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CYBERCRIME CONVENTION
ORDONNANCE SUR LE REGISTRE DU COMMERCE
- I. Objet de la réglementation et notion de reconnaissance
- II. Champ d'application et cognition du tribunal de reconnaissance
- III. Les principes du système de reconnaissance de la Convention de Lugano
- IV. Conséquences juridiques de la reconnaissance
- Bibliographie
I. Objet de la réglementation et notion de reconnaissance
1 En vertu du principe de territorialité, les décisions judiciaires, en tant qu'actes de souveraineté étatique, produisent des effets juridiques exclusivement dans l'État de jugement. Pour qu'une décision puisse produire des effets juridiques dans un autre État, il faut en principe qu'elle soit reconnue. La reconnaissance constitue un acte de souveraineté étatique, par lequel une décision étrangère ou certaines conséquences juridiques de la décision (en cas de reconnaissance partielle) sont admises dans l'ordre juridique national. En conséquence, avec la reconnaissance, la décision est acceptée comme contraignante et n'est plus remise en question. La reconnaissance a pour conséquence que la décision étrangère se voit attribuer certaines conséquences juridiques dans le pays. En revanche, si la décision n'est pas reconnue, elle ne produit pas d'effets juridiques dans l'État de reconnaissance.
2 La reconnaissance doit être distinguée de la déclaration constatant la force exécutoire. Avec la déclaration constatant la force exécutoire, la décision est admise à l'exécution forcée dans l'État d'exécution (cf. art. 38 al. 1 CL) et devient ainsi exécutoire. La déclaration constatant la force exécutoire peut donc être considérée comme une véritable procédure intermédiaire entre la reconnaissance et l'exécution. Le principe est que la déclaration constatant la force exécutoire présuppose une reconnaissance préalable. Dans le domaine d'application de la convention, ce principe doit toutefois être relativisé dans la mesure où les motifs de refus de reconnaissance selon l'art. 34 s. Lugano ne sont pas examinés avant la reconnaissance. CL ne doivent être examinés que si le défendeur à l'exécution s'oppose par un recours à la déclaration constatant la force exécutoire déjà délivrée (cf. art. 43 al. 1 CL en relation avec l'art. 45 al. 1 CL). De même, la déclaration constatant la force exécutoire ne présuppose pas qu'une reconnaissance ait déjà eu lieu. Il est plutôt présupposé que la décision à exécuter remplit les conditions de reconnaissance et a un contenu exécutoire (mais pas nécessairement reconnaissable).
3 Il n'existe pas d'obligation générale de droit international public de reconnaître les décisions étrangères. Les dispositions des articles 32 à 37 de la CL prévoient toutefois une telle obligation. Il s'agit là des véritables dispositions centrales de la convention. Ces dispositions règlent la reconnaissance de la décision d'un État contractant (appelé État d'origine ou État de jugement) dans un autre État contractant de la Convention de Lugano (appelé État de reconnaissance). Ainsi, les décisions des États contractants sont valables sur l'ensemble du territoire de la Convention. Dans leur domaine d'application, les dispositions de la Convention supplantent le droit national des États contractants. Le droit national ne peut donc être invoqué que dans la mesure où la convention elle-même y renvoie. Le contenu réglementaire des art. 32 ss. La CL est toutefois limitée. Ils règlent exclusivement la procédure de reconnaissance ainsi que les conditions de reconnaissance.
II. Champ d'application et cognition du tribunal de reconnaissance
4 Le champ d'application des dispositions de reconnaissance est limité, du point de vue géographique et personnel, aux décisions rendues par les États contractants (art. 32 CL). Les jugements d'un État non partie à la Convention ne sont en revanche pas compris dans le champ d'application (à l'exception de leur effet de blocage selon l'art. 34 ch. 4 CL). De tels jugements doivent être reconnus selon le droit national autonome de l'État de reconnaissance (c'est-à-dire, en Suisse, selon la LDIP ou un autre traité international applicable). En revanche, la base de compétence sur laquelle le tribunal de l'État contractant a fondé sa compétence n'est pas pertinente. Par conséquent, les décisions rendues sur la base d'un for exorbitant au sens de l'art. 3, al. 2, ou de l'art. 4, al. 2, CL peuvent également être reconnues et déclarées exécutoires conformément aux dispositions de la convention. De même, il n'est pas nécessaire que le litige à l'origine de la décision à reconnaître ait un caractère international. Par conséquent, les décisions portant sur des affaires purement internes peuvent également être reconnues.
