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Commentaire
Art. 6 Cst.

Un commentaire de Johan Rochel

Edité par Stefan Schlegel / Odile Ammann

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I. Introduction

1L’art. 6 de la Constitution fédérale (Cst.) se trouve dans les dispositions générales de celle-ci (Titre 1). Il précède immédiatement le Titre 2 consacré aux droits fondamentaux, à la citoyenneté et aux buts sociaux.

2 L’art. 6 Cst. est considéré par la majorité de la doctrine comme un article programmatique. Celui-ci renseigne sur une dimension importante de la conception de l’individu (Menschenbild) qui sous-tend le texte constitutionnel. Quant à la jurisprudence, le TF et le TAF font référence à cet art. 6 Cst. de manière sporadique. Cette référence est souvent utilisée pour rappeler l’importance de la responsabilité individuelle, notamment dans le domaine des assurances sociales.

3 Ce commentaire traite dans l’ordre de la genèse, des fonctions et de la portée juridique de l’article, puis de ses deux composantes dans leur ordre d’apparition : la responsabilité individuelle, puis la responsabilité sociale. De manière générale, l’art. 6 Cst. comprend des concepts dont l’interprétation est difficile. A l’exemple du concept de responsabilité et des liens qu’il entretient avec la liberté individuelle, les défis d’interprétation de cet article posent immédiatement des questions d’ordre philosophique. Pour en rendre compte, ce commentaire fait donc le choix d’une approche de philosophie du droit, mobilisant entre autres des ressources tirées de la philosophie politique. Ces ressources doivent permettre de mettre en évidence la richesse interprétative du concept de responsabilité et de souligner les questions normatives qu’il ouvre. Comme souligné par Häberle (infra, N. 21), le potentiel de l’art. 6 Cst. doit être concrétisé par le législateur et la doctrine, par exemple en recourant, comme ici, à une approche de philosophie du droit.

4 En guise de fil rouge, ce commentaire tente de montrer comment le concept de responsabilité et le concept lié de liberté individuelle déterminent l’interprétation du contenu de l’art. 6 Cst.

Celui-ci apparaît comme une norme centrale d’une constitution libérale, une norme dont l’interprétation cristallise des réflexions sur l’individu en société, ses droits fondamentaux et les attentes de la société. Plutôt qu’un positionnement pour ou contre le libéralisme, l’interprétation de l’art. 6 Cst. ramène à la question du type de libéralisme présupposé dans l’ordre constitutionnel.

II. Genèse

5 L’art. 6 Cst. émerge dans sa forme actuelle au cours des délibérations parlementaires sur la révision totale de la Constitution fédérale. Les parlementairesdiscutent à la fois l’idée deresponsabilité de l’individu pour lui-même, pour les autres ou pour la sociétéet l’idée de devoirs fondamentaux ou devoirs citoyens. Comme expliqué ci-dessous (infra, N. 12), les parlementaires finiront par écarter l’idée de devoirs fondamentaux organisés sous forme de catalogue.

Resteront les concepts de responsabilité individuelle et de contribution à l’accomplissement des tâches de l’Etat et de la société (responsabilité sociale) qui composent aujourd’hui l’art. 6 Cst.

6 La Constitution fédérale de 1874 contenait un article général portant sur l’accomplissement d’un « devoir civique ».

Cet article avait déjà donné lieu à des débats critiques.
Au début du processus de révision constitutionnelle, la proposition de modèle de constitution élaborée par le Département fédéral de justice et police (DFJP) en 1985 contient une série de devoirs fondamentaux.
Ce catalogue figure immédiatement après le catalogue des droits fondamentaux. La première proposition du Conseil fédéral (1996) ne contient pas d’articles équivalents.
Le Conseil fédéral renonce à ce catalogue de devoirs fondamentaux pour deux raisons principales : la difficulté de choisir quels devoirs méritent d’être portés au rang constitutionnel et les problèmes liés aux sanctions en cas de non-respect de ces devoirs.
Dans son Message, le Conseil fédéral écrit ainsi que l’absence de catalogue de devoirs fondamentaux « ne signifie pourtant pas que les habitants de ce pays n’aient aucun devoir à l'égard de la communauté » (…).
Il précise que certains devoirs fondamentaux « conservent tout leur sens » (par exemple les obligations de fréquenter l’école, de réaliser son service militaire et de payer ses impôts), même s’ils ne sont pas réunis dans un catalogue.

7 La lecture des travaux parlementaires met en lumière le glissement des devoirs fondamentaux vers l’idée d’une responsabilité individuelle et sociale.

Au cours de ces débats, les parlementaires utilisent de manière non systématique les concepts de devoirs fondamentaux (Grundpflichten), de devoirs citoyens (Bürgerpflichten) ou encore de responsabilité individuelle et sociale. L’analyse des travaux parlementaires fait apparaître trois considérations pertinentes pour expliquer la formulation finale de l’art. 6 Cst.

8 Premièrement, l’appel à la responsabilité individuelle apparaît dans le contexte d’une réflexion critique sur les contours de l’État social. Le rapporteur de la Commission du CN de l’époque, le futur Conseiller fédéral Samuel Schmid (UDC), observe un phénomène d’extension des prestations sociales.

Selon lui, l’État n’a ni la vocation, ni les moyens de régler tous les problèmes de la population suisse. L’idée de devoirs et/ou de responsabilité individuelle est présentée comme un correctif nécessaire.

9 Deuxièmement, le projet de Constitution du Conseil fédéral de 1996 formalise le catalogue des droits fondamentaux et formule une série de buts sociaux. Face à cette évolution, certains parlementaires se sont demandé si une logique de réciprocité n’exigeait pas la mention de devoirs fondamentaux.

L’idée semblait être dans l’air du temps, comme en atteste l’initiative de l’Interaction Council portée par l’ex-chancelier allemand Helmut Schmidt. En 1997, il soumet, avec 25 chefs de gouvernement, l’Universal Declaration of Human Responsibilities au secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan
. Comme l’explique le commentaire introductif à cette déclaration, l’idée de réciprocité entre droits et devoirs est centrale: « Recognition of the equal and inalienable rights of all the people requires a foundation of freedom, justice and peace – but this also demands that rights and responsibilities be given equal importance to establish an ethical base so that all men and women can live peacefully together and fulfil their potential ».

10 Troisièmement, le débat sur la responsabilité traite des attentes envers les individus dans un groupe social. Le contenu de l’art. 6 Cst., notamment la dimension de responsabilité sociale, est présenté dans les débats parlementaires comme une réponse au constat d’une société atomisée et individualiste.

La responsabilité concerne alors le soin à porter aux autres membres de la société. Auteur d’une des propositions qui deviendra l’idée de responsabilité sociale de l’art. 6 Cst., le Conseiller aux États Hans Danioth (PDC) parle d’un devoir citoyen (Bürgerpflicht). Il le définit comme une norme éthique qui vient rappeler l’obligation de s’engager pour la communauté.
Sa proposition est d’abord classée parmi les droits politiques, avant d’être déplacée pendant les débats suivants.

11 Au cours de ces débats, le Conseiller fédéral Arnold Koller (PDC) se fait le porte-voix des arguments du Conseil fédéral. Il rappelle notamment que la conception de l’humain qui sous-tend la Constitution comprend déjà l’idée de responsabilité et de devoirs : si l’être humain a une capacité d’autonomie dans ses choix, alors il porte la responsabilité qui l’accompagne.

Selon Koller, cette idée sous-tend les grands projets constitutionnels du 19ème siècle. Il reste ouvert à une évocation plus directe des devoirs des individus, comme en atteste sa référence au célèbre appel de John F. Kennedy, prononcé lors de son discours d’investiture en 1961 (« And so, my fellow Americans: ask not what your country can do for you – ask what you can do for your country. »). Sur le plan sémantique, la prise de parole de Koller évoque les devoirs citoyens (Bürgerpflichten) et les devoirs tout court (Pflichten) dans le cadre de la discussion sur un article portant sur la responsabilité individuelle.

12 Au terme des débats parlementaires, le concept de responsabilité individuelle et sociale s’impose par rapport au concept de devoirs fondamentaux ou citoyens.

L’Assemblée fédérale renonce à un catalogue de devoirs à cause des difficultés d’intégration dans la structure de la nouvelle Constitution, mais également à cause d’une certaine répétition par rapport aux devoirs mentionnés ailleurs dans le texte constitutionnel, comme l’obligation de servir ou l’obligation de l’école obligatoire.
Le rappel explicite d’un devoir général de respecter l’ordre juridique n’a pas trouvé non plus de majorité politique au terme des travaux parlementaires.

13 Au-delà de la dimension historique des débats parlementaires, une distinction conceptuelle importante entre devoirs fondamentaux et responsabilité individuelle parcourt les débats. L’un des points de débats entre ces deux concepts porte sur la capacité de traduire la norme constitutionnelle en obligations juridiques concrètes. Selon le constitutionnaliste Andreas Kley, un devoir fondamental possède quatre éléments constitutifs: 1) un devoir de nature juridique, 2) inscrit dans une constitution, 3) d’importance fondamentale pour l’existence de l’Etat

, 4) qu’une personne doit accomplir envers l’État.
D’après Kley, si la responsabilité est en premier lieu programmatique et fournit une orientation normative de portée générale, les devoirs fondamentaux doivent en revance être clairement concrétisés sous forme d’obligations juridiques.
Nous reviendrons sur cette question au moment de considérer la portée juridique de l’art. 6 Cst (infra, N. 21).

