lorsqu'il n'y a pas unanimité dans une affaire.
61 La publicité des débats judiciaires revêt une grande importance, surtout devant les instances judiciaires inférieures. C'est là, où se trouve la compétence pour l'établissement des faits et les questions de fait, que se déroulent habituellement les processus cognitifs centraux et les plaidoiries des parties. Si au moins une audience publique a eu lieu, le droit à des débats publics (oraux) devant les instances de recours n'est plus que conditionnel. Il suppose qu'une audience orale se justifie dans un cas particulier, compte tenu d'intérêts contraires, par exemple le jugement rapide de l'affaire.
62 En ce qui concerne l'effet protecteur, le Tribunal fédéral a fortement réduit la portée de la publicité des débats judiciaires par sa jurisprudence selon laquelle il n'existe pas de droit à une audience publique, mais seulement un droit à la publicité des débats prévus par la loi de procédure. Comme Steinmann le constate à juste titre, la protection de l'art. 30 al. 3 Cst. est ainsi entièrement laissée à l'appréciation du législateur procédural. Cela ne peut pas être la tâche d'un droit fondamental constitutionnel. C'est pourquoi il faut exiger, avec Steinmann, un "droit à la tenue de débats publics ... qui sont nécessairement oraux". Le droit international public garantit un tel droit dans les procédures civiles et pénales, où l'art. 6 ch. 1 CEDH exige de manière générale des débats publics. Les affaires de droit public restent en principe exclues de ce droit conventionnel, de sorte qu'elles ne doivent être traitées publiquement (oralement) que si le droit de procédure le prévoit. Cette lacune dans la protection juridique des droits fondamentaux s'est toutefois réduite : L'art. 6 ch. 1 CEDH couvre de nombreuses affaires considérées comme des litiges administratifs par le droit national, soit parce qu'elles relèvent du domaine des "droits et obligations de caractère civil", interprété de manière large par la CEDH, soit (plus rarement et principalement dans le domaine des mesures disciplinaires) parce qu'elles sont considérées comme "pénales" par le droit conventionnel.
63 Par publicité des débats, on entend le public et les médias. Cela n'inclut toutefois pas le droit d'enregistrer des sons et des images.
64 La qualité de titulaire de droits fondamentaux doit être expliquée dans ce contexte. Les parties à la procédure sont elles-mêmes titulaires de droits fondamentaux dans la mesure où l'art. 30 al. 3 Cst. protège leurs intérêts. A titre d'exemple, l'accusé peut souhaiter pouvoir se défendre lors d'une audience publique, alors qu'à l'inverse, il est également concevable que la personne accusée ne souhaite justement pas la publicité. Les titulaires de droits fondamentaux sont également le public (tiers non concernés) et les médias (cf. aussi art. 16 al. 3 Cst., "Liberté d'information"). Ils ont le droit d'exiger l'accès à une audience, mais pas d'exiger une audience. Comme les parties à la procédure ne sont pas les seules à être titulaires de droits fondamentaux au sens de l'art. 30 al. 3 Cst. et que cette disposition protège également les intérêts de tiers, les parties à la procédure ne peuvent pas renoncer à la publicité des débats ("pas de droit au huis clos") ; en d'autres termes, les tribunaux ne sont pas tenus d'accéder à la demande des parties d'exclure ou de limiter la publicité.
2. Limitabilité
65 Contrairement au principe selon lequel les droits fondamentaux procéduraux sont des normes minimales non susceptibles de restrictions, le droit à la publicité des débats judiciaires est susceptible de restrictions, pour autant que celles-ci servent un intérêt public prépondérant et soient proportionnées. Comme toutes les restrictions des droits fondamentaux, les limitations de la publicité des débats judiciaires doivent être examinées séparément pour chaque cas particulier quant à leur proportionnalité et leur admissibilité. Les règles générales telles que celles de l'art. 54 al. 4 CPC, selon lesquelles les procédures en matière de droit de la famille ne sont pas publiques, ne résistent pas à ce critère. Sont considérés comme intérêts publics admissibles l'ordre et la sécurité publics, les mœurs, les intérêts nationaux, la protection des intérêts de la sphère privée ainsi que des enfants et des jeunes et l'administration de la justice elle-même. La proportionnalité exige une pesée des intérêts opposés au cas par cas, en tenant particulièrement compte de l'importance de la couverture médiatique des tribunaux ("fonction de gardien" des médias, médias en tant que "public watchdogs").
66 De manière générale, les procédures de droit public sont largement marquées par la forme écrite en raison de considérations d'économie de procédure, de sorte qu'aucune audience publique n'a régulièrement lieu. Cela n'est pas contraire aux garanties internationales de procédure, qui ne s'appliquent qu'aux procédures civiles et pénales, mais n'est pas compatible, à mon avis, avec l'art. 30 al. 3 Cst. en vigueur (voir N. 7, N. 58). En supposant que le droit de procédure administrative en vigueur accorde une importance appropriée à l'économie de procédure, il faudrait préciser le libellé de l'art. 30 al. 3 Cst. dans ce sens ; autrement dit, les procédures administratives devraient être exclues, du moins en principe, du champ d'application de la publicité des débats judiciaires.