5 Du point de vue matériel, il faut en outre que la décision à reconnaître ait été rendue dans un litige relevant du champ d'application matériel de la Convention (art. 1 CL). Il doit donc s'agir d'une décision en matière civile et commerciale (art. 1, al. 1, CL), aucun des motifs d'exclusion prévus à l'art. 1, al. 2, CL ne devant être présent.
6 Enfin, les conventions spéciales qui règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution et auxquelles tous les États contractants ou certains d'entre eux sont parties, priment également sur la convention (art. 67 CL).
7 Le tribunal de reconnaissance décide de manière autonome de l'application des dispositions de la convention relatives à la reconnaissance et à l'exécution. Conformément à l'art. 35 al. 2 CL, le tribunal chargé de la reconnaissance est toutefois lié par les constatations de fait du tribunal d'origine.
III. Les principes du système de reconnaissance de la Convention de Lugano
A. Libre circulation des jugements
8 Le système parallèle au système de Lugano (le système de Bruxelles I) a pour objectif principal de réaliser la libre circulation des jugements des États membres. Une protection juridique transfrontalière efficace doit ainsi être garantie. Toutes les règles du règlement européen sur la compétence judiciaire sont conçues dans ce but. Ainsi, l'unification du droit de la compétence devrait, dans la mesure du possible, empêcher les objections à la reconnaissance en raison d'un manque de compétence de la juridiction d'origine. De la même manière, la CL vise à faciliter la reconnaissance mutuelle des décisions des États contractants. Par conséquent, la promotion de la libre circulation des jugements des États contractants ("libre circulation des jugements") constitue l'objectif principal des deux systèmes.
9 La libre circulation des jugements a été développée au sein de la Communauté européenne en tant que concept réglementaire lié à la libre circulation des marchandises et se fonde sur le principe du pays d'origine en droit de l'Union. Le principe du pays d'origine trouve son origine dans la reconnaissance des actes administratifs lors de l'admission de marchandises au sein de la Communauté européenne. En application de ce principe, les produits et services autorisés dans l'État membre d'origine étaient traités comme des produits et services nationaux dans l'État membre de destination. Avec le principe de reconnaissance mutuelle des décisions des États membres dans le système de Bruxelles I, ce principe a été transposé dans le droit procédural. Dans cette mesure, un jugement étranger d'un État membre devrait être assimilé à un jugement national. Par conséquent, une décision d'un État membre devrait également être reconnue de telle sorte qu'un contrôle ne soit effectué que pour faire valoir les intérêts fondamentaux de l'État de reconnaissance.
10 Pour atteindre cet objectif, les obstacles à la reconnaissance ont été continuellement supprimés et la procédure de reconnaissance a été simplifiée depuis la conclusion de la convention de Bruxelles initiale. Il en va de même pour le système parallèle de Lugano. Les dispositions de la convention doivent donc être interprétées de manière à réduire au minimum les obstacles à la reconnaissance transfrontière des décisions des États contractants au sein de la convention. Par conséquent, la notion de décision au sens de l'article 32 de la CL doit être comprise de manière globale. En outre, les décisions de l'État contractant doivent être reconnues automatiquement et "sans procédure spéciale" dans un autre État contractant (art. 33, al. 1, CL). Enfin, les obstacles à la reconnaissance prévus par la convention doivent être interprétés de manière stricte et se limiter à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre leur objectif. Sur la base de ce principe, on admet parfois un principe de faveur pour la convention, selon lequel le droit national de la reconnaissance serait encore applicable s'il contient des dispositions plus favorables à la reconnaissance. Le caractère exhaustif des dispositions de reconnaissance de la convention s'oppose toutefois à un tel principe de faveur. De plus, les règles de reconnaissance servent également à protéger le défendeur. Cette protection risque d'être mise à mal si un droit national plus favorable à la reconnaissance peut être appliqué.
B. Principe de confiance légitime
11 Pour garantir une telle liberté de jugement, il faut une confiance mutuelle particulière dans l'administration de la justice des États contractants. Seule une telle confiance justifie la renonciation la plus large possible à un contrôle d'office lors de la reconnaissance des décisions des États contractants. La liberté de jugement de la Convention repose donc sur le principe de la confiance mutuelle (principe dit de confiance). En conséquence directe du principe de confiance, les décisions des États contractants ne peuvent en principe pas faire l'objet d'un contrôle par un autre État contractant. Par conséquent, le principe de confiance signifie que chaque juridiction d'un État contractant considère les décisions des autres juridictions d'un État contractant comme équivalentes à ses propres décisions. Ce principe ne figure certes nulle part explicitement dans la convention, raison pour laquelle certains soutiennent que les tribunaux suisses ne sont pas liés par ce principe. Il convient toutefois de noter que de nombreuses dispositions de la Convention reposent sur le principe de confiance. Ainsi, le principe de confiance constitue la base de l'interdiction de l'examen indirect de la compétence selon l'art. 35 al. 3 CL. De même, l'interdiction de la révision au fond (art. 36 CL) repose sur ce principe. En conséquence, on peut supposer que les tribunaux suisses doivent également respecter le principe de confiance.