14 La doctrine identifie plusieurs sources d’inspiration ayant nourri les débats autour de l’art. 6 de la nouvelle Constitution.

La Constitution de Weimar
et la Constitution italienne
sont ainsi mentionnées pour leur évocation explicite des devoirs des individus. De même, les préambules du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques mentionnent clairement cette idée de responsabilité, rappelant que « l’individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s’efforcer de promouvoir et de res­pecter les droits reconnus dans le présent Pacte ».
En Suisse, selon Chatton, la Constitution du canton de Berne (1993) a certainement joué un rôle décisif.
Son art. 8, placé juste avant le catalogue des droits fondamentaux, énonce de manière générale les devoirs (Pflichten) des personnes résidant dans le canton. Selon l’al. 1, toute personne est tenue d’accomplir les devoirs qui lui incombent en vertu de la Constitution et de la législation qui y est conforme. L’al. 2 énonce que toute personne est responsable d’elle-même, qu’elle assume sa respon­sa­bilité envers les autres êtres humains et qu’elle prend sa part de responsa­bilité pour garantir aux générations futures qu’elles auront aussi le droit de décider elles-mêmes de leur devenir. La dernière constitution cantonale entièrement révisée, celle du canton de Genève (2012), contient un article intitulé « responsabilité individuelle » (art. 13 Cst./GE), dont l’al. 1 recouvre un devoir général (« toute personne doit respecter l’ordre juridique ») et l’al. 2 la définition de la responsabilité individuelle et sociale.
Le projet de nouvelle Constitution cantonale valaisanne contient également un article similaire intitulé « Devoirs et responsabilités individuels » (art. 10).
Son al. 1 porte sur un devoir général d’accomplir les devoirs imposés par la Constitution et la législation, son al. 2 sur les responsabilités de toute personne envers elle-même, la collectivité et les générations actuelles et futures. L’al. 3 appelle toute personne à veiller à une utilisation appropriée des biens et services publics et des ressources naturelles.

III. Commentaire proprement dit

15 Comme évoqué dans l’introduction (supra, N. 3), interpréter l’art. 6 Cst. implique de considérer des questions de théorie du droit et de philosophie politique portant sur les notions de responsabilité et de liberté. Ce commentaire traite dans l’ordre des fonctions et de la portée juridique de l’article ainsi que des références à l’art. 6 Cst. dans certains arrêts du TF et du TAF (A.), puis des deux composantes de l’art. 6 Cst., soit la responsabilité individuelle et la responsabilité sociale (B.).

A. Fonctions et portée juridique

16 L’art. 6 Cst. se situe à la fin du Titre 1 sur les dispositions générales. Il est suivi du Titre 2 sur les droits fondamentaux et les buts sociaux. Cet emplacement indique que l’ambition normative de l’art. 6 est d’ordre général. En tant que disposition générale, il vise à éclairer l’entier du texte constitutionnel. L’art. 6 Cst. est considéré comme étant une norme avant tout programmatique. Pour la majorité de la doctrine, sa portée juridique se limite à fournir une aide à l’interprétation d’autres normes constitutionnelles. Afin d’aller plus loin dans l’analyse, il est possible de distinguer trois fonctions générales de l’art. 6 Cst.

1. Trois fonctions

17 Premièrement, l’art. 6 Cst. est souvent employé pour tenter d’appréhender la conception de l’individu (Menschenbild) qui sous-tend le texte constitutionnel.

Cet effort de construction herméneutique prend appui sur le propos du préambule (notamment la conscience de la responsabilité envers la Création et la conscience du devoir d’assumer des responsabilités envers les générations futures) et précise cette vision en se référant aux deux composantes de l’art. 6 Cst. (responsabilité individuelle et responsabilité sociale). En combinaison avec d’autres normes plus spécifiques, l’interprétation de l’art. 6 Cst. contribue ainsi à faire émerger une conception aussi cohérente que possible de l’individu auquel s’adresse la Constitution. Cette conception de l’individu en société peut ensuite être mobilisée pour interpréter d’autres dispositions constitutionnelles.

18 Deuxièmement, et en lien direct avec cette conception de l’individu en société, l’art. 6 Cst. peut être utilisé comme norme contextuelle pour les différents devoirs identifiables dans les autres dispositions constitutionnelles.

A titre d’exemples, tout homme de nationalité suisse est soumis à un devoir citoyen (service militaire, service civil ou paiement d’une taxe, art. 59 al. 1 Cst.) et tous les enfants doivent suivre un enseignement de base (art. 62 al. 2 Cst.). En matière de responsabilité sociale, la Constitution prévoit également des mécanismes qui peuvent être lus à la lumière de son art. 6, comme l’assurance-vieillesse (art. 112 al. 2 Cst.), le principe de prévoyance professionnelle (art. 113 al. 2 Cst.) ou encore l’affiliation à l’assurance-chômage pour les personnes salariées (art. 114 al. 2 Cst.). Häberle et Winistörfer lient également l’art. 6 Cst. aux règles du fonctionnement d’une économie libérale de marché, par exemple le postulat de la responsabilité individuelle.
Dans ce contexte, Häberle considère la responsabilité sociale comme le rappel de l’intégration de l’individu dans un groupe social et le refus de ce qu’il qualifie d’« Ökonomismus », c’est-à-dire une absolutisation de la recherche du profit individuel.

19 Troisièmement, l’histoire parlementaire et l’emplacement de l’art. 6 Cst. dans l’architecture constitutionnelle rappellent sa fonction de contextualisation critique vis-à-vis des droits fondamentaux et des buts sociaux. Comme dans la Constitution du canton de Berne, la mention explicite de la responsabilité individuelle et sociale précède le catalogue des droits fondamentaux. L’art. 6 Cst. semble servir de contre-poids face aux obligations positives qui pèseraient de manière croissante sur l’État.

Le principe de subsidiarité qui découle de la responsabilité individuelle (infra, N. 38) est ainsi symboliquement souligné par l’ordre des articles. L’art. 6 Cst. intervient avant pour souligner la responsabilité des individus. Ainsi, l’art. 41 al. 1 Cst. concernant les buts sociaux rappelle ainsi clairement que « La Confédération et les cantons s’engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, à (…) » (italiques ajoutés).

20 Ces trois fonctions permettent d’éclairer de manière plus précise la question des destinataires de l’art. 6 Cst. Il s’agit de laseule disposition du Titre 1 (Dispositions générales) s’adressant directement aux particuliers (en utilisant la tournure « toute personne »).

L’expression « toute personne » inclut l’ensemble des personnes physiques, et non pas seulement les citoyennes et citoyens suisses. De plus, au terme d’une analyse des versions linguistiques et des travaux préparatoires, Chatton défend l’hypothèse que les personnes morales doivent être, a priori, intégrées dans le cercle des destinataires de la norme.
Selon lui, l’impact positif et négatif que les personnes morales peuvent déployer sur leur environnement naturel, culturel, social et économique justifie de leur appliquer, par analogie, un devoir de responsabilité.

21 Cette question des destinataires ne doit pas être confondue avec la portée juridique de l’art. 6 Cst. (voir infra, N. 21). A titre d’exemple, Biaggini considère les personnes physiques comme les destinataires qui apparaissent au premier plan (vordergründig) de l’art. 6 Cst. A ses yeux, le destinataire principal serait néanmoins le législateur.

Mais la référence au législateur (et plus largement aux pouvoirs publics) semble plutôt découler de la nécessaire détermination de la portée juridique, et non directement de la question des destinataires. Cette distinction permet de mieux clarifier que l’art. 6 Cst. s’adresse à toute personne, mais qu’il déploie en même temps des effets juridiques sur le législateur et plus largement sur les pouvoirs publics.

2. Portée juridique

22 La portée juridique de l’art. 6 Cst. est jugée modeste par la majorité de la doctrine. De manière générale, cet article est décrit comme étant essentiellement un appel moral destiné à rappeler symboliquement les attentes de la collectivité envers les particuliers, mais largement dénué d’effets juridiques tangibles.

Biaggini lit l’art. 6 Cst. comme un appel constitutionnel visant à souligner l’éthique de la responsabilité des individus, en complément d’autres normes (par exemple Préambule Cst., Art. 41(1) Cst.).
Häberle y voit néanmoins un potentiel normatif intéressant à développer par le biais de l’interprétation d’autres normes constitutionnelles ou de la concrétisation législative.
Selon lui, le potentiel de l’art. 6 Cst. ne demande qu’à être concrétisé par le législateur et la doctrine, par exemple en recourant à une approche comparative.

23 De manière générale, Chatton voit dans ces interprétations prudentes une difficulté générale à appréhender les normes programmatiques.

Selon lui, le contenu moral de la norme, l’absence de sanctions et l’absence de droits et d’obligations pouvant être déduits de l’art. 6 Cst. ne doivent pas transformer cette norme en disposition a-juridique. L’art. 6 Cst. déploie une portée juridique a minima comme aide à l’interprétation de dispositions ouvertes.
De plus, selon Chatton, la norme est à considérer dans l’interprétation des conditions de restriction d’un droit fondamental, spécifiquement dans le cas d’une obligation positive où la question porterait sur l’équilibre à établir entre une obligation de l’Etat de venir en aide à un particulier et les attentes envers ce particulier quant à sa capacité de pourvoir à ses besoins par ses propres moyens.
L’art. 6 Cst. ne saurait néanmoins être utilisé pour créer de toutes pièces des conditions qui ne sont pas prévues par une loi et/ou d’autres dispositions constitutionnelles.