67 Si le droit à une audience publique est restreint de manière illicite (c'est-à-dire violé), cela entraîne comme conséquence juridique l'annulation du jugement, à moins que le vice ne puisse être réparé dans la procédure de recours, en faisant en sorte que l'audience publique soit tenue devant cette instance. Cela présuppose que l'instance de recours dispose du même (plein) pouvoir de cognition que l'autorité judiciaire inférieure. Dans la procédure devant le Tribunal fédéral notamment, il ne devrait donc normalement pas être possible de remédier à une violation du principe de transparence. De toute façon, la réparation de vices de procédure d'instances inférieures dans la procédure de recours est problématique. Elle raccourcit en particulier les voies de recours, car dans cette constellation, l'instance de recours statue pour la première fois dans une procédure correcte.
E. Prononcé public du jugement
68 Le public doit avoir connaissance non seulement du procès, mais aussi du résultat d'une procédure judiciaire, afin de pouvoir exercer une fonction de contrôle vis-à-vis du pouvoir judiciaire (cf. n. 3, n. 57). C'est pourquoi l'art. 30 al. 3 Cst. prévoit que les décisions judiciaires doivent être prononcées ou publiées publiquement. Dans la pratique, il y a encore actuellement, surtout au niveau cantonal, un énorme obstacle à la publication en ligne sans problème, à laquelle on pourrait s'attendre aujourd'hui, de tous les jugements judiciaires entrant dans le champ d'application (voir n. 69) de cette disposition.
1. Champ d'application et portée
69 La publicité de la justice et de ses jugements a un large champ d'application à deux égards. Premièrement, elle s'applique à toutes les procédures judiciaires de toutes les branches du droit, même celles devant des instances inférieures et/ou d'une importance objectivement moindre (y compris les ordonnances pénales, les ordonnances de non-lieu et de classement sans suite) ; là aussi, il convient de respecter pleinement les principes du contrôle démocratique, de la légalité et de l'équité procédurale. Il n'est pas non plus indiqué de limiter la publicité des jugements aux jugements qui ne sont pas encore entrés en force ou qui ont été annulés par une instance de recours. Les explications données au n. 59 s'appliquent par analogie aux sentences arbitrales. Deuxièmement, l'obligation de publication selon l'art. 30 al. 3 Cst. est complète dans la mesure où elle englobe les jugements dans leur intégralité ; c'est-à-dire que doivent être publiés, outre les considérants, les constatations de fait, le dispositif avec la décision du tribunal, y compris les conséquences financières, et le rubrum avec le numéro de dossier et la date de la décision, les indications sur l'objet du litige, la formation de jugement et sa composition ainsi que sur les parties et leurs représentants légaux.
70 La publicité des jugements exige traditionnellement "qu'à l'issue d'une procédure judiciaire, le jugement soit prononcé en présence des parties ainsi que du public et des représentants des médias", mais le sens et le but de la publicité des jugements judiciaires exigée par la Constitution peuvent également être garantis au moyen d'autres formes de publicité, par exemple la mise à disposition du public, la publication officielle ou la publication en ligne d'un jugement. Ces dernières formes de publication sont des alternatives équivalentes et non pas subsidiaires à la lecture orale du jugement. L'obligation de prononcer le jugement publiquement revêt une importance particulière dans les (nombreuses) procédures dans lesquelles il n'y a pas d'audience publique ni de délibération orale du jugement. En revanche, un droit à la notification d'une copie d'un jugement ne découle pas de l'art. 30 al. 3 Cst.
71 Compte tenu du but de la publicité des jugements, qui est de permettre la confiance dans la justice et le contrôle de celle-ci, le cercle des titulaires de droits fondamentaux est également large. Les parties à la procédure ont généralement le droit de connaître leur jugement en raison de leur implication directe. Le droit fondamental spécifique à la publication des décisions de justice protège en outre en particulier les intérêts légitimes du grand public et surtout de la couverture médiatique des tribunaux, qui ne doivent en principe pas être justifiés davantage. En conséquence, les parties ne peuvent ni renoncer à la publicité du jugement, ni exiger la non-publication de leur jugement (anonymisé).
2. Limitation
72 Comme la publicité des procédures judiciaires, la publicité des jugements n'est pas absolue (voir n. 65). Elle peut être limitée au cas par cas dans le cadre d'une pesée des intérêts (contrôle de la proportionnalité), si des intérêts publics ou privés contraires l'emportent et si la loi elle-même prévoit une exception correspondante. En particulier, les jugements des tribunaux ne sont régulièrement rendus accessibles au public que sous forme anonymisée en raison de la protection de la personnalité des parties à la procédure. La possibilité que des personnes anonymisées restent identifiables ne doit pas être exclue. L'intelligibilité du jugement impose notamment des limites à son anonymisation. Dans ces limites, la publication de jugements simplement abrégés est également autorisée. Il est difficilement concevable que des circonstances puissent justifier la renonciation totale à la publication d'une version même abrégée et anonymisée d'un jugement. Dans les procédures civiles et pénales au sens de l'art. 6 CEDH, cela ne serait de toute façon pas compatible avec le ch. 1 de cette disposition.
73 Une violation du droit à la publicité d'un jugement peut être réparée de manière relativement simple, à savoir que l'instance de recours oblige l'instance inférieure à publier le jugement a posteriori.
A propos de l'auteur
Reto Walther, docteur en droit, juriste, Office fédéral de la justice, a publié et enseigné le droit public, le droit administratif et le droit international. Il travaille actuellement, sur la base de sa thèse de doctorat, au projet de livre "Subsidiarity, Legitimacy, and the European Court of Human Rights" pour Oxford University Press.
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