C. Protection efficace des défendeurs et prévention des décisions inconciliables
12 Une libre circulation des jugements sans frein comporte également des risques. Ainsi, en l'absence de possibilité de réexamen de la décision par l'Etat de reconnaissance, la protection des droits des parties (en particulier du défendeur) peut être contournée. En outre, les intérêts souverains de l'Etat de reconnaissance peuvent être mis en danger. Afin d'éviter de tels abus, la Convention prévoit d'une part des obstacles à la reconnaissance qui doivent garantir une protection efficace du défendeur. Ceux-ci garantissent entre autres que le défendeur a été entendu (art. 34, point 2, CL) et que les compétences de protection contenues dans la convention pour les preneurs d'assurance selon les art. 8 ss. CL ainsi que pour les consommateurs selon les art. 15 ss. Convention de Lugano (art. 35 al. 1 CL). D'autre part, tant le blocage de la litispendance selon l'art. 27 CL que les motifs de refus de reconnaissance selon l'art. 34 n° 3 et 4 CL tentent d'empêcher des décisions incompatibles entre elles. D'une part, la reconnaissance de telles décisions contradictoires serait inacceptable pour les parties, car elles ne sauraient pas clairement à quelle décision elles doivent se conformer. D'autre part, des jugements contradictoires nuiraient à la réputation des organes juridictionnels, ce qui diminuerait la confiance dans l'unité de la justice. Afin d'éviter un tel conflit, le blocage de la litispendance intervient déjà au niveau de la procédure de reconnaissance. Par conséquent, le tribunal de l'État contractant saisi en second lieu doit surseoir à statuer si une procédure portant sur la même demande est pendante devant différents tribunaux de l'État contractant (art. 27, al. 1, CL). Si, malgré ce blocage de la litispendance, des jugements incompatibles entre eux sont rendus, les motifs de refus de reconnaissance prévus à l'art. 34 n° 3 et n° 4 CL s'appliquent au niveau de la reconnaissance. Selon ces dispositions, une décision n'est pas reconnue si elle est incompatible soit avec une décision rendue dans l'État de reconnaissance (n° 3), soit avec une décision antérieure rendue dans un autre État (n° 4).
IV. Conséquences juridiques de la reconnaissance
13 Alors que la convention règle en détail les conditions et la procédure de reconnaissance, elle ne contient aucune disposition explicite sur les conséquences juridiques d'une reconnaissance. Cela soulève en fin de compte deux questions : Premièrement, selon quelle loi faut-il déterminer les conséquences juridiques d'une décision reconnue ? Deuxièmement, quelles sont les conséquences juridiques qui peuvent faire l'objet d'une reconnaissance et donc être reconnues?
A. Détermination des conséquences juridiques de la reconnaissance
1. Théories générales sur les conséquences de la reconnaissance
14 La doctrine est divisée sur la question de savoir sur quelle base juridique les conséquences juridiques d'une reconnaissance doivent être déterminées. Selon la théorie de l'extension des effets défendue par la doctrine dominante, la décision reconnue doit se voir attribuer dans l'État de reconnaissance les mêmes effets juridiques que ceux qui lui sont attribués dans l'État d'origine. En conséquence, sur la base de cette théorie, les effets de la décision doivent être déterminés en fonction du droit de l'État d'origine. La théorie dite de l'assimilation des effets constitue le pôle opposé de la théorie de l'extension des effets. Selon cette théorie, la décision reconnue se voit attribuer les mêmes effets qu'un jugement comparable dans l'État de reconnaissance. Selon cette théorie, les conséquences juridiques de la décision devraient être déterminées selon la lex fori de l'État de reconnaissance. Enfin, la théorie du cumul (restrictive) part du principe que, d'une part, la décision ne doit pas déployer plus d'effets dans l'État de reconnaissance que ceux qui lui sont attribués dans l'État d'origine. D'autre part, les effets de la décision ne doivent pas non plus aller au-delà de ceux de jugements similaires dans l'État de reconnaissance. Ainsi, la théorie du cumul peut être comprise comme la véritable "intersection" des deux "cercles" de la théorie de l'extension des effets et de la théorie de l'assimilation des effets.