3. Jurisprudence

24 Le Tribunal fédéral (TF) a seulement traité de manière sporadique de l’art. 6 Cst. Le droit des assurances sociales est particulièrement concerné par les quelques mentions de cet article. En 2005, dans une affaire en lien avec l’obligation d’affiliation à l’assurance-maladie, le TF a considéré que l’art. 6 Cst. n’avait « aucune portée normative particulière, mais essentiellement une valeur déclamatoire et de signal ».

Le TF rattache le principe de subsidiarité à l’art. 6 Cst. A l’exemple du domaine de l’aide sociale, le principe fondamental de subsidiarité est « l’expression de l’obligation de co-responsabilité et de solidarité envers la communauté, obligation inscrite à l’art. 6 Cst. L’existence d’un droit à l’aide sociale doit être considéré à l’aune de ce principe de subsidiarité ».
Cette référence à l’art. 6 Cst. tend à démontrer que le TF considère cette norme comme un principe constitutionnel invocable par le particulier dans ce contexte et donc, selon Chatton, partiellement justiciable.
Dans une autre affaire d’aide sociale (soutien à une famille suisse émigrée en Nouvelle-Zélande avec un enfant en situation de handicap), le TAF a considéré que l’art. 6 Cst. contenait un principe éthique fondamental de rang supérieur. Selon ce principe, il est obligatoire pour une personne dans une situation de détresse de chercher à s’en sortir de son propre chef en utilisant les moyens à disposition.

25 Le TF et le TAF mentionnent l’art. 6 Cst. dans le contexte d’une qualification des efforts qui peuvent légitimement être attendus des particuliers. Dans une affaire traitant de la mise à disposition d’informations relatives à la SUVA via un affichage dans les locaux du personnel, la Cour a interprété les dispositions en vigueur en mobilisant l’art. 6 Cst. comme expression des attentes en matière de responsabilité individuelle.

Sur la base de l’art. 6 Cst., la Cour développe sa vision d’un individu majeur (mündig) et capable de s’informer quant aux assurances à conclure avant un séjour à l’étranger. Dans une constellation similaire, le TF considère que les organes de l’assurance-invalidité n’ont pas d’obligation d’expliquer le fonctionnement des différentes branches des assurances sociales et leurs interactions.
Selon le TF, cet effort de compréhension relève de la responsabilité individuelle des personnes assurées. Selon l’hypothèse défendue plus bas (infra, N. 35), ce niveau d’effort exigible devrait être intégré dans une approche contextuelle des compétences nécessaires à la responsabilité pour soi-même.

26 En matière de naturalisation, le TAF a utilisé l’art. 6 Cst. pour contextualiser certaines conditions. Dans une affaire portant sur la bonne réputation fiscale du candidat, le TAF évoque l’art. 6 Cst. comme l’une des sources pertinentes afin de garantir qu’un individu honore ses obligations envers l’Etat.

Ce cas illustre également la combinaison d’obligations spécifiques (par exemple le paiement des impôts) avec l’art. 6 Cst. De manière similaire, dans le contexte d’une affaire de regroupement familial, le TAF a interprété les exigences d’indépendance financière en mentionnant l’art. 6 Cst. Ce faisant, la Cour qualifie ce qui apparaît comme exigible à l’aune de l’attente de responsabilité individuelle formulée par l’art. 6 Cst.

27 En matière pénale, l’art. 6 Cst. est mentionné dans un recours portant sur les frais de procédure dans une affaire de trafic transfrontalier de cigarettes. L’instance inférieure avait avancé que le comportement à ses yeux repréhensible du recourant, notamment la prétendue violation de son obligation individuelle de responsabilité envers l’État (Art. 6 Cst.), avait provoqué des frais supplémentaires et que les frais de procédure devaient être à sa charge, bien qu'il ait été acquitté.

Dans sa décision, le TF souligne que le législateur n’a pas souhaité que cet article soit utilisé pour établir un délit.

28 Dans une affaire portant sur l’exercice sans autorisation d’une activité en matière de services financiers, le TAF considère la responsabilité individuelle de l’art. 6 Cst. comme justifiant le fait que la personne ayant exercé ses activités de manière illégale doive accepter (zumutbar) la divulgation d’informations pertinentes sur lesdites activités, et ce afin de rétablir la confiance des autres acteurs de la branche.

Assumer les conséquences d’un comportement librement choisi est au cœur de l’interprétation de cette responsabilité choisie par le TAF. Ainsi, l’Etat n’a pas à dissimuler les informations pour aider cette personne.

B. Première composante : responsabilité individuelle

29 La première composante de l’art. 6 Cst. traite de la responsabilité individuelle : « Toute personne est responsable d’elle-même (…) ». Cette composante concerne la responsabilité de toute personne envers elle-même. La pensée libérale se construit autour de l’hypothèse d’une personne libre, capable de choisir et de réviser ses choix de vie à l’aune des valeurs et des objectifs qu’elle estime pertinents.

Comme le montrent les affaires mentionnées plus haut, la question de la responsabilité se pose en corrélat de la question de la liberté. L’interprétation de la notion de responsabilité de l’art. 6 Cst. exige donc une interprétation de la notion de liberté individuelle. Face à l’ampleur de la tâche, l’objectif principal de ce commentaire est d’illustrer l’exigence de cohérence entre la dimension de liberté et celle de responsabilité individuelle. Lorsqu’elle construit un « Menschenbild », l’exégèse constitutionnelle doit viser cette cohérence. En vue de cet objectif, le propos se focalise ici sur deux points : la question de la définition générale de la liberté individuelle et la question des compétences nécessaires à l’exercice de cette liberté. Nous verrons que ces deux points déploient un effet sur la notion de responsabilité de l’art. 6 Cst.

1. La définition de la liberté

30 Premièrement, la manière dont la liberté individuelle est définie a des conséquences importantes sur le concept de responsabilité individuelle.

Deux conceptions de la liberté peuvent être utilisées à titre illustratif. D’une part, la liberté peut être définie comme largement indépendante du groupe humain où la personne se trouve. En guise d’analogie, on peut penser à la conception de liberté d’un individu sur une île solitaire (par exemple Robinson Crusoé). Robinson est libre d’une manière qui fait abstraction d’autres êtres humains. Sa liberté de choix ne souffre aucune limite. Toute limitation (par exemple du fait de la loi et d’un État) est a priori perçue comme une perte de liberté. Cette conception inspire une certaine vision du contrat social où plusieurs Robinsons se retrouvent et décident de déléguer une partie de leur liberté à une autorité, dans le but d’assurer, par exemple, leur sécurité (voir par exemple le Léviathan de Thomas Hobbes).

31 D’autre part, la liberté individuelle peut être définie de manière relationnelle, en ancrant la personne dans un groupe humain. La personne est libre dans le contexte d’interactions avec d’autres humains et un environnement.

La personne n’est jamais seule ; ne pas la voir comme faisant partie d’un groupe humain laisse dans l’ombre une réflexion sur les conditions et les menaces pour la liberté (voir infra, N. 42). Pour les tenants de cette vision relationnelle, l’existence d’un cadre juridique n’est pas a priori une menace pour la liberté (elle peut néanmoins le devenir), mais bien plutôt sa condition primaire.

32 Chacune de ces deux conceptions de la liberté, brossées ici à grands traits, conduit à un concept de responsabilité individuelle différent. Dans un premier sens minimal, « toute personne est responsable d’elle-même » peut signifier l’obligation pour l’individu d’assumer ses choix et leurs conséquences. Cette définition minimale ressemble à une réflexion d’imputabilité, prohibant avant tout de chercher à « faire porter le chapeau » à d’autres (mon choix libre => ma responsabilité). Dans l’affaire de l’exercice sans autorisation d’une activité de services financiers mentionnée plus haut (supra, N. 27), la personne ayant commis la faute est responsable et elle doit, à ce titre, accepter les conséquences de ses actions. Elle ne peut se dédouaner sur d’autres. Le TAF considère donc que la personne responsable doit accepter la divulgation des informations concernant sa faute et qu’elle doit accepter de devoir reconstruire sa réputation.

33 Toutefois, cette conception minimale n’est pas suffisante. Être responsable de soi-même va plus loin qu’une simple logique d’imputabilité à la personne libre. Dans une conception relationnelle du droit, la première composante de l’art. 6 Cst. doit s’interpréter comme une exigence pour chaque personne d’identifier les conséquences de ses choix. Poser une exigence constitutionnelle de responsabilité envers soi-même équivaut à demander que chaque personne, a minima, tienne compte des autres.

34 Mais tenir compte des autres (sans obligation de comportement spécifique) est encore insuffisant. L’art. 6 Cst. peut alors se comprendre comme un appel à la maitrise des conséquences négatives de ses choix pour les autres. En ce sens,être responsable de soi-même, c’est avant tout s’assurerde ne pas devenir une source de conséquences négatives (définies au sens large) pour son environnement. A ce titre, l’art. 12 Cst. concernant le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse prévoit bien que la personne peut être soutenue si elle « n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ». Cette condition reflète l’exigence pour la personne de, tout d’abord, chercher à éviter d’avoir recours à l’aide de la collectivité (une conséquence négatice sur les finances publiques). La jurisprudence mentionnée plus haut en matière de naturalisation ou de regroupement familial pose exactement la même question : étant donné un individu libre et responsable de lui-même, quelle absence d’effets négatifs (par exemple un coût social) ou quelle contribution positive la collectivité est-elle en droit d’attendre et d’exiger ?

35 Interprétée de manière relationnelle, la responsabilité de soi-même de l’art. 6 Cst. consiste donc à présumer pour chaque personnecette compétence de maîtrise de son impact sur son environnement. Cette présomption soulève néanmoins immédiatement deux questions majeures : comment s’assurer de la compétence des individus à être libres, et donc à être responsables d’eux-mêmes (infra N. 35)? Et que faire des situations où, malgré la tentative de conserver la maîtrise, les actions d’une personne déploient néanmoins des effets négatifs sur les autres ? Cette question sera traitée dans la composante liée à la responsabilité sociale (N. 47).

2. Les compétences nécessaires à l’exercice de la liberté

36 Deuxièmement, la question des compétences nécessaires à l’exercice de la liberté, et donc de la responsabilité de soi-même, est un point central de la conception prônée par l’art. 6 Cst.

A moins de partir de l’idée que la liberté s’acquiert à la naissance et se développe sans intervention (une conception souvent associée à une liberté à la Robinson Crusoé), force est de constater que la liberté nécessite un ensemble de compétences. L’exemple le plus paradigmatique est certainement l’enseignement de base (art. 19 et 62 Cst.). Sans ces compétences de base, un individu ne peut être dit libre au sens de la conception relationnelle et, partant, ne peut exercer pleinement sa responsabilité au sens où l’exige l’art. 6 Cst.

37 Au-delà des compétences de base, la réflexion doit être élargie vers d’autres éléments de cette compétence à être responsable de soi-même, par exemple les déterminants sociaux, physiologiques ou autres facteurs contextuels. S’il est plus facile d’être responsable de soi-même en étant jeune, riche et en bonne santé, l’exigence de responsabilité devrait donc s’accompagner d’un engagement à combattre les barrières à la liberté et à la compétence à être responsable. Cette réflexion est particulièrement valable pour les déterminants sociaux qui peuvent être modifiés par le biais de politiques publiques. Exprimés dans le cadre d’une exigence d’égalité et de lutte contre la discrimination, certains de ces déterminants sont mentionnés par l’art. 8 al. 2 Cst. De plus, cette réflexion devrait être lue en lien avec l’exigence d’égalité des chances (art. 2 al. 3 Cst.).

38 La question est plus ardue pour les quelques déterminants physiologiques (par exemple génétiques) qui ne peuvent être ramenés à des déterminants sociaux (directement du moins). En effet, la première composante de l’art. 6 Cst. ne connaît pas d’équivalent au concept « selon ses forces », que l’on trouve dans la deuxième composante (infra, N. 59).

Ce concept a le mérite de rappeler que nous ne sommes pas égaux face à l’exigence de responsabilité sociale. L’argument proposé ici serait de reconnaître la même limite pour la responsabilité de soi-même : nous ne sommes pas égaux face à la capacité à être responsable de nous-mêmes. Ainsi, on peut lire la jurisprudence évoquée plus haut (supra, N. 23) à la lumière de cette (in)égalité face à la capacité à être responsable de soi-même. Ce constat devrait être particulièrement pertinent pour aborder les questions d’exigibilité (Zumutbarkeit).
Lorsque l’art. 6 Cst. est mentionné dans le contexte des efforts exigibles d’une mère de famille souffrant de problèmes de santé pour subvenir aux besoins de ses proches, l’exigence de responsabilité pour soi-même doit être interprétée de manière contextuelle. Les compétences permettant la liberté et la responsabilité dans le cas spécifique de la personne et de sa situation doivent être mobilisées pour interpréter le niveau d’exigibilité à l’aune de l’art. 6 Cst.

3. Relations avec le principe de subsidiarité

39 L’art. 6 Cst. est souvent utilisé dans le contexte d’une discussion sur le principe de subsidiarité. Même si la doctrine semble largement acquise à cette thèse de la subsidiarité induite par l’art. 6 Cst.,

il importe néanmoins de distinguer deux niveaux d’analyse.

40 Un caveat avant de poursuivre : la dimension de subsidiarité découlant du primat de la responsabilité pour soi-même ne doit pas être confondue avec la subsidiarité institutionnelle de l’art. 5a Cst.

Sur le rapport entre l’art. 5a Cst. et l’art. 6 Cst., Gächter et Renold-Burch notent que l’art. 5a Cst. doit être compris comme une norme de compétences dans l’Etat fédéral, tandis que l’art. 6 Cst. traite des relations entre individus, Etat et société.
La subsidiarité mentionnée par l’art. 41 al. 1 Cst. est plus proche de l’art. 6 Cst.

41 A un premier niveau d’analyse, l’art. 6 Cst. fonde certainement une subsidiarité générale pour l’action de l’État à l’encontre des personnes. La responsabilité individuelle semble primer l’action de l’État, qui n’intervient qu’à titre subsidiaire. A un deuxième niveau, et c’est un point souvent négligé dans les commentaires de cette disposition constitutionnelle, les compétences nécessaires à la liberté et la responsabilité supposent, elles, une action des pouvoirs publics.

Comme expliqué plus haut, on ne naît pas libre et responsable, on le devient grâce à l’acquisition de certaines compétences, d’une part, et en éliminant certains facteurs contraignants/limitatifs, d’autre part.

42 Ce deuxième lien avec la subsidiarité comprend alors plusieurs étapes qu’il importe de distinguer car elles peuvent faire l’objet de critiques différentiées. A) La responsabilité de l’individu pour lui-même est première. B) Tous les individus ne sont pas égaux dans leur capacité à être responsable. C) Il faut mettre en place un processus d’égalisation de la capacité à être responsable de soi-même et adopter une approche contextuelle, capable d’appréhender la capacité réelle des individus avant de juger de l’exigibilité de certains comportements. D) La question de la responsabilité de conduire ce processus d’égalisation se pose. Qui est responsable d’aider les individus à devenir responsables d’eux-mêmes ? L’Etat (les pouvoirs publics), la société civile (le tissu associatif) ou encore les individus (par exemple les proches) peuvent être identifiés comme des responsables potentiels. E) En admettant que l’Etat porte au moins une part de cette responsabilité, celui-ci doit agir par le biais d’une instruction de base et par la prévention de certains déterminants sociaux (par exemple à travers la lutte contre les discriminations conformément à l’art. 8 Cst.) en vue de garantir la plus grande égalité des chances possible (art. 2 al. 3 Cst.).

43 Si cet argument est accepté, nous pouvons alors considérer que le principe de subsidiarité (premier niveau) requiert et suppose une action étatique sur les conditions de liberté et de responsabilité (deuxième niveau, conditions de possibilité et d’égalisation de la capacité à être responsable de soi-même). À titre d’exemple, on peut établir un nouveau type de lien normatif, par exemple entre le droit à un enseignement de base (art. 19 Cst.), l’instruction obligatoire (art. 62 Cst.) et l’art. 6 Cst. La mise en œuvre des art. 19 Cst. et art. 62 Cst. peut être conçue comme condition préalable au recours à l’art. 6 Cst. (premier niveau). Si l’instruction n’est plus obligatoire et gratuite, les individus voient leur capacité à la liberté et à la responsabilité diminuer drastiquement, et l’idée de primat de cette même responsabilité individuelle devient donc plus difficile à défendre. Le même type de conditionnalité peut se lire dans l’approche contextuelle de l’exigibilité mentionnée plus haut (infra, N. 37). Dans une situation particulière, par exemple les affaires de naturalisation, il importe de juger si l’individu est en mesure d’être responsable de lui-même, cette réflexion exigeant une prise en compte à la fois de la trajectoire personnelle, mais également du contexte de vie (c’est-à-dire des structures sociales) de l’individu.

4. Le cas spécifique des assurances

44 Une question intéressante se pose dans le contexte des effets négatifs qu’un choix effectué par une personne déploie sur d’autres. La difficulté principale n’est pas tant l’effet négatif direct et immédiat et ses conséquences (par exemple un meurtre), mais plutôt l’effet indirect et diffus par le biais des institutions de solidarité mises en place (par exemple l’impact d’un comportement sur les coûts de l’assurance maladie obligatoire). La pertinence de l’art. 6 Cst. dans le cas des assurances sociales rendues obligatoires est à ce titre particulièrement importante.

En matière de santé, par exemple, les choix libres et responsables des personnes peuvent conduire à des impacts négatifs, notamment financiers, pour la communauté de solidarité. Selon la conception relationnelle exposée plus haut, l’État oblige les individus à se protéger et à protéger les autres de certaines des externalités négativesque leur comportement provoque. On peut alors distinguer deux cas selon l’objet de la responsabilité.