2. Conséquences juridiques de la reconnaissance dans le cadre de la CL
a. Théorie de l'extension des effets
15 Les rapports officiels relatifs à la convention de Bruxelles semblent être favorables à la théorie de l'extension des effets. Ainsi, le rapport Jenard indique que la reconnaissance "confère aux décisions les effets qui leur sont attribués dans l'État sur le territoire duquel elles ont été rendues". Le rapport Evrigenis & Kerameus contient des observations similaires.
16 Dans sa jurisprudence Hoffmann, la CJCE semble également soutenir la théorie de l'extension des effets. La Cour a repris le passage susmentionné du rapport Jenard et a souligné que la convention visait à établir, dans la mesure du possible, la liberté de circulation des jugements. La Cour a toutefois relativisé cette affirmation en précisant qu'une décision reconnue doit (seulement) produire en principe les mêmes effets dans l'État de reconnaissance que dans l'État d'origine. L'expression "en principe" implique qu'il existe des exceptions au principe de la théorie de l'extension des effets. Dans des arrêts ultérieurs, la CJCE a maintenu cette relativisation. Elle a précisé qu'il ne fallait pas attribuer à un jugement, lors de son exécution, des effets juridiques qu'il n'aurait pas dans l'État membre d'origine ou qu'un jugement de même nature rendu directement dans l'État d'exécution ne produirait pas. Cette jurisprudence est parfois interprétée par la doctrine comme un soutien à la théorie du cumul.
17 Dans la jurisprudence précitée, la CJCE établit toutefois une distinction claire entre les effets juridiques d'une reconnaissance et ceux d'une déclaration constatant la force exécutoire. La limitation des effets mentionnée se réfère exclusivement aux conséquences juridiques d'une déclaration constatant la force exécutoire. De bonnes raisons plaident en ce sens. Contrairement à la reconnaissance, la déclaration constatant la force exécutoire d'une décision étrangère ne doit justement pas avoir les mêmes effets que dans l'État de condamnation. Au contraire, la déclaration constatant la force exécutoire confère à la décision étrangère un effet qui est également attribué à un titre juridique national exécutoire. En conséquence, la déclaration d'exequatur assimile en quelque sorte le jugement étranger à un jugement national. Cela découle logiquement du fait que l'exécution qui s'ensuit est régie par le droit national (lex fori) de l'État d'exécution. En conséquence, la relativisation effectuée ne peut pas être interprétée comme une approbation de la théorie du cumul lors de la reconnaissance.
18 On peut plutôt déduire de la jurisprudence Hoffmann que la Cour a simplement voulu, par sa relativisation, clarifier la différence entre l'effet de la reconnaissance et l'effet de la déclaration constatant la force exécutoire. Il a été demandé à la CJCE si l'obligation de reconnaissance selon l'article 26 de la Convention de Bruxelles (art. 33 de la Convention de Lugano) obligeait à accorder à une décision de l'État contractant le même effet que celui qui lui était attribué dans l'État d'origine et si elle devait donc être exécutée dans les mêmes cas que dans cet État. La Cour a reformulé cette question et a estimé qu'une décision reconnue en vertu de l'article 26 de la convention de Bruxelles devait en principe avoir le même effet dans l'État requis que dans l'État d'origine. Par cette reformulation, la CJCE sous-entend qu'il convient d'abord de clarifier le principe selon lequel une décision doit avoir les mêmes effets dans l'État de reconnaissance que dans l'État d'origine. Par contre, la Cour a voulu répondre dans un deuxième temps à la question de savoir si la décision doit être exécutée dans les mêmes conditions que dans l'État d'origine. Cela ressort également de la motivation ultérieure de l'arrêt, dans laquelle la Cour constate finalement que la décision ne doit justement pas être exécutée si l'exécution n'est pas possible selon le droit de l'État d'exécution.
19 Dans l'ensemble, la CJCE suit donc la théorie de l'extension des effets pour les conséquences juridiques de la reconnaissance. Il existe toutefois une exception pour l'effet de la force exécutoire. D'une part, cet effet n'est conféré à la décision par l'État de reconnaissance qu'au moment de la déclaration constatant la force exécutoire (art. 38, al. 1, CL). D'autre part, son effet est déterminé selon la théorie du cumul, ce qui fait que la décision n'est pas dotée, avec la déclaration constatant la force exécutoire, d'effets qu'une décision rendue dans l'État d'exécution ne produirait pas.
b. Jurisprudence du Tribunal fédéral
20 Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral semble également suivre la théorie de l'extension des effets. Certes, dans l'ATF 135 III 670, le Tribunal fédéral a estimé que la reconnaissance d'un jugement étranger entraînait en principe l'assimilation à un jugement national. Dans sa jurisprudence ultérieure, le Tribunal fédéral a toutefois précisé, en s'appuyant sur la jurisprudence Hoffmann, qu'une décision reconnue en vertu de la CL doit en principe déployer les mêmes effets dans l'État requis que dans l'État de jugement.
c. Notion autonome d'autorité de la chose jugée
21 Il n'est pas clair dans quelle mesure la CJCE part d'une conception autonome de la force de chose jugée comme autre exception à la théorie de l'extension des effets. La CJCE a fourni les premières approches d'une telle compréhension dans l'arrêt De Wolf/Cox. La Cour a considéré qu'il était incompatible avec le sens des dispositions de reconnaissance de mener une nouvelle procédure entre les mêmes parties sur un objet du litige déjà jugé par une juridiction de l'État contractant. Dans le cas contraire, la deuxième juridiction pourrait se contredire par rapport à un jugement antérieur de l'État contractant et ainsi enfreindre l'obligation de reconnaissance. Bien que la CJCE n'ait pas encore fourni de définition autonome de l'autorité de la chose jugée dans cet arrêt, elle a justifié le blocage de l'autorité de la chose jugée par un objectif européen autonome (notamment la prévention de jugements incompatibles). La Cour a donc estimé qu'il était nécessaire de prévoir, dans le cadre du droit européen de la procédure civile, une exception ne bis in idem en cas d'identité complète de l'objet du litige.
22 La CJCE a ensuite préconisé une portée autonome de la chose jugée dans l'arrêt Gothaer. L'arrêt concernait un jugement dans lequel une juridiction belge s'était déclarée incompétente en raison de la validité d'une clause d'élection de for en faveur des juridictions de l'État contractant, l'Islande. Pour la juridiction allemande saisie ultérieurement, la question s'est posée de savoir si elle était également liée par l'appréciation préjudicielle de la validité de l'accord d'élection de for. La Cour a constaté qu'en droit de l'Union, la notion d'autorité de la chose jugée comprend non seulement le dispositif de la décision en question, mais aussi sa motivation, dans la mesure où elle porte sur le dispositif du jugement et en est donc indissociable. En conséquence, une telle décision de procédure lie aussi bien la décision d'incompétence du tribunal rendue dans le dispositif de l'arrêt que la validité de la convention d'élection de for constatée dans les motifs de l'arrêt, qui porte le dispositif de l'arrêt. La Cour a ainsi créé une notion autonome de l'autorité de la chose jugée, qui englobe aussi bien la question principale jugée que les éventuelles questions préalables jugées. La portée concrète de cette notion de force de chose jugée est cependant très controversée dans la doctrine. La portée de cette notion de force de chose jugée dépend de la question de savoir si cette décision était due aux particularités du cas d'espèce ou si ses conclusions peuvent être généralisées.
23 La CJCE semble, du moins à première vue, limiter ses conclusions aux décisions dans lesquelles une juridiction d'un État contractant se déclare incompétente en raison de la validité d'une clause d'élection de for en faveur d'un autre État contractant. Cela se manifeste également par le fait que la Cour continue à s'orienter vers le principe de la théorie de l'extension des effets. En revanche, les arguments utilisés par la Cour peuvent tout à fait être généralisés. Ainsi, dans sa motivation, la Cour s'est d'une part appuyée de manière déterminante sur l'art. 35, al. 3, aRTCE (art. 35, al. 3, CL), selon lequel la compétence de l'État de jugement ne peut pas être vérifiée lors de la reconnaissance et de l'exécution d'une décision de l'État contractant. Selon la Cour, l'examen des "résultats intermédiaires" serait également contraire à cette interdiction si, en fin de compte, la décision de la juridiction de l'État contractant était remise en question. L'interdiction du contrôle indirect de la compétence s'applique en principe à toutes les décisions de l'État contractant en matière de compétence et ce raisonnement pourrait donc être étendu de manière générale à ces décisions de compétence. La CJCE justifie toutefois sa notion autonome de l'autorité de la chose jugée par le fait que la décision était fondée sur les règles de compétence communes de l'aCJCE. Tout au plus peut-on y voir une limitation de la notion autonome d'autorité de la chose jugée aux cas dans lesquels la décision a été rendue sur la base d'une norme de compétence de la convention applicable uniformément dans tous les États membres.