45 Premièrement, si un individu s’adonne à une activité particulièrement dangereuse (appelée « entreprise téméraire »

) pour lui-même, par exemple le base-jump, on peut l’obliger à contracter une assurance spéciale couvrant ses frais de santé (afin d’éviter que la collectivité ne paie pour son choix). Deuxièmement, si un individu menace d’impacter de manière négative des tiers, on peut également le forcer à contracter une assurance de responsabilité envers ces tiers, comme c’est le cas pour le conducteur de véhicule. L’assurance remplit ici le rôle de responsabilité pour soi-même pour un individu dans sa capacité à créer des dommages à autrui. Dans le contexte de la pandémie de Covid, Riemer-Kafka appelle les autorités à réfléchir à une extension de l’obligation de la prévoyance professionnelle, de l’assurance-chômage et de l’assurance-accidents pour les indépendants. Selon elle, l’expérience de la pandémie a démontré l’incapacité des individus à répondre à certaines situations d’urgence et la nécessité pour l’État d’intervenir en mobilisant des deniers publics.
Par analogie avec le base-jump, cette extension de l’obligation permettrait de forcer les indépendants à se protéger et donc à garantir leur capacité à être responsables pour eux-mêmes.

46 L’une des questions normatives ouvertes autour de l’art. 6 Cst. porte donc sur la qualification des conditions dans lesquelles l’État doit et/ou peut intervenir pour instaurer une obligation pour les individus de se protéger eux-mêmes (l’exemple des indépendants et des base-jumpers) et de protéger les autres de leurs choix (l’exemple des conducteurs de véhicules). Dans une perspective relationnelle, l’État force alors les individus à assumer leurs responsabilités pour eux-mêmes ; il les contraint à « se prendre en charge ». L’art. 6 Cst. ne peut être utilisé pour répondre à cette question, puisque c’est précisément la qualification de sa première partie qui est en jeu.

47 Il est essentiel de ne pas confondre la dimension sociétale de la responsabilité individuelle (première composante de l’art. 6 Cst.) et la deuxième composante de l’art. 6 Cst. Cette deuxième composante vise clairement les attentes formulées à l’égard de toutes les personnes quant à leur contribution aux tâches de l’État et de la société, et ce au-delà de l’exigence d’être responsable de soi-même.

C. Deuxième composante : responsabilité sociale

48 La deuxième composante de l’art. 6 Cst. traite de la responsabilité sociale: « Toute personne (…) contribue selon ses forces à l’accomplissement des tâches de l’État et de la société. » De manière générale, les liens entre les deux composantes de l’art. 6 Cst. dépendent largement de la conception de la liberté et de la responsabilité défendue. Dans une perspective relationnelle, être responsable de soi-même traduit l’idée de prévenir un impact négatif sur les autres et donc, d’une certaine manière, de déjà contribuer aux tâches de l’État. Toutefois, la deuxième composante de l’art. 6 Cst. va plus loin que la prévention par les individus des effets négatifs de leurs actions. Elle englobe des situations que l’individu n’a pas contribué à faire advenir, mais face auxquelles il a une responsabilité d’agir. Comme expliqué infra, la doctrine traite cette dimension de la responsabilité avec le concept de solidarité.

Nous verrons également que la mention explicite de la « société » comme lieu de réalisation de la responsabilité sociale est importante et qu’elle participe à la constitutionalisation de la notion de société (civile) (infra, N. 56).

1. Les domaines de la contribution découlant de la responsabilité sociale

49 L’exigence générale de la responsabilité sociale de l’art. 6 Cst. porte sur la contribution de l’individu à l’accomplissement des tâches de l’État et de la société. Cette contribution peut se définir de manière plus ou moins exigeante. A minima, nous pouvons la définir comme un devoir de chaque individu de respecter ses obligations légales, revenant par-là même à l’idée d’un devoir fondamental de portée générale. La contribution des individus se borne alors à un respect du droit. Comme évoqué plus haut dans la discussion des arguments du Conseil fédéral, l’argument souffre d’une certaine circularité (une obligation juridique de respecter le droit) (supra, N. 12). A l’autre extrême, contribuer à accomplir les tâches de l’État et de la société peut presque devenir synonyme d’accomplir ces mêmes tâches.

Ce genre d’interprétation maximaliste est difficilement compatible avec une constitution libérale et une société pluraliste.

50 Comment trouver un chemin praticable entre ces deux extrêmes ? Il apparaît opportun de distinguer entre les types de tâches où la contribution de l’individu peut légitimement être attendue afin de soutenir l’État et la société et le niveau d’exigence de la contribution. Nous aborderons le niveau d’exigence plus bas en traitant du concept « selon ses forces » (infra, N. 59).

51 L’identification des types de tâches peut passer par une interprétation des autres normes constitutionnelles permettant d’appréhender les dimensions de cette responsabilité sociale. Chatton identifie ainsi quatre dimensions de cette responsabilité sociale, en se basant notamment sur la lecture du préambule de la Constitution

: une responsabilité envers la Création, un esprit de solidarité et d’ouverture au monde, une responsabilité envers les générations futures et une responsabilité de solidarité sociale envers les plus faibles et les plus démunis. Certains de ces éléments se retrouvent d’ailleurs dans l’art. 40 al. 2 Cst., dédié aux droits et devoirs des Suisses de l’étranger. Cet article mentionne (sans distinguer clairement les droits des devoirs) l’exercice des droits politiques au niveau fédéral, l’accomplissement du service militaire et du service de remplacement, l’assistance des personnes dans le besoin et les assurances sociales. Lues ensemble, ces dispositions permettent d’identifierles types de tâches où la responsabilité sociale des personnes est particulièrement engagée.

52 La palette de tâches possibles reste toutefois encore très large. Afin d’affiner l’analyse, nous pouvons tenter une incursion en théorie morale. Dans une perspective conséquentialiste, la responsabilité sociale devrait être particulièrement marquée là A) où les besoins sont les plus importants et urgents et B) où, collectivement, les individus sont en mesure d’apporter des changements notables (d’où l’utilisation du terme « contribuer »). En bref, on définirait les domaines de l’art. 6 Cst. en posant la question de la plus grande utilité possible des contributions des individus.

53 La difficulté majeure reste le risque d’un État qui instrumentalise ses résidentes et résidents. L’Etat exigerait un engagement des individus et, en plus, déterminerait les domaines prioritaires où ceux-ci devraient s’engager

. Les deux dimensions présentent une tension avec l’idée de liberté individuelle et de pluralisme.
Il est intéressant de souligner ici que l’exigence de contribution formulée dans cette deuxième composante pourrait porter sur les conditions de liberté et de responsabilité de la première composante. Une constellation possible serait celle d’un encouragement des personnes (soit à titre privé, soit à titre d’entreprise) à l’intégration de personnes défavorisées dans une activité économique, permettant par là-même de renforcer leur capacité à être libres et responsables d’elles-mêmes.

54 La question de la responsabilité en matière politique se pose dans ce contexte d’établissement des priorités.

On peut lire l’art. 6 Cst. comme un appel à participer politiquement (voter/élire), mais également comme un appel à contribuer aux tâches de l’État et de la société par le biais de la politique. Dans un système de milice, il apparaît cohérent que les personnes soient appelées à contribuer au bon fonctionnement des institutions. La crise actuelle de la démocratie communale, notamment la difficulté à trouver des candidates et candidats pour les postes électifs, est souvent abordée sous l’angle de la responsabilité sociale des citoyens.
L’art. 6 Cst. pourrait ainsi se comprendre comme un appel à l’engagement politique, qui serait alors l’une des tâches auxquelles les individus sont invités à contribuer. Il est néanmoins important de souligner que la Constitution fédérale ne connaît pas d’obligation explicite de participation politique, à la différence par exemple de la Constitution de Schaffhouse pour ce qui est de la participation aux votations et aux élections.

2. La distinction entre Etat et société

55 La deuxième composante de l’art. 6 Cst. distingue l’État de la société (« à l’accomplissement des tâches de l’État et de la société »). Selon la doctrine majoritaire, cette distinction n’apparaît pas centrale et vise, avant tout, à adopter la perspective la plus englobante possible.

Selon Chatton, pris ici comme exemple de la doctrine majoritaire, la « diversification de même que complexification des tâches et des interactions » plaident en faveur de l’absence de distinction claire entre État et société dans cet article.
Il semble toutefois possible d’opposer deux arguments à cette lecture. En effet, la mention explicite de l’État et de la société suggère que le constituant a souhaité opérer une distinction.

56 Premièrement, l’idée de responsabilité sociale (l’exigence pour les individus de contribuer à l’accomplissement des tâches) n’apparaît pas dans le même contexte si l’on parle de tâches réalisées par l’État ou par la société (civile)

. Dans le contexte de l’action étatique, la responsabilité sociale des individus se concrétise selon certaines modalités spécifiques, par exemple l’idée de respect des obligations légales, fiscales ou encore militaires. Il n’est pas attendu que l’individu s’engage aux côtés des membres de l’administration cantonale et fédérale pour les aider dans leurs missions. Cette lecture axée sur l’État rapproche la responsabilité sociale de l’idée des devoirs fondamentaux. L’affaire mentionnée plus haut traitant du respect des obligations fiscales comme condition de naturalisation (à l’aune de l’art. 6 Cst.) illustre ce rapprochement entre responsabilité sociale et devoir de respecter les obligations prévues par l’ordre juridique.
Le défi de ce rapprochement consiste ainsi à conserver une distinction entre une responsabilité sociale et des obligations déjà identifiées (par exemple obligation fiscale). Il en va différemment dans le contexte de la société, par exemple la vie associative. Dans ce contexte, l’art. 6 Cst. appelle les individus à contribuer à la vie de la société via un engagement hors des structures de l’État.