24 Mais dans la mesure où la CJCE a également fondé sa décision sur l'interdiction de révision du contenu selon l'art. 36 du règlement de Bruxelles (art. 36 de la Convention de Lugano), on peut pour le moins se demander si cette conception de la chose jugée ne s'applique pas même, le cas échéant, aux jugements sur le fond. On trouve des indices possibles d'une telle étendue de la force de chose jugée dans la discussion sur une éventuelle notion européenne autonome de l'objet du litige. Celle-ci se fonde sur la jurisprudence de la Cour de justice concernant la portée du blocage de la litispendance (art. 27, al. 1, CL). Dans ce contexte, la CJCE part également du principe d'une portée autonome du blocage de la litispendance et se base sur le fait de savoir si les demandes respectives concernent au fond la même question (théorie dite du point central). Dans ce contexte, la Cour semble admettre un effet de blocage notamment lorsque l'appréciation des demandes dépend de la même question préalable. Par conséquent, le blocage de la litispendance porte à la fois sur la question principale à juger et sur la question préalable à juger. On pourrait donc soutenir que le blocage de la litispendance et la notion autonome de force de chose jugée reposent sur la même notion d'objet du litige. On peut toutefois objecter que l'extension de l'autorité de la chose jugée aux questions préalables constitue une décision d'appréciation de politique juridique indépendante de la notion d'objet du litige. Ainsi, la notion d'objet du litige est certes déterminante pour l'"effet large" de l'entrée en force, mais pas pour son "effet profond". En conséquence, il n'existe pas de corrélation obligatoire entre l'étendue de l'objet du litige et la question de savoir si les questions préalables participent également à l'autorité de chose jugée.
25 Si l'on examine de plus près la jurisprudence de la CJCE, ce n'est pas tant une notion commune de l'objet du litige qui est au centre de celle-ci, mais plutôt un objectif commun. Ainsi, la Cour semble accorder une importance particulière à l'objectif de prévention des décisions inconciliables. Pour atteindre cet objectif, la CJCE part, dans sa jurisprudence, à la fois d'un large blocage de la litispendance et d'un effet contraignant autonome global de la chose jugée. En suivant systématiquement l'objectif d'empêcher des décisions inconciliables, la Cour a également de bonnes raisons d'admettre un effet international de la chose jugée orienté vers la théorie du noyau dur. Ainsi, comme on le sait, les motifs de refus de reconnaissance de l'article 34, points 3 et 4, de la CL prévoient que la reconnaissance peut être refusée si la décision est "incompatible" avec une décision nationale ou une décision étrangère antérieure. L'incompatibilité est présumée lorsque les décisions concernées ont des effets juridiques qui s'excluent mutuellement. Toutefois, un jugement ne produit en principe des effets juridiques importants que dans la mesure où ses conclusions ont force de loi. En ce sens, la reconnaissance d'une décision considérée comme incompatible au sens de la jurisprudence de la CJCE sur le blocage de la litispendance ne peut être empêchée que si les questions préalables jugées entrent également en force. Dans le cas contraire, il serait possible pour une partie d'engager une nouvelle procédure sur la même question préalable, non pas pendant le procès, mais après la fin de celui-ci, ce qui entraînerait également le risque d'une appréciation divergente et donc d'une décision incompatible avec le jugement antérieur. Néanmoins, il ne faut pas partir du principe que l'objet du litige est identique. Ainsi, l'effet de blocage au niveau de la litispendance selon l'art. 27 CL devrait avoir une portée plus large qu'au niveau de la reconnaissance selon l'art. 34, points 3 et 4, CL. Cela s'explique par le fait qu'au cours d'une procédure, on ne sait pas encore comment le tribunal va statuer. Il n'y a donc que le risque de décisions incompatibles. Au moment de la reconnaissance, en revanche, on sait ce que le tribunal a décidé, raison pour laquelle il est possible d'évaluer de manière définitive s'il existe un éventuel conflit entre les décisions. Cela permet de définir la notion de décision inconciliable de manière plus étroite au niveau de la reconnaissance qu'au niveau de la litispendance.
26 On peut toutefois se demander dans quelle mesure la CJCE est prête à poursuivre cet objectif au détriment d'autres considérations d'opportunité. Certaines limites découlent au moins de la jurisprudence actuelle de la CJCE, qui interdit explicitement le contrôle de la compétence d'une juridiction par la juridiction d'un autre État contractant. Cette jurisprudence serait difficilement compatible avec le fait que la juridiction déclarée compétente soit liée par la décision de la juridiction d'origine. Au contraire, la juridiction déclarée compétente doit pouvoir juger de manière autonome de sa propre compétence. D'autre part, des restrictions découlent du droit à la garantie judiciaire ainsi que du droit à un procès équitable et du droit d'être entendu qui en découle, conformément à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Tous les États contractants sont tenus de respecter aussi bien la CL que la CEDH, même si, du point de vue suisse, il faudrait renoncer à prendre en compte la jurisprudence déterminante de la CJCE en cas de conflit avec la CEDH. De même, pour garantir le droit d'être entendu, il faut au moins s'assurer que les parties ont pu s'exprimer pleinement sur la question préalable correspondante.