57 Deuxièmement, la mention explicite de la société à l’art. 6 Cst. participe à faire exister de manière indépendante la société civile, et ce par opposition à l’État. Comme l’explique Besson dans son analyse de la Constitution fribourgeoise, la société civile est un concept relationnel, une courroie de transmission : « En bref, et de manière très générale, la société civile regroupe toutes les relations sociales et volontaires qui ne relèvent ni de l’État ou du politique, ni du marché ou de l’économique (société bourgeoise), ni de la famille ou du privé ».

La Constitution fédérale ne mentionne le mot de « société » que trois fois (art. 6, 65 (statistique) et 118b (recherche sur l’être humain) Cst. – les occurrences de la société anonyme ne sont ici pas considérées). L’art. 6 Cst. donne une existence constitutionnelle explicite à cette « société »et à son importance en tant que lieu de réalisation et réceptacle de la responsabilité sociale.

58 En résumé, l’exigence formulée par l’art. 6 Cst. devrait s’interpréter de manière circonscrite pour la contribution aux tâches de l’État (type de tâches). Il s’agit avant tout d’un appel à contribuer selon certaines modalités institutionnalisées, par exemple via un engagement civique. Dans le contexte des tâches de la société, l’appel à la responsabilité sociale peut prendre des formes plus inventives.

59 Dans ces deux domaines (Etat et société), le niveau d’exigence pour les individus peut varier. Dans une lecture maximaliste, chaque personne apparaît responsable dans le contexte de l’État (obligations institutionnalisées et minimales, presque similaires à des devoirs fondamentaux) et dans celui de la société (obligations plus diverses dans leur forme et plus ouvertes dans le niveau d’exigence). Comme mentionné plus haut, le danger d’un Etat trop exigeant apparaît important. Pour des raisons de respect de la liberté individuelle et de pluralité des opinions, la Constitution ne devrait pas exiger des individus qu’ils deviennent soit des supplétifs de l’État, soit des serfs de la vie associative.

3. Selon ses forces

60 Face au danger d’un Etat potentiellement trop exigeant face à des individus eux-mêmes dans des situations très différentes, l’art. 6 Cst. mentionne que chaque personne est appelée à prendre sa responsabilité sociale « selon ses forces ». Cette notion introduit un paramètre essentiel dans la détermination de l’étendue de la responsabilité sociale des individus. Ceux-ci ne doivent pas tous s’engager de la même manière ou selon les mêmes exigences, mais selon leurs propres forces.

61 L’art. 6 Cst. introduit donc un principe d’équité dont il faut définir le concept principal, à savoir celui de « forces » (Kräfte, forze). De manière générale, le concept de forces semble être ici utilisé comme synonyme de capacités. On attend de l’individu un engagement selon ses capacités, qui peuvent être à la fois physiques, psychiques, intellectuelles, financières ou liées à une phase de vie (par exemple la retraite).

62 Dans ce contexte, l’individu capable – c’est-à-dire celui qui a de la force – s’oppose à celui qui ne peut pas contribuer à l’accomplissement des tâches. Häberle relie ce concept à l’adage « à l’impossible, nul n’est tenu ».

Si l’individu est dans l’incapacité, il n’est pas justifié d’attendre de lui l’engagement prévu par l’art. 6 Cst. Cette question d’équité est présente dans de nombreux débats politiques. Par exemple, la question de la flexibilisation de l’âge de la retraite par rapport à la pénibilité des professions pourrait être abordée sous l’angle de la contribution attendue des individus à l’accomplissement des tâches de l’Etat et de la société.

63 Par analogie avec la discussion sur les compétences nécessaires à la responsabilité pour soi-même (supra, N. 35), la détermination des « forces » (i.e. capacités) pertinentes soulève également des questions morales.

Il importe de savoir quels types et quelle étendue de capacités sont présupposés ou, en d’autres termes, quelles capacités sont considérées comme « normales ». Cette détermination permet ensuite de distinguer entre les individus qui ne peuvent pas et ceux qui ne veulent pas (mais pourraient théoriquement) contribuer à l’accomplissement des tâches.

64 Ce débat sur la « normalité » est lié à la discussion générale sur la définition du handicap et sur les présupposés sociétaux portant sur le capacitisme et le validisme (en anglais ableism, de l’adjectif able).

A ce titre, définir quelle forces (capacités) sont considérées comme une position par défaut nous oblige à clarifier les contours de cette normalité et sa pertinence au moment d’interpréter la responsabilité sociale « selon ses forces » de l’art 6 Cst.

65 Cette limitation à celles et ceux qui sont en situation de capacité ne résout néanmoins pas la difficile questionde savoir combien est attendu de leur part. L’art. 6 Cst. semble reposer sur un principe général de gradation qui veut que plus un individu a de forces (capacités), plus il est attendu qu’il contribue aux tâches communes. La limite inférieure se définit par l’existence de la capacité. Existe-il une limite supérieure à ce principe ? Chaque individu doit-il contribuer « autant que faire se peut » (aucune limite supérieure) ou, au contraire, « à concurrence de X » (X étant la limite supérieure) ? Définir une limite supérieure serait une réponse aux critiques d’exigences exagérées qui peuvent être soulevées à l’encontre de l’art. 6 Cst. De manière générale, cette question touche à une problématique complexe de théorie morale où il s’agit de déterminer la juste part attendue d’individus mis face à un défi général (comme par exemple le changement climatique

). La complexité vient notamment du fait que ce qui est attendu d’un certain individu peut être fonction du comportement des autres individus.

IV. Conclusion

66 Ce commentaire offre une approche structurée du contenu de l’art. 6 Cst., dont l’interprétation exige de mobiliser des ressources de théorie du droit et de philosophie politique. Même si la portée juridique directe de l’art. 6 Cst. est modeste selon la majorité de la doctrine, sa fonction d’orientation et d’intégration dans l’ordre constitutionnel repose sur une nécessaire clarification des concepts de liberté et de responsabilité (pour les personnes physiques, mais potentiellement aussi pour les personnes morales). A ce titre, l’interprétation de l’art. 6 Cst. cristallise les présupposés et les attentes formulés à l’encontre des individus vivant au sein d’une société. Son existence exige une clarification normative sans cesse renouvelée, à l’exemple de la réflexion sur l’exigibilité de certains efforts individuels.

A ce titre, l’interprétation proposée de l’art. 6 Cst. rassemble et, d’une certaine manière, raconte des éléments essentiels de notre vision d’un individu et des attentes qui pèsent sur lui dans une société libérale.

Remerciements

J’aimerais remercier les deux reviewers anonymes, Odile Ammann, Stefan Schlegel, Audrey Boussat, et Martine Rouiller pour leurs retours sur des versions préliminaires du texte.

A propos de l’auteur

Dr Johan Rochel est philosophe du droit. Il est actuellement chercheur au Collège des Humanités (EPFL), spécialiste de droit et d’éthique des technologies, et chargé de cours à l’Université de Fribourg (philosophie du droit) et à l’Université de Lausanne (gouvernance d’internet). Il est également affilié au Centre d’éthique de l’Université de Zürich. Il est docteur en droit de l’Université de Fribourg et possède deux masters de l’Université de Berne (philosophie politique et droit). Il a été Constituant valaisan de 2018 à 2023. Contact : johan.rochel@gmail.com.