27 Dans l'ensemble, on peut certes (encore) admettre jusqu'à présent, sur la base de la jurisprudence Gotha, une limitation du contenu de l'autorité autonome de la chose jugée aux décisions de compétence sur les accords d'élection de for. Toutefois, la CJCE semble généralement pencher en faveur d'une autorité de chose jugée plus large. Il faut certes tenir compte du fait que, dans la jurisprudence mentionnée, la CJCE a jusqu'à présent plutôt statué sur des cas individuels, raison pour laquelle on ne peut admettre qu'avec prudence une généralisation de ces arrêts. Néanmoins, il ressort clairement de la jurisprudence que la CJCE accorde une grande importance à la prévention des jugements incompatibles et qu'elle est prête, à cet effet, à faire abstraction des conceptions juridiques nationales au profit d'une réglementation autonome et uniforme.
B. Conséquences juridiques pouvant être reconnues
28 En général, tous les effets des jugements en droit procédural sont considérés comme pouvant être reconnus. De même, selon la doctrine, la force de chose jugée matérielle, l'effet formateur, l'effet de dénonciation du litige et l'effet d'intervention sont considérés comme pouvant être reconnus. Ces effets doivent être distingués des effets de droit matériel du jugement qui ne peuvent pas être reconnus. Ceux-ci ne sont pas provoqués par la décision elle-même, mais seulement par une norme de droit matériel (en particulier l'effet sur les faits).
1. L'autorité de chose jugée matérielle
29 La force de chose jugée matérielle constitue l'effet de jugement le plus important à reconnaître. Selon la conception suisse du droit, l'autorité de chose jugée matérielle signifie qu'un jugement formellement exécutoire est déterminant dans toute procédure ultérieure entre les mêmes parties. D'une part, elle déploie un effet de blocage qui interdit en principe à tout tribunal d'entrer en matière dans un procès ultérieur sur le même objet du litige et entre les mêmes parties (art. 59 al. 2 let. e CPC ; ne bis in idem). D'autre part, la force de chose jugée matérielle a un effet contraignant. En vertu de celle-ci, le tribunal est lié, dans une procédure ultérieure, par le contenu de l'objet du litige jugé dans la procédure antérieure. Par conséquent, le tribunal ne peut pas, dans un procès ultérieur, se mettre en contradiction avec l'objet du litige déjà jugé. Par conséquent, si l'objet du litige jugé se pose comme question préalable dans le procès ultérieur, le tribunal doit se baser sur la décision correspondante de la procédure antérieure comme étant contraignante dans son propre jugement. Enfin, l'autorité de la chose jugée matérielle a un effet de préclusion. Ainsi, la force de chose jugée matérielle exclut les attaques sur tous les faits pertinents qui existaient déjà au moment du jugement, dans la mesure où ils auraient pu être présentés au procès par les parties en faisant preuve d'une diligence raisonnable, mais n'ont pas été présentés. Un tel fait ne peut donc pas modifier le caractère déterminant d'un jugement, bien qu'il n'ait pas été pris en compte dans la décision définitive. En conséquence, un jugement englobe tous les faits normativement imputables à l'objet du litige, indépendamment du fait qu'ils aient été effectivement soumis à l'appréciation du tribunal qui a rendu le jugement. En droit suisse, l'étendue de la force de chose jugée matérielle se détermine en principe, d'un point de vue objectif, sur la base de l'objet du litige, qui se compose de la demande en justice et des faits de la vie. D'un point de vue subjectif, l'autorité de la chose jugée ne lie en principe que les parties à la procédure et leurs ayants droit.
30 Il convient de tenir compte du fait qu'il existe des différences importantes entre les différents systèmes juridiques des États contractants en ce qui concerne la portée et la nature juridique de la chose jugée. Si, comme le fait la doctrine, on suit la théorie de l'extension des effets, l'étendue de la force de chose jugée est déterminée par le droit de l'État d'origine. Si, en revanche, la jurisprudence Gotha de la CJCE reconnaît un effet contraignant autonome de la chose jugée, tant la question principale jugée (selon la conception suisse, l'objet du litige jugé) que les éventuelles questions préalables acquièrent l'autorité de la chose jugée dans son champ d'application.
2. Effet formateur
31 Les jugements formateurs qui visent directement la création, l'annulation ou la modification d'un droit déploient un effet formateur. Contrairement aux jugements portant sur des actions en exécution ou en constatation, qui ne font qu'imposer en justice une conséquence juridique existant déjà en dehors de la procédure, un jugement formateur crée une conséquence juridique qui n'existait pas auparavant. De tels jugements entraînent donc la modification de la situation juridique matérielle ou procédurale demandée par le demandeur. L'effet formateur représente donc la modification juridique de droit matériel ou procédural qui intervient avec l'entrée en vigueur d'un jugement formateur. L'effet formateur peut être reconnu selon la convention, indépendamment du fait qu'il soit qualifié d'effet de droit procédural ou matériel selon le droit de l'État d'origine. L'étendue de l'effet formateur est déterminée par la lex causae de l'État d'origine.
3. Effet d'intervention et effet de dénonciation du litige
32 L'effet d'intervention présuppose qu'une tierce personne intervienne dans le procès pour soutenir une partie à la procédure, parce qu'elle a un intérêt juridique propre au succès du procès de la partie qu'elle soutient. Le jugement concernant le litige entre les parties à la procédure déploie alors un effet contraignant dans un procès ultérieur entre la partie soutenue et l'intervenant secondaire. Contrairement à l'effet d'intervention, l'initiative de la participation au procès n'émane pas de l'intervenant mais d'une partie au procès. Par conséquent, une partie au procès (partie intervenante) peut demander à un tiers (partie appelée en cause) de participer au procès si elle estime qu'elle a un droit contre la partie appelée en cause si elle succombe. Dans la mesure où la partie dénoncée participe au procès, elle a le statut d'intervenant. La possibilité de reconnaître tant l'effet d'intervention que l'effet de dénonciation dans le cadre de la convention découle directement de l'art. II, paragraphe 3, protocole 1 de la CL.
4. Effet de fait
33 En revanche, l'effet sur les faits n'est pas susceptible d'être reconnu. Cet effet consiste en ce que le droit matériel lie les conséquences juridiques à l'existence d'un jugement. Il s'agit donc d'une modification juridique qui intervient à la suite du jugement (p. ex. le début d'un nouveau délai de prescription selon l'art. 137, al. 2, CO). Comme l'effet formateur, l'effet de fait est certes produit par le droit matériel. La différence réside toutefois dans le fait que la décision d'aménagement vise l'effet d'aménagement. En revanche, l'effet de fait ne fait pas l'objet de la demande juridique et n'est pas non plus prononcé par le tribunal dans le dispositif du jugement. Au contraire, l'effet de fait est automatiquement ordonné par le droit matériel. De même, selon la doctrine, c'est la lex causae qui détermine quels sont les effets de l'état de fait produits par un jugement étranger donné. Pour déterminer s'il s'agit d'un effet pouvant être reconnu, il devrait être déterminant, en accord avec Oberhammer, de savoir si l'effet à reconnaître a été prononcé de manière contraignante dans la décision à reconnaître. Il est donc essentiel que la conséquence juridique à reconnaître soit ordonnée par le jugement lui-même. Si, en revanche, la conséquence juridique n'intervient que par réflexe, sur la base d'une norme de droit matériel, elle ne peut pas être reconnue. De même, le caractère exécutoire d'un jugement ne peut pas être reconnu. Dans le cadre de la convention, l'effet de la force exécutoire est conféré à l'origine par l'État d'exécution au moyen d'une déclaration constatant la force exécutoire (art. 38, al. 1, CL).
34 En revanche, des effets de jugement inconnus dans l'État de reconnaissance peuvent également être reconnus. Ainsi, les jugements français de garantie ou d'intervention ainsi que les mareva ou freezing injunctions irlandaises peuvent être reconnus en Suisse.
C. Exercice procédural des effets de la décision
35 Enfin, la question de savoir si l'invocation procédurale des effets de la décision (p. ex. si l'autorité de la chose jugée doit être prise en compte d'office ou seulement sur objection) est régie par le droit de l'État d'origine ou de l'État de reconnaissance est controversée. Selon la doctrine, cela est déterminé par la lex fori de l'État de reconnaissance. Si l'on suit systématiquement la théorie de l'extension des effets, la force de chose jugée dans l'État de reconnaissance ne devrait pas avoir d'autres effets que dans l'État d'origine. En conséquence, la question de la prise en compte de l'autorité de la chose jugée devrait également être évaluée sur la base du droit de l'État d'origine.
L'auteur remercie l'avocat Moritz B. Kocher, LL.M. pour sa relecture critique et ses commentaires.
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