Lectures complémentaires recommandées

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Notes de bas de page

  • Pour une réflexion similaire, Müller, N. 12.
  • Sur cette idée des devoirs fondamentaux et de leurs relations avec les droits fondamentaux, Ost, p. 55 ss ; Aubert p. 1 ss ; Wächter p. 287 ss.
  • L’Art. 49 de l’ancienne Cst. féd. prévoyait, dans un article portant sur la liberté religieuse, que « nul ne peut, pour cause d’opinion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civique » (bürgerliche Pflichten dans la version allemande). Constitution fédérale du 29.5.1874.
  • Kley, p. 75 ss (avec références).
  • Chapitre 4, rt. 27-31 modèle de Cst. du DFJP : l’obligation générale de respecter le droit, l’école obligatoire, le devoir civique de participer aux votations et élections, l’obligation de servir et l’obligation de payer ses impôts. Modèle de Cst. du DFJP (1985), disponible sur www.bj.admin.ch/dam/bj/fr/data/staat/gesetzgebung/archiv/bundesverfassung/vorentw-f.pdf.download.pdf/vorentw-f.pdf (page consultée le 13.5.2023).
  • Message relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20.11.1996, FF 1997 I, 1 ss.
  • Message relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20.11.1996, FF 1997 I, p. 141.
  • Message relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20.11.1996, FF 1997 I, p. 141.
  • Message relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20.11.1996, FF 1997 I, p. 141. Koch, 103.
  • Pour une vue d’ensemble, voir le résumé de Mahon, Art. 6. Voir également SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 1-2 ; BSK BV-Gächter/Renold-Burch, Art. 6 N. 1-2.
  • Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 18.3.1998, p. 143.
  • Voir par exemple Josef Deiss (PDC), rapporteur de la majorité au CN. Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 18.3.1998, p. 144.
  • Version originale disponible ici : www.interactioncouncil.org/publications/universal-declaration-human-responsibilities (page consultée le 13.5.2023). Version allemande in Schmidt, p. 259.
  • Introductory Comment, Universal Declaration of Human Responsibilities, 1.9.1997. www.interactioncouncil.org/publications/universal-declaration-human-responsibilities (page consultée le 13.5.2023).
  • Voir par exemple le constat de Hans Zbinden (PS), Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 18.3.1998, p. 139-140.
  • Sa proposition est la suivante : « Jede Person trägt nach ihren Kräften zur Bewältigung der Aufgaben in Staat und Gesellschaft bei. » Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 20.1.1998, p. 56.
  • Voir par exemple la critique de René Rhinow (PLR), rapporteur de la Commission. Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 20.1.1998, p. 57.
  • Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 18.3.1998, p. 144.
  • Pour une vue d’ensemble de ces débats, Koch, p. 104-110.
  • Voir par exemple les prises de parole de Suzette Sandoz (Libéraux) et d’Andreas Gross (PS). Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 18.3.1998, p. 141-142. Pour cette interprétation, BSK BV-Gächter/Renold-Burch, Art. 6 N. 2.
  • La formulation de Kley est la suivante: « Grundpflichten sind für die Existenz des Staates grundlegende Pflichten ». Kley, p. 61.
  • Kley, p. 4 ss.
  • Kley, p. 9: « Grundpflichten sind Rechtspflichten, die als solche inhaltlich hinreichend bestimmt sein müssen. Eine nach ihrem Inhalt kaum fassbare ‘Solidaritätspflicht’ oder eine ‘Verfassungstreuepflicht’ sind nicht rechtssatzfähig ». Sur la notion de devoirs citoyens dans le droit constitutionnel cantonal, voir Schweizer.
  • SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 3-5; Chatton, Art. 6 N. 6-8.
  • Weimarer Verfassung (1919), Art. 132 et 163. L’Art. 132 prévoit que « Jeder Deutsche hat nach Maßgabe der Gesetze die Pflicht zur Übernahme ehrenamtlicher Tätigkeiten ». L’Art. 163, quant à lui, contient la formulation suivante : « Jeder Deutsche hat unbeschadet seiner persönlichen Freiheit die sittliche Pflicht, seine geistigen und körperlichen Kräfte so zu betätigen, wie es das Wohl der Gesamtheit erfordert. (…) »
  • Constitution italienne (1947), Art. 54. L’Art. 54 prévoit que « Tutti i cittadini hanno il dovere di essere fedeli alla Repubblica e di osservarne la Costituzione e le leggi. I cittadini cui sono affidate funzioni pubbliche hanno il dovere di adempierle con disciplina ed onore, prestando giuramento nei casi stabiliti dalla legge. »
  • Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I) et Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte II) (1966).
  • Constitution du canton de Berne, 6.6.1993, RS 131.212. Chatton, Art. 6 N. 7.
  • Constitution du canton de Genève, 14.10.2012, RS 131.234.
  • Projet de Constitution du canton du Valais, 25.4.2023. La votation populaire sur ce projet est prévue début 2024.
  • Voir par exemple BSK BV-Gächter/Renold-Burch, N. 3 ; SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 12. Voir Müller pour un appel post-Corona à utiliser l’Art. 6 Cst. comme le lieu d’intégration d’une nouvelle conception de la liberté. Müller 2022, p. 2.
  • Gächter parle de « Grundannahme der Verfassung » en traitant du principe de responsabilité pour soi-même. Gächter, p. 695.
  • Chatton, Art. 6 N. 10.
  • SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 16 ; Winistörfer, p. 264.
  • SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 16.
  • Voir par exemple la prise de parole du Conseiller fédéral A. Koller : « Ich glaube auch, dass unsere Bürgerinnen und Bürger in den Grundrechten immer mehr einen Ausdruck unserer modernen Anspruchsmentalität gegenüber dem Staat sehen. » Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 18.3.1998, p. 144.
  • Chatton, Art 6 N. 11.
  • Chatton, Art 6 N. 12.
  • « Adressat ist vordergründig der Einzelne, in der Sache jedoch vor allem der Gesetzgeber, der die Rechtsordnung im Sinne der in BV 6 zum Ausdruck kommenden «Grundwerte» auszugestalten hat ». Biaggini, Komm. BV, Art. 6 N. 4. Voir également BSK BV-Gächter/Renold-Burch, Art. 6 N. 9 et 13. L’idée d’un parallèle avec l’Article 2 Cst. (« But ») doit être relativisée, justement dans la mesure où les dispositions de l’Art. 2 s’adressent directement à la Confédération.
  • Pour cette distinction, Chatton, Art. 6 N. 13.
  • Rhinow, BV 2000, 102 ; Mahon, Art. 6, N. 4 ; Rhinow/Schefer/Übersax, N 2653 ; BSK BV-Gächter/Renold-Burch, Art. 6 N. 9.
  • Biaggini, Komm. BV, Art. 6 N. 2. Plus largement sur l’éthique de responsabilité, Haldemann.
  • SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 18-19.
  • Chatton, Art. 6 N. 17.
  • Bertschi/Gächter, p. 25.
  • Chatton, Art. 6 N. 17.
  • Studer, p. 593; Gächter, p. 705-706.
  • TF, arrêt du 16.2.2005, K 166/04, consid. 3.
  • ATF 141 I 153, 17.09.2015, consid. 4.2: « Als Grundprinzip im Sozialhilferecht meint die Subsidiarität, dass Sozialhilfe prinzipiell nur gewährt wird, soweit der Einzelne keinen Zugang zu einer anderweitigen, zumutbaren Hilfsquelle hat. Es ist damit Ausdruck der Pflicht zur Mitverantwortung und Solidarität gegenüber der Gemeinschaft, wie sie in Art. 6 BV verankert ist. Das Bestehen eines Anspruchs auf Sozialhilfe ist daher mit Blick auf den Subsidiaritätsgrundsatz zu klären ».
  • Chatton, Art. 6 N. 18. Voir TF, arrêt du 22.11.2012, 8C_500/2012, consid. 7.2.3: « Es ist daher auch keine Verletzung des Grundsatzes der Subsidiarität (Art. 6 BV) ersichtlich ». Dans un arrêt de 2021 portant sur la décision du Conseil fédéral de stopper les négociations avec l’UE autour de l’accord cadre (mai 2021), la Cour n’entre pas en matière malgré l’argument avancé par un particulier qui souhaitait contribuer aux tâches de l’Etat et de la société selon la demande formulée par l’Art. 6 Cst. TF, arrêt du 1.6.2021, 2C_449/2021, consid. 2 : « Dass er unter Bezugnahme auf Art. 6 BV vorbringt, er wolle zur Bewältigung von Aufgaben in Staat und Gesellschaft beitragen, begründet die erforderliche Sachnähe nicht. »
  • TAF, arrêt du 7.1.2014, C-233/2013, consid. 4.3: « Die Verpflichtung zur Selbsthilfe, welche die grösstmögliche Eigenaktivität in Notlagen verlangt, steht im Einklang mit dem Grundsatz der Eigenverantwortung, der als übergeordnetes ethisches Grundprinzip in Art. 6 der Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18.4.1999 (BV, SR 101) verankert ist. »
  • TF, arrêt du 29.04.2004, U 255/03, consid. 2.2.
  • TF, arrêt du 13.12.2002, C_84/02, consid. 2.3.
  • TAF, arrêt du 14.6.2022, F-3597/2021, consid. 5.7.2 : « Le but poursuivi dans le cas d’espèce est de garantir que seuls les candidats bénéficiant d’une bonne réputation du point de vue fiscal et honorant leurs obligations vis-à-vis de l’Etat (cf., aussi, Art. 6 Cst.) obtiennent la naturalisation. La satisfaction des obligations fiscales constitue en effet l’une des obligations les plus importantes de l’individu vis-à-vis de la collectivité. »
  • TAF, arrêt du 18.7.2022, F-1509/2021, F-1511/2021, consid. 7.3.2 : « Pour permettre, si possible, l’indépendance financière de la famille et également à l’aune de la responsabilité individuelle mentionnée à l’Art. 6 Cst., on peut toutefois attendre de la mère des intéressés qu’elle fasse des efforts plus soutenus afin d’exercer une activité lucrative plus rémunératrice. » Voir également TAF, arrêt du 15.4.2020, F-2537/2018, consid. 8.2.1.
  • TF, arrêt du 13.1.2014, 6B_247/2013, consid. 1.5.1 : « Die Vorinstanz begründet nicht, inwiefern zwischen dem ihres Erachtens normwidrigen Verhalten des Beschwerdeführers und der übrigen Beschuldigten und der Einleitung einer Strafuntersuchung ein Kausalzusammenhang besteht. Ein solcher ist auch nicht ersichtlich. Die Strafuntersuchung wurde nicht eingeleitet, weil der Beschwerdeführer und die übrigen Beschuldigten durch ihre Geschäftstätigkeit im Rahmen des Zigarettenschmuggels angeblich gegen irgendwelche Normen (Art. 959 OR, Art 3 ff. GwG, Art. 3 und 4 der Verordnung über Wirtschaftsmassnahmen gegenüber Jugoslawien) verstiessen respektive ihre individuelle Pflicht zur Verantwortung gegenüber dem Staat (Art. 6 BV) verletzten. »
  • TF, arrêt du 13.1.2014, 6B_247/2013, consid. 1.5.1 : « Die Rechtswidrigkeit des Verhaltens des Beschwerdeführers kann nicht damit begründet werden, dass dieser durch seine Beteiligung am Zigarettenschmuggel nach Italien, durch welchen der italienische Fiskus geschädigt wurde, seine Pflicht zur individuellen Verantwortung gegenüber dem schweizerischen Staat (Art. 6 BV) verletzt hat. Die gesetzliche Regelung, nach welcher ein solches Verhalten keine Straftat darstellte, entsprach dem Willen des schweizerischen Gesetzgebers. »
  • TAF, arrêt du 4.2.2022, B-2683/2018, consid. 6.3 : « Dem Beschwerdeführer ist es dagegen gerade im Lichte des Primats der Selbstverantwortung (Art. 6 BV) zumutbar, dass er die Konsequenzen des freiverantwortlichen Verhaltens nun zu tragen hat und sich bei Interesse an einer künftigen Aktivität im Finanzbereich nötigenfalls das Vertrauen anderer Marktteilnehmer erneut erarbeiten muss, ohne dass ihm der Staat mittels Verdeckung früherer Aktivitäten behilflich sein muss. »
  • Gächter, p. 693-695. Pour de nombreux auteurs, cette dimension se concrétise ensuite dans les différents droits fondamentaux. Voir par exemple SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 15. Pour une introduction générale au libéralisme et à ses présupposés philosophiques, Audard.
  • Pour une réflexion similaire post-crise du COVID-19, Müller 2022.
  • Hobbes, chapitre 13.
  • Müller semble défendre une telle vision : « Vor dem Hintergrund eines solcherart revidierten Menschenbilds ist Freiheit nicht deskriptiv, sondern normativ zu verstehen. Sie ist nichts abstrakt Vorgegebenes, sondern etwas sozial Gemachtes, ein dynamisches Produkt gemeinschaftlichen Zusammenlebens. » Müller 2022, p. 2. Pour cette définition relationnelle, voir par exemple les travaux de Iris Marion Young. Voir également tous les travaux liés à la théorie du « care » (soins).
  • TAF, arrêt du 4.2.2022, B-2683/2018, consid. 6.3.
  • Cette question peut par exemple être appréhendée par l’approche des « capabilités » de Sen et Nussbaum. Pour une présentation générale de cette approche, voir Robeyns/Byskov, § 2.2.
  • L’idée est également présente dans les normes d’imposition fiscale (« selon sa capacité », Art. 127 al. 2 Cst.) et dans le préambule (avec mention du plus faible, mais sans mention des compétences nécessaires pour « user de sa liberté »).
  • Gächter, p. 703-704. Il est à noter que Gächter appelle à la prudence dans l’application du principe de responsabilité dans un cas d’espèce. Selon lui, la norme s’adresse avant tout au législateur en vue de réaliser des arbitrages.
  • Les réflexions de Pärli sur le cas spécifique de l’assurance-invalidité et l’exigibilité de certaines mesures vont dans la même direction. Pärli, p. 712 ss.
  • Par exemple, SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 6-7 ; Biaggini, Art. 6 N. 3 ; Studer, p. 265-266.
  • Le TF a considéré qu’il s’agissait de deux dimensions du principe de subsidiarité. TF, arrêt du 31 août 2012, 8C_44/2012, consid. 7.2.
  • BSK BV-Gächter/Renold-Burch, Art. 6 N. 8.
  • Gächter décrit ainsi la conception libérale qui sous-tend, selon une doctrine majoritaire, l’idée de responsabilité pour soi-même : « (…) darf und soll der Staat grundsätzlich davon ausgehen, dass die Einzelnen für ihr Leben im Allgemeinen und die Existenzsicherung im Besonderen Selbst- bzw. Eigenverantwortung tragen. » Cela est parfaitement correct, mais incomplet tant que la dimension de réalisation de cette capacité n’est pas posée clairement. Gächter, p. 695. A l’inverse, Pärli traite directement de ce problème d’inégalité face à la responsabilité. Pärli, p. 710 ss.
  • Gächter, p. 698-699.
  • Pour une discussion de la jurisprudence portant sur ce terme, voir TF, arrêt du 6.10.2020, 8C_715/2019, consid. 3.1-3.3.
  • Riemer-Kafka, p. 142.
  • La Constitution du canton de Bâle-ville du 23.3.2005 (RS 131.222.1) est à ce titre plus claire. Son Art. 6 contient un al. 2 prévoyant que « Jede Person trägt Verantwortung für sich selbst sowie gegenüber den Mitmenschen und der Umwelt », et un al. 3, qui mentionne que « Jede Person trägt nach ihren Kräften zur Bewältigung der Aufgaben in Staat und Gesellschaft bei ». Ces deux alinéas font apparaître plus clairement cette distinction. La Constitution du canton de Lucerne du 17.6.2007 (RS 131.213) a une structure et un contenu similaire. Voir SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 6-7, BSK BV-Gächter/Renold-Burch, N. 4.
  • BSK BV-Gächter/Renold-Burch, N. 12, Biaggini, Art. 6 N. 3, Mahon, Art. 6, N. 4.
  • Le Conseiller fédéral A. Koller fait référence à cette crainte lors des débats parlementaires : « Ich glaube, dass wir unsere Bürgerinnen und Bürger überfordern, wenn wir von ihnen verlangen, dass sie zu direkten Erfüllungsgehilfen des Gemeinwohls werden. Das scheint mir ein zu idealistisches Menschenbild zu sein. » Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 18.3.1998, p. 144.
  • BSK BV-Gächter/Renold-Burch, N. 12.
  • Chatton, Art. 6 N. 22.
  • Les débats autour des domaines d’affectation des civilistes pourraient servir d’analogie (notamment le caractère prioritaire de certains domaines et l’impact sur le marché du travail). Voir notamment Art. 4 et 6 Loi fédérale du 6.10.1995 sur le service civil (LSC) (RS 824.0).
  • Voir par exemple la critique libérale de René Rhinow (PLR), rapporteur de la Commission. Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 20.1.1998, p. 57.
  • Sur ce point, voir Pärli.
  • Sur ce point, SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 13.
  • A titre d’exemple, la commune de Buchrain (Lucerne) est ainsi confrontée, en été 2022, à un cas problématique où un membre sortant de l’exécutif ne peut être remplacé. Aucun candidat ne s’est déclaré, ouvrant la voie à un choix forcé d’un citoyen de la commune. Voir https://www.zentralplus.ch/politik/in-buchrain-droht-einem-gemeinderat-die-wahl-wider-willen-2425999/ (page consultée le 13.5.2023). De manière plus générale, concernant cette crise, voir notamment Müller/Adler et leur proposition d’introduire un service civique obligatoire.
  • Chatton, Art. 6 N. 10. Art. 23 al. 2 et 3 de la Constitution du canton de Schaffhouse du 17.6.2002 (RS 131.223).
  • SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 16, BSK BV-Gächter/Renold-Burch, N. 12.
  • Chatton, Art. 6 N. 24.
  • René Rhinow (PLR), rapporteur de la Commission du Conseil des Etats lors des débats parlementaires, pose distinctement ces deux questions. Selon lui, la notion de tâches « de l’Etat » est beaucoup trop vague et celle de tâches « de la société » douteuse sur le plan du respect des libertés individuelles. Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 20.1.1998, p. 57
  • TAF, arrêt du 14.6.2022, F-3597/2021, consid. 5.7.2
  • Besson, p. 328-329.
  • Elle pourrait à ce titre être mobilisée comme justification (au moins partielle) dans la discussion autour d’un revenu de base conditionnel, lié par exemple à un engagement en matière de durabilité. Voir Swaton pour un exemple.
  • Par analogie, une charge fiscale proportionnée à la capacité contributive (Art. 127 al. 2 Cst.) est appréhendée par le TF comme l’idée que « chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens ». TF, arrêt du 26.7.2018, 2C_450/2017, consid. 6.1.
  • SGK BV-Häberle, Art. 6 N. 16. Voir Chatton, Art. 6 N. 24. Dans la jurisprudence, TF, arrêt du 25.4.2012, 2C_825/2011, consid. 2.2.3.
  • Lors des débats parlementaires, le Conseiller aux Etats Hans Danioth, qui proposa la formulation retenue, explique ainsi : « Die Sozialkomponente kommt im Passus ‘nach ihren Kräften’ zum Ausdruck und besagt, dass nur solche Beiträge erwartet werden können, die von der körperlichen oder geistigen Leistungsfähigkeit einer Person her überhaupt möglich sind. » Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale, tiré à part, 20.1.1998, p. 56.
  • En Suisse, voir par exemple la prise de position de l’association Agile (organisations de personnes avec handicap) sur cette question. Pour un travail sociologique à l’exemple de l’assurance-invalidité en Suisse, Piecek et al.
  • Voir par exemple Hohl/Roser dans le cadre du changement climatique. Voir plus largement Murphy.
  • « Das Mass des staatlich organisierten und mitfinanzierten Sozialschutzes muss im Hinblick auf die steigenden Sozialausgaben und die fürsorgliche Übermacht des Staates laufend austariert werden », Gächter, p. 698.

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